Interprétations légendaires : fardeau / inspiration ?

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Lee
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Interprétations légendaires : fardeau / inspiration ?

Message par Lee »

Bonjour,

J'étais inspirée d'écrire ce poste par la réfléxion de Virgule sur un autre fil : pour elle, il n'y a que Richter pour le D960 de Schubert. J'ai déjà lu la même remarque probablement plusieurs fois. Mais ça me fait réfléchir surtout que je ne peux rien citer qui prend un tel importance.

Pour ceux qui ont ces répéres, j'ai deux questions pour vous :

1/ quelles interprétations prennent-elles une place comme ça pour vous ? Quelques exemples suffiront si vous ne voulez pas faire une liste exhaustive. :mrgreen:

2/ pour vous (ou d'autres pianistes) telles interprétations sont-elles des inspirations ou des fardeaux ? Comment pensez-vous que d'autres concertistes gérent ces références ?

Je m'explique par une interview littéraire que j'avais transcrite entre mon ancien prof Merla Wolk et l'écrivaine Bernice Rubens. Rubens a songé que Toni Morrison écrivait comme une génie, une raison étant qu'elle avait trés peu de prédécesseurs de même culture. Ma prof était étonnée, un écrivain anglais (Henry James je crois) a dit que l'inverse était le cas : la pénurie de grands écrivains américains étaient à cause de trop peu des grands prédécesseurs.

Merci d'avance pour vos illuminations. :)
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pianojar
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Re: Interprétations légendaires : fardeau / inspiration ?

Message par pianojar »

Je rejoins Virgule pour la D960 et Richter (sans doute en grande partie à cause du tempo)
Inspiration ou fardeau ? Les DEUX à la fois pour Gould et le mouvement lent du concerto italien car c'est sublime mais on ne peut ps jouer comme celà lorsqu'on est un simple pianiste amateur de niveau très moyen
J'ai déjà évoqué le Cas de Lucas Debargue (Gaspard, K208 Scarlatti etc.......) et même si on ne peut pas parler d'interprétations légendaires car cela présuppose un recul qui n'est pa encore là,pour moi ses inteprétations sont déjà légendaires en ce sens qu'elles sont devenus ma référence absolue en termes d'écoutes ou de travail pour les oeuvres qu'il m'est possible d'aborder techniquement
Modifié en dernier par pianojar le lun. 20 mars, 2017 14:55, modifié 1 fois.
oiseau.prophète
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Re: Interprétations légendaires : fardeau / inspiration ?

Message par oiseau.prophète »

Il m'a semblé lire quelque part qu'un éminent pianiste (notez la grande précision) aurait affirmé qu'il n'entendait pas enregistrer les préludes de Chopin car il n'aurait rien à apporter à l'interprétation légendaire qu'en a réalisée Cortot.

J'avais le disque de l'enregistrement de ces préludes par Cortot, et, bien que le son n'était pas d'une qualité excellente, aucune autre interprétation ne m'a davantage convaincu que la sienne. C'est juste extraordinaire.

Pour rester dans l'optique de ce fil je pense que c'est un sacré fardeau pour les autres interprètes.

Mais ce serait intéressant de poser la question aux pianistes capables d'enregistrer une telle oeuvre (Okay?)
pianojar
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Re: Interprétations légendaires : fardeau / inspiration ?

Message par pianojar »

Même si on a une interprétation de référence pour une oeuvre, ce qui reste intéressant est la confrontation entre les diverses visions. Ce qui importe reste la cohérence d'un discours même si la vision diffère. Sinon plus personne ne jouerait plus rien sans parler d'enregistrement ......
arg

Re: Interprétations légendaires : fardeau / inspiration ?

