Bravo pour ce magnifique quatre mains
Pos a écrit : dim. 03 sept., 2023 10:25
Je ne comprends pas pourquoi être en 4 mains rassure tellement. Peut être parce qu’il faut être tellement concentré sur l’autre qu’on a pas le temps de penser à autre chose ? L’idée serait d’avoir autant de concentration sur soi même en solo et le trac serait un ancien souvenir alors !
Je pense qu'avec ce "il faut être tellement concentré sur l'autre qu'on a pas le temps de penser à autre chose", tu as complètement donné la réponse.
Le fait de jouer avec un partenaire fait que tu places ton jeu par rapport à lui, et donc toute ton attention est portée sur l'écoute, sur la façon de te placer en osmose (et réciproquement), d'adapter ta dynamique par rapport au jeu de ton partenaire, n'être plus que dans les nuances et dans le don. Ton cerveau - absolument occupé à cela pendant que tu joues - est alors complètement placé dans l'instant présent (c'est à dire la seule musique) et ne laisse plus la place aux pensées du genre "telle mesure, c'est super difficile, je vais me planter", "ah, zut j'ai raté un peu ce passage"... . Tu es ainsi vraiment la musique et tu deviens finalement comme partie intégrante du public, assise tranquillement dans la salle, qui écoute.
D'une autre manière, Glenn Gould en avait très bien parlé dans un de ses livres où il expliquait que lorsqu'il avait un doute sur un passage
(nb : mais c'était finalement assez rare qu'il en ait un) en lisant la partition, se disant par exemple qu'à cet endroit ce n'était vraiment pas commode à jouer, son cerveau commençait à se faire comme un blocage. Du coup, en allant au piano pour jouer le fameux passage, cela ne faisait pas un pli : il savonnait. Et plus il essayait et plus cela empirait, arrivant alors à un blocage complet. Pour débloquer le truc, il mettait l'aspirateur en route, la chaine stéréo aussi pour que cela fasse le plus de boucan possible et alors rejouait le passage... Et comme par hasard, cela passait nickel. Simplement parce qu'alors, tout son cerveau était entièrement centré sur le fait d'arriver à entendre ce qu'il jouait, malgré tout ce vacarme, ce qui ne laissait plus de place aux pensées parasites, du style "ah, je vais encore le louper". Et une fois le passage joué parfaitement, le blocage était complètement levé.
En solo, c'est un peu aussi cela, arriver à n'avoir aucune pensée parasite, être simplement dans l'écoute, comme si finalement tu étais une simple auditrice placée dans la salle, qui goûte absolument la musique. Le trac vient souvent des pensées parasites.
Essaie de faire le test : mets la chaine stéréo très fort pendant que tu joues ton morceau. Tu verras que toute ton attention n'est plus que dans le vouloir entendre, discriminer les sons au sein d'un vacarme, et tout se joue naturellement (bien sûr, il faut très bien connaître le morceau, l'avoir super travaillé aussi, comme s'il pouvait se jouer tout seul).