La subjectivité dans l'interprétation

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nox
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Re: La subjectivité dans l'interprétation

Message par nox »

Rubato a écrit :Le premier exemple aussi montre les limites de toute interprétation : je crois que personne ne cherche à s'identifier à ce Schumann là ! Enfin , je rapelle qu'il arrivait à Chopin de dire à ses élèves : "Je ne l'entends pas ainsi mais c'est très bien. Continuez !".
Mais pourquoi cela constituerait-il une limite ? pourquoi serait-il impossible de ressentir (et donc transmettre) un sentiment aussi fort mais différent de celui de Schumann ?
L'erreur pour moi, et le mauvais emploi de l'analyse, consisterait à dire "Schumann a écrit ca juste avant de se jeter dans le Rhin, je dois le ressentir comme ca, essayer de faire passer cette détresse etc..." alors que l'on ressent la piece différemment.
Dirlopiano
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Re: La subjectivité dans l'interprétation

Message par Dirlopiano »

Une question connexe : quel est le rapport entre l'idée musicale du compositeur et ce qui est noté sur la partition?
nox
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Re: La subjectivité dans l'interprétation

Message par nox »

C'est connexe ca ? ^^
En tout cas ba euh...sur la partition c'est la retranscription de l'idée musicale du compositeur non ?
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Rubato
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Re: La subjectivité dans l'interprétation

Message par Rubato »

J'ai le sentiment que l'interprétation doit être le fruit d'une subjectivité maîtrisée.
"Interpréter une oeuvre" cela veut dire "donner un sens " à cette oeuvre, à la "rendre compréhensible". Cela ne veut pas dire en faire une oeuvre figée dans le temps, mais retrouver le sens induit par cette oeuvre. Vouloir la jouer comme l'aurait fait l'auteur n'est pas un signe de "vérité". Quel était le meilleur interprète de Schumann , Robert ou Clara ? Jouer sur un piano d'époque n'est pas non plus un gage de "vérité". Nous ne pouvons vivre comme si le temps ne s'était pas écoulé, comme si la technique instrumentale n'avait pas changé. Parfois (mais pas toujours heureusement), certains orchestres baroques m'ennuient sérieusement. J'ai entendu il y a quelque temps la symphonie pastorale jouée par l'un de ces ensembles : je me serai cru à la Fête de la Bière à Munich tellement c'était poussif ! Je préfère 1000 fois la version que j'en ai par Bruno Walter. Heureusement aussi, certains ensembles baroques (celui de Christophe Coin entre autres)me plaisent beaucoup et m'apportent une autre vision de la musique qui m'enrichit.
Le tempo rubato est comme le vent jouant dans le feuillage d'un arbre dont les branches ne bougent pas.
Franz Liszt.
nox
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Re: La subjectivité dans l'interprétation

Message par nox »

Rubato a écrit :J'ai le sentiment que l'interprétation doit être le fruit d'une subjectivité maîtrisée.
"Interpréter une oeuvre" cela veut dire "donner un sens " à cette oeuvre, à la "rendre compréhensible". Cela ne veut pas dire en faire une oeuvre figée dans le temps, mais retrouver le sens induit par cette oeuvre. Vouloir la jouer comme l'aurait fait l'auteur n'est pas un signe de "vérité". Quel était le meilleur interprète de Schumann , Robert ou Clara ? Jouer sur un piano d'époque n'est pas non plus un gage de "vérité". Nous ne pouvons vivre comme si le temps ne s'était pas écoulé, comme si la technique instrumentale n'avait pas changé. Parfois (mais pas toujours heureusement), certains orchestres baroques m'ennuient sérieusement. J'ai entendu il y a quelque temps la symphonie pastorale jouée par l'un de ces ensembles : je me serai cru à la Fête de la Bière à Munich tellement c'était poussif ! Je préfère 1000 fois la version que j'en ai par Bruno Walter. Heureusement aussi, certains ensembles baroques (celui de Christophe Coin entre autres)me plaisent beaucoup et m'apportent une autre vision de la musique qui m'enrichit.
Je suis totalement d'accord avec toi et j'approuve vigoureusement :) (solidarité de matheux !)
Qu'en pensent les autres ?
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André Quesne
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Re: La subjectivité dans l'interprétation