Message par arg »

Cela dépend peut-être de si je souhaite faire un nouvel enregistrement, ou juste prendre plaisir à jouer.
Dans le premier cas il faut vraiment que je croie pouvoir apporter quelque chose de plus, ou de différent, donc en ce qui me concerne moi arg, ce serait vraiment un fardeau.
Mais si j'ai envie de jouer quand même, pare que toucher le morceau (au sens propre) est incroyablement agréable, alors cela devient une inspiration pour peu que je sache que je ne vais pas faire pareil, et que cette certitude ne soit pas un poids... fardeau ? mais un état tranquille (inspiration ?).
Dans mon cas précis je joue quand même et j'évite d'avoir trop de légendes encombrantes dans les oreilles.
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Okay
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Re: Interprétations légendaires : fardeau / inspiration ?

Message par Okay »

Je pense que ce questionnement est problématique à la racine. La musique est un art qui se déroule de manière vivante et dans le temps. L'enregistrement, aussi parfait et imposant qu'il puisse être, est figé sur son support. La musique n'a pas vocation à rester ainsi piégée dans un cristal.

Cortot a laissé un témoignage qu'on dit incomparable dans les Préludes ? Tant mieux pour la musique, tout le monde y gagne. Mais en quoi ça devrait inhiber qui que ce soit ? D'une part, Cortot est mort et sa vision est figée dans le temps (aussi géniale qu'elle soit, elle n'en devient pas moins "prévisible"), et d'autre part, en quoi la vision de Cortot impliquerait que les autres voient leur discours muselé ?

Il n'y a pas à se comparer, ou vouloir ajouter. On n'est pas en train d'écrire une thèse de recherche, qui n'a de valeur qu'en ajoutant des éléments nouveaux au corpus de connaissances existant. Le positionnement de l'interprétation artistique est profondément différent. Si on veut apporter quelque chose de "nouveau", la seule solution est d'aller vers le répertoire peu ou pas joué, faire entendre ce qui n'est jamais entendu. S'en tenir à ça bloque surement l'accès à 99% de la musique et ne relève que d'une démarche particulière qui a ses mérites, car il est important de faire aussi valoir les pépites du 1% oublié. C'est faire fausse route que de s'astreindre à ce 1%, de mon point de vue.

Le positionnement plus viable me semble être le suivant : une musique nous touche vraiment, nous avons envie de la faire vivre, alors faisons la vivre en exprimant la manière nécessairement unique dont elle résonne en nous. Exprimer cela pour soi, éventuellement le partager si on en ressent le besoin. Voilà, c'est tout. Ca s'arrête la.

Le corollaire de ce positionnement, est la nécessité de se détacher des enregistrements. Ils ne sont pas un fardeau dans le sens où ils seraient trop parfaits, trop idéaux. Mais dans le sens où une vision puissante complique l'accès à notre résonance propre, nous voile ce que nous avons à dire, qui ne peut être convaincant que si cela vient profondément de nous, sans la procuration de la vision d'un autre, à moins de s'en approprier certains éléments. Je suis certain qu'alors, ces éléments étaient en réalité coïncidents avec des éléments déjà latents en nous. Alors la version écoutée devient inspiration, mais pas exactement, elle agit en tant que révélateur des sensibilities que nous possédons intrinsèquement.
Il se peut que cela révèle simplement, et je pense authentiquement, que dans plein d'oeuvres et de repertoires, nous n'avons pas grand chose à dire. Simplement car plein de musiques ne résonnent pas en nous de manière spéciale. Cela ne retire rien à la joie du mélomane qui sommeille plus ou moins en nous. Nous pouvons apprécier sincèrement ce que les autres racontent.

Il est juste très important de soigner la connexion avec notre propre voix, lorsqu'elle souhaite s'exprimer en propre et dans la cohérence. Dans ce cas, peu importe ce que les autres aient déjà dit sur le sujet, exprimons nous.
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Lee
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Re: Interprétations légendaires : fardeau / inspiration ?

