Commençons par la définition :
Larousse :
Passage d'une tonalité musicale dans une autre.
Ailleurs : Changement de ton, inflexion variée de la voix.
Wikipedia :
En harmonie tonale, une modulation désigne un changement de tonalité, sans interruption du discours musical. (…)
Wikipedia développe le sujet, que je vais tenter de synthétiser.
La modulation permet d’effectuer un changement de tonalité par le biais de techniques, dont la plus simple est le passage par une dominante, à savoir la dominante de la tonalité suivante, bien entendu.
Dans la musique populaire, comme la variété, la technique de la transposition simple, généralement en montant d’un ton ou d’un demi-ton, est couramment utilisée, afin de redonner un élan, un second souffle dans les mélodies, mais en musique classique cela est bien plus subtil, et c’est ce qui est passionnant.
Finalement, la modulation est la principale technique de développement d’une œuvre. Elle est non seulement dans la continuité du contrepoint, mais son essence-même.
En utilisant à la fois les règles de l’harmonie, qui est l’écriture verticale (enchaînement des accords), et celle du contrepoint qui est l’écriture horizontale (reprise du thème, ou de son imitation, ou reprise de séquences ou de motifs), la modulation vient compléter ces techniques afin d’assurer des développements symétriques, ce dans des tonalités différentes afin de renouveler les motifs et bien entendu d’éviter la monotonie.
C’est avec Bach qu’on trouvera cette symétrie la plus achevée, à cause du contrepoint.
La fugue en est l’exemple le plus emblématique, issue du canon, mais comportant des règles de modulation : le résultat est que la symétrie est omniprésente, mais les thèmes s’entrecroisant avec des tonalités changeantes, les développements s’auto-génèrent et créent une architecture jamais complètement redondante, un ensemble très cohérant mais très riche à la façon d’une architecture de pierre comme un château ou une cathédrale.
Même hors de la fugue, la modulation viendra apporter comme des inflexions de voix, des nuances, des sursauts, que ce soient pour les thèmes ou les contre-chants.
La modulation peut aussi être brutale et efficace, on a un exemple célèbre avec la Polonaise n°6 de Chopin, où, sur les octaves en double-croches, Chopin passe sans transition de mi majeur à mi bémol majeur.
La musique ayant besoin de symétrie, mais aussi de surprises pour éviter la monotonie et l’ennui, la modulation vient donc apporter des incursions dans des tonalités le plus souvent voisines (cf la fameuse rosace des tonalités), à savoir la descente en quinte (ou la montée en quarte, ce qui revient au même), par exemple de do à fa : l’accord de do, en y ajoutant la 7ème (si bémol), se transforme en dominante de fa, puis de fa à si bémol si on le veut (fa7 => si bémol), et ainsi de suite.
C’est la technique la plus courante de la dominante, servant d’aiguillage ou de signal, mais il y en a d’autres.
Les modulations ont des durées très variables, elles peuvent durer un bon moment avant de revenir à la maison, à savoir à la tonalité originale, soit en restant sur la modulation, soit en partant sur d’autres entretemps.
Elles peuvent aussi durer un bref instant, comme une incursion rapide, ou par glissements successifs.
Ces glissements peuvent être d’une suavité orgasmique, et je pense que c’est une des choses qui m’avaient le plus frappées au début de mon écoute de la musique classique, et que je ne retrouve nulle part ailleurs : j’écoutais des heures et des heures ces musiques en attendant avec délice ces modulations. Et cela perdure aujourd’hui.
Est-ce votre cas ?

Et j’en arrive au sujet : qu’est-ce que l’art de la modulation ?
À mon avis, c’est quand on remarque à peine qu’on a modulé, justement !

Comme le pilote de l’avion qui effectue ses virages et son atterrissage tout en douceur : on a eu le temps de contempler des paysages différents au cours des mouvements de l’avion, mais on n’a pas été perturbé par ces derniers.
Tous les grands compositeurs cumulent ces qualités :
- génie de la mélodie,
- maîtrise de l’harmonie,
- maîtrise du contrepoint,
- maîtrise des modulations.
Pour les œuvres orchestrales, on peut ajouter la maîtrise de l’orchestration, et si vous mélangez le tout, vous obtenez ces merveilles que vous jouez ou que vous écoutez !
Qu’en pensez-vous, après cette synthèse rapide ?