Message par André Quesne »

Rubato a écrit :J'ai le sentiment que l'interprétation doit être le fruit d'une subjectivité maîtrisée.
"Interpréter une oeuvre" cela veut dire "donner un sens " à cette oeuvre, à la "rendre compréhensible". Cela ne veut pas dire en faire une oeuvre figée dans le temps, mais retrouver le sens induit par cette oeuvre. Vouloir la jouer comme l'aurait fait l'auteur n'est pas un signe de "vérité". Quel était le meilleur interprète de Schumann , Robert ou Clara ? Jouer sur un piano d'époque n'est pas non plus un gage de "vérité". Nous ne pouvons vivre comme si le temps ne s'était pas écoulé, comme si la technique instrumentale n'avait pas changé. Parfois (mais pas toujours heureusement), certains orchestres baroques m'ennuient sérieusement. J'ai entendu il y a quelque temps la symphonie pastorale jouée par l'un de ces ensembles : je me serai cru à la Fête de la Bière à Munich tellement c'était poussif ! Je préfère 1000 fois la version que j'en ai par Bruno Walter. Heureusement aussi, certains ensembles baroques (celui de Christophe Coin entre autres)me plaisent beaucoup et m'apportent une autre vision de la musique qui m'enrichit.
Je suis tout à fait d'accord avec toi sur l'interprétation qui doit rester tout à fait subjective. Si toutes les oeuvres étaient jouées de la même manière (ce qui est impossible), personnellement je m'ennuierais à mourir. C'est d'ailleurs pourquoi il est intéressant de posséder des interprétations différentes dans sa discothèque. Cela permet de constater les différences importantes qui existent entre les interprètes.
Si je prends pour exemple la Polonaise op.26 N°1 interprétée par Samson François et celle interprétée par Rubinstein et que je les écoute successivement, quel choc dès les premières mesures !...Le premier met beaucoup de pédale avec beaucoup de rubato et le second pratiquement pas avec une régularité rythmique hors du commun (une véritable horloge...).
Alors la question est la suivante: lequel de ces deux artistes est le meilleur sur le plan technique et musical ?
A cette question je ne peux pas répondre; c'est une question de goût personnel et je dirais même que l'interprétation de chaque artiste a ses qualités et ses défauts ce qui génère en chacun de nous des préférences.
La musique étant un art, il y a plusieurs façons de l'interpréter comme il y a aussi plusieurs façons de peindre un tableau.

Rubinstein disait: "il y a plusieurs façons de tuer un homme..."
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Re: La subjectivité dans l'interprétation

Message par Jean-Luc »

André, je suis 100% d'accord avec toi.

D'ailleurs, cela soulève une question à laquelle je suis souvent confronté. Deux interprétations radicalement différentes me plaisent pour un même morceau. Si je travaille le morceau en question, j'ai souvent été surpris que dans ma façon de jouer, aucune des caractéristiques des 2 interprétations ne ressort franchement.
On ne peut pas dire non plus que ça soit un "mélange", heureusement d'ailleurs.

Non, c'est quelque chose de différent, et je ne peux pas dire que c'est mieux ou moins bien, c'est juste différent. Donc, il y a forcément quelque chose qui entre en jeu ici : pourquoi je joue quelque chose de "différent", alors que je suis séduit par autre chose, du moins en l'écoutant?
Je n'ai pas d'explication précise, mais ce qui est sûr, c'est qu'il y a une part de subjectivité consciente et une autre part plus naturelle ou spontanée, sans doute inconsciente.
Sans compter qu'une interprétation varie aussi selon l'humeur du jour et je pense ne pas être le seul...
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André Quesne
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Re: La subjectivité dans l'interprétation

Message par André Quesne »

Oui Jean-Luc, je te rejoins totalement aussi. D'ailleurs je pense qu'il faut jouer selon sa propre nature. Avant même que nous soyions nés (et tu le sais mieux que moi) dans le ventre de notre mère, notre physique, notre mental, notre sensibilité sont déjà programmés.