Message par Lee »

Merci pour vos réponses.
pianojar a écrit :Je rejoins Virgule pour la D960 et Richter (sans doute en grande partie à cause du tempo)

Et bien, j'aimais beaucoup l'interprétation d'Eschenbach, on entend des éléments différents que dans celle de Richter.
arg a écrit :Dans mon cas précis je joue quand même et j'évite d'avoir trop de légendes encombrantes dans les oreilles.
Même pas un ou deux Argerich ? :wink: J'attendais qu'on la cite pour les interprétations légendaires...
oiseau.prophète a écrit :J'avais le disque de l'enregistrement de ces préludes par Cortot, et, bien que le son n'était pas d'une qualité excellente, aucune autre interprétation ne m'a davantage convaincu que la sienne. C'est juste extraordinaire.
Je ne me la souviens pas bien, il faut que je réécoute, merci pour l'histoire.
Okay a écrit :Le positionnement plus viable me semble être le suivant : une musique nous touche vraiment, nous avons envie de la faire vivre, alors faisons la vivre en exprimant la manière nécessairement unique dont elle résonne en nous. Exprimer cela pour soi, éventuellement le partager si on en ressent le besoin. Voilà, c'est tout.
Merci pour ta réponse très encourageant aux pianistes. Dans mon cas, c'est plus simple, le bonheur est dans l'ignorance. :mrgreen:
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Oupsi
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Re: Interprétations légendaires : fardeau / inspiration ?

Message par Oupsi »

Il y a beaucoup de fardeaux qui ne rendent pas simple ma relation à la musique, mais l'existence de magnifiques enregistrements ou l'écoute de pianistes admirés et aimés ne fait pas partie de ces fardeaux, bien au contraire, la vie me serait insupportable sans cela!
Il y a juste le moment pendant lequel je construis mon morceau où je préserve une petite bulle de silence autour de mon travail, mais ça ne se limite pas à cesser d'écouter les grands enregistrements légendaires du morceau, j'essaye aussi de me taire moi, c.a.d. de ne pas avoir trop d'idées préconçues et d'explorer dans tous les sens avec imagination. Mais ce besoin de silence ne dure pas très longtemps, parce que j'aime bien le dialogue, j'en ai besoin, je pense que la musique n'est pas une vision solitaire d'île déserte. C'est un engagement personnel, ce qui à mon avis est différent. Mais c'est clair que ça prend du temps et surtout une sorte de réelle confiance de chercher, chercher, chercher, tout le temps, de vraiment rester dans cette disposition.
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Lee
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Re: Interprétations légendaires : fardeau / inspiration ?

Message par Lee »

Ah...je comprends pourquoi tu aimes tellement travailler alors. Je ne pourrais pas dire que je cherche et cherche, j'ai l'impression que ça m'arrive d'une telle manière, et c'est tout. Du coup mes interprétations sont moins riches et moins créatives. Du coup je comprends un peu mieux comment tu es arrivé à rendre ton prélude de Bach aussi musicale. :)
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Oupsi
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Re: Interprétations légendaires : fardeau / inspiration ?

Message par Oupsi »

Le rêve de celle qui cherche, c'est bien que cela lui "arrive d'une certaine manière"... tu es musicienne instinctive, c'est une chance.

(prélude; j'enregistre bientôt une nouvelle version)
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Lee
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Re: Interprétations légendaires : fardeau / inspiration ?

Message par Lee »

Ah, bonne nouvelle, j'ai hâte d'écouter ta nouvelle version !

Euh, parfois que on me dit :shock: "mais pourquoi tu fais ça ?" ou "mais tu joues comme rien n'était et il y a plein de modulations etc." :oops: Je préfère plutôt "prendre une page de ton livre" comme on dit en anglais, surtout quand il y a des choses qui sont un peu différents.
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Re: Interprétations légendaires : fardeau / inspiration ?

Message par Abegg63 »

Pour moi les interprétations que je considère comme étant des références, ce n'est pas un fardeau, au contraire.
J'ai souvent découvert des oeuvres à travers leurs interprètes.
Lorsque j'entends un pianiste jouer une oeuvre et que sa version me semble toucher au plus près la pensée du compositeur, ça m'encourage à la travailler et à en donner la meilleure interprétation possible. Ce n'est pas de l'imitation puisque je suis loin d'être capable de faire aussi bien mais écouter une "version de référence" m'incite à aller plus loin, à être attentive à plus de détails.
D'ailleurs il m'est arrivé quelquefois de ne pas aimer une oeuvre et d'avoir un vrai coup de coeur pour la même oeuvre dans une interprétation donnée.
Chaque pianiste nous invite à entrer dans son univers à chaque interprétation, j'y suis plus ou moins réceptive au point que parfois, j'ai l'impression que ce n'est pas la même oeuvre.
Virgule
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Re: Interprétations légendaires : fardeau / inspiration ?

