louna a écrit :Je pense faire partie de ceux qui ont cette "maudite" oreille absolue, en général ils en sont plutôt heureux.
Le gros bordel, c'est lorsqu'on connais un morceau dans une certaine tonalité, et qu'on l'entend dans une autre. Nous sommes perdus. Le pire, c'est quand le décallage n'est que d'un demi-ton. Je vous assure que lorsque j'entends par exemple un morceau baroque sur instruments modernes, puis ensuite le même à 415, ça fait vraiment "mal au oreilles". Et c'est vrai ! Il y a des videos sur youtube où il y a des décallages d'un demi-ton je n'arrive pas à les écouter, car je connais la pièce, et ce décallage me fait très mal à la tête (je n'exagère pas et ce n'est même pas drole). C'est très gènant même.
En fouillant dans le forum, j'ai également eu envie de déterrer ce vieux sujet
J'ai deux exemples qui ne sont peut-être pas inintéressants, pour relativiser ce qu'on aime à présenter comme les inconvénients de l'oreille absolue :
1- J'ai eu un prof d'écriture au CNSM de Lyon, spécialisé dans le contrepoint ancien, qui, tout en ayant l'oreille absolue, non seulement n'était pas gêné par le diapason ancien mais, mieux, arrivait à "décaler" son oreille en fonction du contexte. Un peu comme s'il se disait "aujourd'hui, je branche mon oreille absolue sur 415 Hz" lors qu'il allait bosser sur de la musique avec instruments anciens... Ce qui ne l'empêchait pas, le soir du même jour en entendant du Brahms à la radio, d'identifier correctement la tonalité du morceau par rapport au diapason à 440 Hz. Une oreille absolue "mobile", en quelque sorte. Il faut dire qu'avant de s'intéresser à la musique ancienne, il venait de la musique contemporaine (il a fait notamment la classe de composition de Jolivet à Paris), donc il est continuellement dans une logique d'adaptation, et c'est peut-être ce qui l'a préservé de cette rigidité qu'entraîne parfois cette fameuse oreille absolue.
2-J'ai vu un peu la même chose (à un moindre degré) avec une organiste-prof de solfège, ayant l'oreille absolue et étant amenée, occasionnellement à jouer sur des orgues accordés sur une autre diapason... Elle aussi "décalait" mentalement son oreille absolue (cela dit, je ne suis pas sûr que ça allait jusqu'au demi-ton), sauf que quand elle devait revenir à 440 Hz, il lui fallait parfois un peu plus de temps pour se "recaler" et oublier le diapason ancien. Mais là non plus, elle n'avait pas l'air de souffrir... Au pire, quand elle donnait un exemple vocal à ses élèves sans se servir du piano, elle avait tendance à chanter un peu trop bas, et s'en rendait plus ou moins compte ("zut, j'ai encore le vieux diapason dans l'oreille")... Mais ça s'arrêtait là, aucune notion de souffrance ni de mal de tête là-dedans, et c'était temporaire.
Bref, ça peut confirmer l'idée de "relativité" (sinon de "mobilité") de l'oreille absolue...
Personnellement, je peux dire aussi que j'ai l'oreille absolue - j'identifie la tonalité d'un morceau à la télé ou la radio, je me dis "mi bémol" à la sonnerie du métro, je peux chanter un fa dièse ou un ré bémol à la demande sans me servir du diapason, du piano ou du téléphone, et je ne le vis pas du tout comme un fardeau... Plutôt comme quelquechose de sympa, pratique, sans être indispensable non plus (tant qu'on ne confond pas "oreille absolue" avec "très bonne oreille", cf plus bas).
Mais j'ai aussi des raisons de penser que j'ai une bonne oreille relative, en plus de l'oreille absolue... Car même si ça a déjà été dit, redisons-le clairement :
l'oreille absolue et l'oreille relative ne sont pas exclusives l'une de l'autre . Par exemple quand j'identifie instantanément un accord de 4 sons (par exemple : septième mineure et quinte diminuée), je ne sais pas si c'est l'oreille absolue ou l'oreille relative ???... Je crois que c'est les deux... De même pour les dictées d'intervalles, je n'ai jamais eu l'impression de procéder par déduction après avoir entendu les notes (même si j'entendais AUSSI les notes), ça a toujours été instantané... Dans mes dernières années de solfège (fin d'études, sup, médaille / DEM tout ça) , j'étais même plus fort en dictée harmonique qu'en dictée à parties manquantes (là les quelques erreurs que je faisais parfois n'étaient pas dues à l'oreille mais à la mémorisation).
D'autre part, et pour faire un contrepoids au post que j'ai quoté ci-dessus, quand j'entends un morceau dans une autre tonalité que la tonalité habituelle (diapason ancien, vinyle qui tourne trop lentement, ou toute autre raison) , je m'en rends compte, mais ça ne me fait pas souffrir, à la limite je trouve ça amusant ("tiens c'est marrant de l'entendre dans cette tonalité, je n'ai pas l'habitude"...), mais en tout cas ça ne m'a jamais donné mal à la tête (pour réagir au message que j'ai quoté ci-dessus), et ne m'empêche pas d'apprécier la musique.
Par contre, dans le cas d'une dictée où le diapason est décalé d'au moins un quart de ton, là c'est vrai que je ne suis pas très à l'aise, hésitant entre deux notes, et ça peut m'induire en erreur. Enfin quand c'est une musique tonale, ça va malgré tout... (sans doute la familiarité avec le langage qui aide...), mais en atonal, c'est là que je risque de me planter un peu (du style notes décalées d'un demi-ton une fois sur deux), surtout que l'"absolue" a tendance à primer sur la "relative" quand j'entends ce type de musique.
En ce qui concerne l"harmonicité / inharmonicité des sons, je ne sais pas... Il me semble avoir déjà identifié les notes que faisaient une cloche, mais dans d'autres situations il me semble avoir hésité, pour un même son de cloche, entre deux notes très différentes (sans doute l'un des harmoniques ?)
Au sujet de la façon dont est perçue l'oreille absolue : je trouve que beaucoup de personnes confondent ce qui relève réellement de l'oreille absolue, et uniquement d'elle, et ce qui relève d'une bonne oreille musicale "tout court". Par exemple je suis perplexe quand j'entends des réflexions de ce style :
"ah les gens qui ont l'oreille absolue, c'est terrible, ils sont ch****... La moindre petite fausse note de rien du tout ils la remarquent de suite, et ça les choque... c'est infernal !!"
Mais est-ce vraiment dû à l'oreille absolue ? Une fausse note, c'est un problème de relation entre les sons, non ? Donc même "toute petite", une fausse note devrait pouvoir être entendue par une oreille relative aussi, il me semble ! A moins que chez les musiciens, l'extrême finesse d'oreille aille fréquemment de pair avec la possession de l'oreille absolue, malgré quelques exceptions ? A vérifier
Par contre ce qui m'inquiète un peu plus, ce sont les témoignages selon lesquels le "diapason interne" des détenteurs de l'oreille absolue tendrait à monter avec l'âge (jusqu'au ton je crois, ce qui me paraît énorme, ou même plus... Bah on verra bien

Il faudrait voir aussi si ça arrive systématiquement... Boulez par exemple, qui est aujourd'hui octogénaire et qui est connu pour avoir l'oreille absolue, a-t-il ce problème ?? il faudrait lui demander...
