ok, mais [Bergamotte] vous justifiez en creux dans votre remarque la possibilité de rire par exemple d'#unbonjuif, ou de tout autre sujet pour lequel le rire des uns heurte la réalité ou la mémoire des autres.
Cela nous parait impossible aujourd'hui de rire de bon cœur d'une blague mettant en scène des Noirs dans leur qualité-d'hommes-à-la-peau-noire-pris-essentiellement-pour-tels, parce que nous avons appris que c'était cela le racisme exactement.
Selon un classique sur le sujet, il y a une ironie ouverte qui ne s'en prend à personne en particulier, mais seulement à la situation. Et il y a une ironie qui est une fermeture sur l'exclusion d'un tiers. Peut-être se limiter à la première est une bonne chose, et trouver les bornes ou elle bascule dans la seconde est à l'appréciation de nuances subtiles.
Et rhétoriquement je repose la question pour vous amener peut-être à voir où vous situez l'appréciation des nuances subtiles sur un autre domaine plus facile à trancher : est-ce que vous aimez les blagues sur les arabes?
Yapluka, je suis malgré moi disons un exemplaire d'une partie de la population qui très discriminée (autre que celle qui est à l'origine de ce sujet, mais c'est sans importance.) Il y a un paradoxe : si vous n'êtes pas au fait, vous ne voyez pas le problème, les gens disent les Noirs, les Juifs, les aveugles, et on colporte tout un tas de clichés abjectes dans un langage qui ne s'embarrasse même pas de précautions. Les discriminations bourgeonnent sur ce terreau, et les sociologues, les politologues, les démographes, les économistes, tous les producteurs de savoirs qui comptabilisent les discriminations avec des méthodes objectivables, dévoilent la réalité des faits sociaux, le langage que l'on emploie pour s'adresser à eux au sujet de leur différence ou pour la décrire ou la mentionner, engage l'être des personnes discriminées, et là dessus on mesure des taux d'emploi, des moyennes de ressource, des moyennes de niveau d'instruction, etc., qui sont autant de différences très réelles. Le bon bourgeois qui n'a pas deux sous d'humanités classiques ou modernes, croit pourtant dur comme le bon sens que ce sont là des fables et des légendes : par exemple il pense (et parfois même il le dit candidement) : si les noirs sont pauvres, c'est parce qu'il sont paresseux, et non parce qu'ils sont socialement discriminés.
Ainsi si vous êtes à l'une de ces places, ou encore mieux, si vous y passez au cours de votre vie, vous commencez à répertorier ces mécanismes réels qui ne sont plus invisibles, mais deviennent transparents.
Ce sont là les mécanismes que chacun fait jouer chaque fois qu'il fait une blague innocente sur les Noirs, les homos (et leur mariage), les Chinois, les femmes, les malentendants, etc. Et alors il ne faut pas vous étonner qu'il y ait souvent quelqu'un qui vous reprenne pour vous dire malgré votre défense que vous ne pensiez pas à mal (ce qui n'est pas du tout explicite dans ce cas du reste, mais passons), que le racisme, l'antisémitisme, l'homophobie ou quoi ou qu'est-ce, c'est exactement cela, de ne pas même y penser.
Mais c'est sans doute trop pour un dimanche, moi je suis ravi d'avoir rassemblé ma pensée sur ce point, même si je sais bien que cela ne servira peut-être à rien pour ce qui vous concerne.
Quant à lilou, je me demande si elle n'a pas des doutes, au fond, sur son Kawai, ce qui ne serait pas étonnant, vu qu'on sait bien qu'avec Kawai, il y a toujours des soucis, ce qui se trouve là une fois de plus confirmé comme de juste
Bergamotte : rire oui, c'est à dire pleurer ; ou pleurer, c'est à dire rire. Il n'y a pas cet esprit de rire en pleurant et de pleurer en riant dans la communauté française. Les Noirs s'insultent de Nègres pour ne pas cesser de se libérer de cette emprise, mais je ne crois pas que vous soyez autorisé à vous comporter de la sorte, même avec un ami très proche. A propos, comment présentez-vous vos amis à des tiers, dites-vous 'celui-là est un Juif, un Noir,n un homo, un franc-maçon, un handicapé en fauteuil?' Si vous faites des blagues sur les Harkis, les faites-vous devant vos amis français blancs? Les faites-vous devant vos amis français blancs en présence de vos amis Harkis? Comment réagissent-ils alors? Est-ce que des Juifs plein d'humour vont jusqu'à aimer entendre de l'allemand crié, ou des blagues sur Auschwitz-Birkenau racontées par des Allemands? Si je vous disais mine de blaguer de retourner à votre vaisselle, vous trouveriez cela drôle?