Message par Virgule »

Lee a écrit :J'étais inspirée d'écrire ce poste par la réfléxion de Virgule sur un autre fil : pour elle, il n'y a que Richter pour le D960 de Schubert. J'ai déjà lu la même remarque probablement plusieurs fois. Mais ça me fait réfléchir surtout que je ne peux rien citer qui prend un tel importance.
Mince ! Mais justement, après avoir écrit cela (et je ne visais pas que la D960) je me suis tout de suite dit 'idiote ! c'est faux ! tu oublies Arrau !' et j'ai failli éditer mon message, mais finalement je me suis dit que c'était sans importance. Heureusement, puisque cela t'a inspiré ce post ! Mais en fait, s'il est vrai que dans la D960 Richter m'émeut profondément, ben il n'est pas le seul. J'ai par exemple réécouté tout récemment la semi-finale de Evgeny Bozhanov au concours Van Cliburn 2009, où il a joué l'op.31/3 de Beethoven et cette sonate D.960. Les deux sonates sont absolument superbes et s'il joue le 1er mouvement du Schubert nettement plus vite que Richter, ça n'en demeure pas moins sublime d'émotion et de clarté. Et je ne parle pas de son 2nd mouv, à pleurer lui aussi, (presqu') autant que celui de Richter, et du Scherzo, qui est d'une légèreté joyeuse que je trouve irrésistible (Richter le joue trop vite!). Je n'ai aucune envie de comparer et classer ces deux versions, je les écoute toutes les deux et elles m'éveuvent toutes les deux.
Lee a écrit :Pour ceux qui ont ces répéres, j'ai deux questions pour vous :
1/ quelles interprétations prennent-elles une place comme ça pour vous ? Quelques exemples suffiront si vous ne voulez pas faire une liste exhaustive. :mrgreen:
Mon premier coup de foudre pour Schubert, je le dois à Claudio Arrau, dans ses enregistrements réalisés à la Chaux-de-Fonds pour Philips à la fin de sa vie ('The Final Sessions'). Il m'a arraché le coeur. Pour moi ça allait de soi que ça resterait à jamais mon interprétation de référence pour les D894 et D780 (la D960 n'est pas incluse). Pourtant, je les ai réécoutées récemment et elles ne me font plus du tout le même effet... ce qui m'a renversée ! Mais je précise qu'à l'époque je ne connaissais pas Richter. Autre exemple: le cd Scarlatti de Pogorelich m'a enchantée et a lontemps été ma 'référence' dans Scarlatti. Je n'en écoutais pas d'autre. Récemment, grâce à Lucas Debargue et aussi à Pianomajeur, je me suis réintéressée à Scarlatti et j'ai réécouté Pogo... et j'ai été déçue. Oui c'est bon, mais ça ne m'enchante plus autant. Mes goûts ont changé on dirait. Je n'ose pas réécouter les Tableaux d'une exposition de Pogo, interprétation qui est aussi ma référence (tant que je ne la réécoute pas ? :roll:) mais c'est pas Buniatishvili qui va le déclasser [-X .

Alors voilà, avoir un enregistrement de référence, si on continue d'écouter les autres, ça peut très bien changer... et c'est tant mieux. C'est important d'écouter plusieurs versions d'une oeuvre, sinon pas la peine d'aller au concert si l'artiste n'est pas celui de votre référence... vous serez forcément déçu(e)s (ce qui m'arrive aussi). En plus, j'aime découvrir de nouveaux interprètes; il faut donc rester ouverte à de nouvelles interprétations !
Lee a écrit :2/ pour vous (ou d'autres pianistes) telles interprétations sont-elles des inspirations ou des fardeaux ? Comment pensez-vous que d'autres concertistes gérent ces références ?
Depuis que j'ai repris le piano il y a 18 mois, comme nouvelles oeuvres j'ai travaillé des sonates de Scarlatti, et ce sont les interprétations des autres qui m'ont donné envie de les apprendre. Pour avoir envie d'apprendre une pièce, il faut d'abord que je l'entende et qu'elle me plaise. Je ne suis pas une déchiffreuse boulimique comme Pianojar. J'entends, j'aime, je cherche la partition. Ensuite, quand j'avance, je réécoute les enregistrements et ça peut me motiver à faire mieux, à paufiner - jamais ça ne me décourage.

