Lee a écrit :J'étais inspirée d'écrire ce poste par la réfléxion de Virgule sur un autre fil : pour elle, il n'y a que Richter pour le D960 de Schubert. J'ai déjà lu la même remarque probablement plusieurs fois. Mais ça me fait réfléchir surtout que je ne peux rien citer qui prend un tel importance.
Mince ! Mais justement, après avoir écrit cela (et je ne visais pas que la D960) je me suis tout de suite dit 'idiote ! c'est faux ! tu oublies Arrau !' et j'ai failli éditer mon message, mais finalement je me suis dit que c'était sans importance. Heureusement, puisque cela t'a inspiré ce post ! Mais en fait, s'il est vrai que dans la D960 Richter m'émeut profondément, ben il n'est pas le seul. J'ai par exemple réécouté tout récemment la semi-finale de Evgeny Bozhanov au concours Van Cliburn 2009, où il a joué l'op.31/3 de Beethoven et cette sonate D.960. Les deux sonates sont absolument superbes et s'il joue le 1er mouvement du Schubert nettement plus vite que Richter, ça n'en demeure pas moins sublime d'émotion et de clarté. Et je ne parle pas de son 2nd mouv, à pleurer lui aussi, (presqu') autant que celui de Richter, et du Scherzo, qui est d'une légèreté joyeuse que je trouve irrésistible (Richter le joue trop vite!). Je n'ai aucune envie de comparer et classer ces deux versions, je les écoute toutes les deux et elles m'éveuvent toutes les deux.
Lee a écrit :Pour ceux qui ont ces répéres, j'ai deux questions pour vous :
1/ quelles interprétations prennent-elles une place comme ça pour vous ? Quelques exemples suffiront si vous ne voulez pas faire une liste exhaustive.
Mon premier coup de foudre pour Schubert, je le dois à Claudio Arrau, dans ses enregistrements réalisés à la Chaux-de-Fonds pour Philips à la fin de sa vie ('The Final Sessions'). Il m'a arraché le coeur. Pour moi ça allait de soi que ça resterait à jamais mon interprétation de référence pour les D894 et D780 (la D960 n'est pas incluse). Pourtant, je les ai réécoutées récemment et elles ne me font plus du tout le même effet... ce qui m'a renversée ! Mais je précise qu'à l'époque je ne connaissais pas Richter. Autre exemple: le cd Scarlatti de Pogorelich m'a enchantée et a lontemps été ma 'référence' dans Scarlatti. Je n'en écoutais pas d'autre. Récemment, grâce à Lucas Debargue et aussi à Pianomajeur, je me suis réintéressée à Scarlatti et j'ai réécouté Pogo... et j'ai été déçue. Oui c'est bon, mais ça ne m'enchante plus autant. Mes goûts ont changé on dirait. Je n'ose pas réécouter les Tableaux d'une exposition de Pogo, interprétation qui est aussi ma référence (tant que je ne la réécoute pas ?

) mais c'est pas Buniatishvili qui va le déclasser

.
Alors voilà, avoir un enregistrement de référence, si on continue d'écouter les autres, ça peut très bien changer... et c'est tant mieux. C'est important d'écouter plusieurs versions d'une oeuvre, sinon pas la peine d'aller au concert si l'artiste n'est pas celui de votre référence... vous serez forcément déçu(e)s (ce qui m'arrive aussi). En plus, j'aime découvrir de nouveaux interprètes; il faut donc rester ouverte à de nouvelles interprétations !
Lee a écrit :2/ pour vous (ou d'autres pianistes) telles interprétations sont-elles des inspirations ou des fardeaux ? Comment pensez-vous que d'autres concertistes gérent ces références ?
Depuis que j'ai repris le piano il y a 18 mois, comme nouvelles oeuvres j'ai travaillé des sonates de Scarlatti, et ce sont les interprétations des autres qui m'ont donné envie de les apprendre. Pour avoir envie d'apprendre une pièce, il faut d'abord que je l'entende et qu'elle me plaise. Je ne suis pas une déchiffreuse boulimique comme Pianojar. J'entends, j'aime, je cherche la partition. Ensuite, quand j'avance, je réécoute les enregistrements et ça peut me motiver à faire mieux, à paufiner - jamais ça ne me décourage.
Quant à l'éternelle question de savoir si l'écoute d'une interprétation admirée risque de 'polluer' mon interprétation, j'ai ceci à dire:
D'une part, vu mon niveau, si le fait que d'autres ont mieux joué ce que je joue devait m'inhiber, je ne jouerais rien du tout car tout a nécessairement été mieux joué.
D'autre part, je ne cherche en aucun cas à 'interpréter autrement'. J'apprends actuellement la K.208, que Lucas D. m'a appris à aimer. C'est grâce à son enregistrement que j'ai eu envie de l'apprendre, que j'ai
pu l'apprendre même, car je n'aurais pas eu la patience de compter les temps sans l'oreille. Si on me dit un jour que je la joue 'comme lui', je serai ravie ! Mais aucune chance, je n'ai pas son talent. En plus, déjà, alors que j'en suis encore à apprendre les notes, je m'aperçois à la réécoute du cd que je dévie, que je joue par exemple plus lentement que lui (je ne pensais pas) et ce n'est pas parce que je ne peux pas jouer plus vite, c'est parce que c'est comme cela que je la sens (je trouve maintenant qu'il la joue trop vite!!!). Je la joue comme je l'entends dans ma tête et finalement,
loin du cd, je l'entends autrement.
Je n'ai jamais compris cette crainte que semblent avoir plusieurs musiciens, qui ne veulent pas écouter les autres, de peur de se retrouver à les imiter... Ceux qui
veulent imiter les autres ont du mal à y arriver ! Pour moi, si on aime la musique qu'on joue et qu'on y met son coeur, qu'on l'écoute en soi, ça ne peut pas faire autrement que de dériver vers quelque chose de personnel. Il me semble que c'est justement de copier les autres qui est le plus difficile !!