Quant à l'éternelle question de savoir si l'écoute d'une interprétation admirée risque de 'polluer' mon interprétation, j'ai ceci à dire:

D'une part, vu mon niveau, si le fait que d'autres ont mieux joué ce que je joue devait m'inhiber, je ne jouerais rien du tout car tout a nécessairement été mieux joué.

D'autre part, je ne cherche en aucun cas à 'interpréter autrement'. J'apprends actuellement la K.208, que Lucas D. m'a appris à aimer. C'est grâce à son enregistrement que j'ai eu envie de l'apprendre, que j'ai pu l'apprendre même, car je n'aurais pas eu la patience de compter les temps sans l'oreille. Si on me dit un jour que je la joue 'comme lui', je serai ravie ! Mais aucune chance, je n'ai pas son talent. En plus, déjà, alors que j'en suis encore à apprendre les notes, je m'aperçois à la réécoute du cd que je dévie, que je joue par exemple plus lentement que lui (je ne pensais pas) et ce n'est pas parce que je ne peux pas jouer plus vite, c'est parce que c'est comme cela que je la sens (je trouve maintenant qu'il la joue trop vite!!!). Je la joue comme je l'entends dans ma tête et finalement, loin du cd, je l'entends autrement.

Je n'ai jamais compris cette crainte que semblent avoir plusieurs musiciens, qui ne veulent pas écouter les autres, de peur de se retrouver à les imiter... Ceux qui veulent imiter les autres ont du mal à y arriver ! Pour moi, si on aime la musique qu'on joue et qu'on y met son coeur, qu'on l'écoute en soi, ça ne peut pas faire autrement que de dériver vers quelque chose de personnel. Il me semble que c'est justement de copier les autres qui est le plus difficile !!
Line-Marie

Re: Interprétations légendaires : fardeau / inspiration ?

Message par Line-Marie »

j'ai hésité à écrire dans ce post, parce que je n'écoute pas beaucoup de CD de musique, et si je le fais c'est pour découvrir une œuvre et découvrir plusieurs interprétations d'une même œuvre (merci YT d'offrir cette possibilité).
Je suis vite lasse de l'écoute d'un CD parce que évidement c'est toujours la même chose. Je préférerais passer mes soirées dans les salles de concert , ce qui n'est pas possible.
Je n'ai pas de catalogue d’œuvre dans ma mémoire et donc pas d'interprétations légendaires. La musique est vivante et je ne suis pas émue par l'écoute d'un CD. Je ne ressens de l'émotion que lors de concert et je suis très sensible à la générosité , au couleurs, à la beauté de ce que j'écoute et je vibre avec les musiciens.
La pluralité des interprétations d'une même œuvre , même si cela permet d'entendre une lecture différente d'une même œuvre, selon moi, a dénaturé l'écoute de cette œuvre.
Il y a une sorte de catalogue de cette oeuvre qui s'instaure , largement diffusé par les médias spécialisés et qui oriente le goût des mélomanes.
Lorsque j'ai travaillé 3 études de Debussy, j'ai beaucoup écouté la pianiste japonaise Mitsuko Uchida qui a enregistré l'intégrale des 12 études de Debussy. J'ai écouté aussi des interviews qu'elle a donnée sur ce CD et j'étais vraiment intéressée par sa comparaison avec les Etudes de Chopin. Et puis j'ai écouté aussi Monique Haas, un autre monde, magnifique... et un jour sur youtube j'ai découvert un jeune pianiste parfaitement inconnu, qui a enregistré le 2ème cahier d'étude lors d'un concours en Norvège et finalement c'est son interprétation que je trouve la plus proche de ce qu'à écrit Debussy... j'avais aussi écouté une émission sur France musique avec le pianiste Sodi Braide, qui lui aussi a enregistré toutes les études de Debussy. Mais finalement ce qui m’intéresse le plus , c'est d'écouter ces pianistes parler de leur interprétation, expliquer le chemin parcouru, leur décision pour interpréter de telle ou telle façon, c'est là , pour moi, le cœur de la musique. Récemment j'ai entendu Roger Muraro jouer le 2ème cahier d'étude et il a joué brillament mais je n'ai ressenté aucune émotion , sa contruction était nette et précise mais il manquait quelque chose; ce quelque chose qu'il était capable de mettre dans son interprétation de dexu oeuvres de Messiaen dans ce même concert.....

je travaille avec passion deux pièces de Villa Lobos et j'ai écouté l'interprétation de Willhem Latchoumia proposé par jean seb dans un autre post. j'ai trouvé son interprétation brillante , rapide... trop rapide et ne respectant pas les nuances écrites par le compositeur.....

Sans les interprétations de pianistes chevronnés , professionnels, je ne pourrais pas découvrir des oeuvres que je ne suis pas capable de lire rapidement à vue, donc merci à eux ! Mais une fois cette découverte faite , je travaille sans rien écouter, non pas parce que c'est un fardeau , mais parce que cela ne m’intéresse pas durant ce travail. Par contre lorsque j'ai mémorisé toute la pièce et que je suis bien avancé sur le chemin de l'interprétation, j'écouterai quelques extraits d'une interprétation qui m'interpelle, que j'admire.
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Cadenza
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Re: Interprétations légendaires : fardeau / inspiration ?

Message par Cadenza »

C'est marrant : les deux derniers posts ont évoqué immédiatement dans mon esprit des comparaisons avec le monde des alcools.

«Il y a une sorte de catalogue de cette oeuvre qui s'instaure , largement diffusé par les médias spécialisés et qui oriente le goût des mélomanes.»
Comme la critique ou la description d'un vin, ou même le nom ou la bouteille, influence notre goût de celui-ci. On se fit parfois plus à ce qu'en disent les autres qu'à nos propres papilles.

«et j'ai été déçue. Oui c'est bon, mais ça ne m'enchante plus autant. Mes goûts ont changé on dirait.»
J'ai remarqué la même chose avec mon goût des bières. Des bières que j'adorais il y a 10 ans me laissent aujourd'hui plutôt indifférente, et des bières que je trouvais imbuvables il y a 10 ans m'enchantent aujourd'hui.


Bref, ces parallèles résonnant en moi, je ne vois pas pourquoi il ne pourrait pas en être de même en musique.
J'arrive dans l'univers du classique en ne connaissant rien (enfin, presque rien). La sonate clair de lune, j'ai découvert son existence il y a 9 mois environ. J'ai été séduite et je bave d'envie d'arriver à en jouer le 3e mouvement un jour. Et c'est de même pour plusieurs sonates de Beethoven (enfin, surtout celle-là et la pathétique). Et mes interprétations favorites, pour l'instant, sont les premières que j'ai entendues, tout simplement. Pour la clair de lune, c'est celle de Valentina Lisitsa (j'espère bien écrire son nom). Pour la pathétique, le premier mouvement... c'est l'enregistrement de mon prof. J'ai écouté celle de Daniel Barenboim par la suite, magnifique évidemment, mais on dirait que je remarque tout de suite les différences subtiles dans un tempo ici, une accentuation là, et que je me dis que je préfère ma version qui est devenue, en quelque sorte, ma version de référence. Mais quand j'aurai écouté 100 versions différentes, il y a toutes les chances que mon avis change.
Sans compter qu'à force d'écouter de nouvelles pièces, de nouveaux interprètes, je découvre d'autres choses que j'aime, et nécessairement, mes goûts évoluent. Comme pour la bière. :mrgreen:
Je sais, par exemple, que j'ai une interprétation très personnelle et très critiquée du prélude no 4 de Chopin. Mais c'est dans ce rubato exagéré qu'il résonne en moi. Dans la mesure où je ne le présente pas à quelqu'un qui me jugera sur mon interprétation, je n'ai aucune envie de la changer.
D'ailleurs, j'ai la série des préludes de Chopin qui joue en arrière plan présentement, et la version que je viens d'entendre du prélude no 6 me semble trop rapide. Et pourtant, pour celui-là, je n'ai pas vraiment de référence. Je l'ai déchiffré un peu (j'ai passé une dizaine d'heures à le lire, avant de le mettre de côté, car j'ai déjà trop de pièces à l'étude) et je le sens beaucoup plus lent. Je le trouve beau lent (l'interprétation écoutée est celle d'András Schiff). Mais je me pense assez adepte de la lenteur dans la plupart des pièces mineures. Plus que la moyenne des gens je crois. ^^
Mon parcours musical, du jour 1 (février 2016), avec ses hauts et ses bas. ;)
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Re: Interprétations légendaires : fardeau / inspiration ?

Message par pianojar »

Jouishy a écrit : Mais je me pense assez adepte de la lenteur dans la plupart des pièces mineures. Plus que la moyenne des gens je crois. ^^
Bienvenue au club !
Spianissimo
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Re: Interprétations légendaires : fardeau / inspiration ?

Message par Spianissimo »

La musique est faite pour être écoutée et jouée. Le mélomane et le pianiste sont différents, même lorsqu'ils sont confondus en un seul individu :mrgreen:
En tant qu'amateur, manquerait plus qu'on prenne les interprétations d'artistes qui ne jouent pas dans la même catégorie que nous comme un fardeau...non, ce sont plutôt des sources d'inspiration pour moi, et je n'y pense pas en jouant ou en travaillant une oeuvre, mais je suis imprégné de leur souvenir au plus profond de moi et ça influence forcément mon jeu...
Pour le professionnel, c'est différent, le gros piège étant de vouloir se démarquer à tout prix au risque de perdre son naturel...je pense que le pro doit transcender tout ce qu'il a écouté pour lui apporter naturellement sa vision en toute sincérité, .... et tant pis si elle n'apporte rien de nouveau...il y a des contraintes inévitables...des limites et le poids de l'histoire dans tout domaine qu'on aborde, le génie étant justement celui capable d'apporter ce que personne n'a vu avant lui...
C'est sympa de parler mais jouons maintenant...
http://www.youtube.com/user/andante5133
arg

Re: Interprétations légendaires : fardeau / inspiration ?

Message par arg »

En fait je me sens très ignorante. Je n'ai d'interprétation de référence que lorsque j'ai un CD chez moi (et c'est ce CD qui devient la référence pourvu qu'il me plaise beaucoup) mais seulement pour un temps. Ce temps correspond à un travail autour d'une oeuvre, dans ce cas j'écoute ce que je tourne CD ou davantage youtube. Ou alors à un coup de coeur hasardeux pour quelque chose que je viens d'entendre et qui me touche particulièrement. Dans ce temps je ne vais pas écouter toute les versions trouvables, je cherche quelque chose qui me plait et je m'en sers ponctuellement pour améliorer mon travail (donc comme source d'inspiration). Passé ce temps, je me tourne vers d'autres horizons... et ma mémoire n'imprime que des fragments.
Je suis incapable de parler de telle ou telle version pour l'immense majorité de oeuvres même les plus connues. Donc finalement, ce n'est pas un fardeau.
Line-Marie

Re: Interprétations légendaires : fardeau / inspiration ?

Message par Line-Marie »

Spianissimo et Arg , je me retrouve dans vos écrits !
Line-Marie

Re: Interprétations légendaires : fardeau / inspiration ?

Message par Line-Marie »

Oupsi a écrit :(prélude; j'enregistre bientôt une nouvelle version)
comme Lee, j'ai hâte de pouvoir t'entendre ! La beauté du son aperçue à Beuvray m'a laissée sur ma faim ! :D
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