Que nous soyions instrumentistes ou mélomanes, chacun de nous aura une perception différente en fonction de son caractère, de sa sensibilité et aussi de son humeur du moment.

Ne t'est-il pas arrivé d'apprécier une oeuvre à certains moments de ta vie, voire même à certains moments de la journée ? Je pense que si tu reçois une bonne nouvelle et que tu écoutes Mozart, tu l'apprécieras d'avantage...Les variations de notre humeur dues à des faits extérieurs ou intérieurs (qu'ils soient d'ordre psychiques ou psychologiques) influent énormément sur notre sensibilité. Nous sommes constamment sur une sorte de balance...
De tous ces facteurs, dépend l'interprétation qui ne peut rester que subjective...et c'est tant mieux...
Modifié en dernier par André Quesne le jeu. 20 sept., 2007 18:34, modifié 1 fois.
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egtegt
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Re: La subjectivité dans l'interprétation

Message par egtegt »

André Quesne a écrit : Avant même que nous soyions nés (et tu le sais mieux que moi) dans le ventre de notre mère, notre physique, notre mental, notre sensibilité sont déjà programmés.
Sur ce point, je ne suis pas d'accord avec toi André, je pense que notre mental et notre sensibilité s'aquiérent pendant notre enfance, mais qu'on ait ça à la naissance ou quelques années plus tard ne fait pas une grande différence de toute façon :)

Pour le reste je suis d'accord avec toi. Cehel qui envisage une interprétation objective "parfaite" dans laquelle seul l'auditeur pourrait mettre des sentiments me fait froid dans le dos. A quoi bon faire de la musique si ça n'est pas pour s'exprimer ?

Je revendique le droit de mettre mes sentiments propres dans une piéce de Beethoven ou de Bach et de l'interpréter en fonction de ces sentiments. Et si j'en étais incapable, alors j'arrêterais tout de suite le piano et je me contenterais d'écouter ceux qui le font.

Pourquoi à votre avis un concert en direct est-il toujours mieux qu'un disque ? A mon avis pas tellement pour le son mais parce que la proximité avec l'artiste perment de mieux ressentir ses sentiments.
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André Quesne
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Re: La subjectivité dans l'interprétation

Message par André Quesne »

egtegt a écrit:
Pourquoi à votre avis un concert en direct est-il toujours mieux qu'un disque ? A mon avis pas tellement pour le son mais parce que la proximité avec l'artiste perment de mieux ressentir ses sentiments

Oui peut-être, mais ne pas oublier que pour le disque, il faut que ce soit nickel. Donc l'enregistrement se fait souvent en plusieurs prises mises bout à bout.
Sur ce point, je ne suis pas d'accord avec toi André, je pense que notre mental et notre sensibilité s'aquiérent pendant notre enfance, mais qu'on ait ça à la naissance ou quelques années plus tard ne fait pas une grande différence de toute façon
Oui bien sûr mais je veux surtout parler du "terrain" ce qui fait la qualité de la récolte...Je pense que tu me suis ?

Il y a une certaine disposition. Pourquoi y a-t-il des gens doués dès les premières années de leur vie ?
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egtegt
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Re: La subjectivité dans l'interprétation

Message par egtegt »

André Quesne a écrit :... Oui peut-être, mais ne pas oublier que pour le disque, il faut que ce soit nickel. Donc l'enregistrement se fait souvent en plusieurs prises mises bout à bout.
...
Il y a une certaine disposition. Pourquoi y a-t-il des gens doués dès les premières années de leur vie ?
Je ne vais pas rentrer dans le débat de l'inné ou de l'acquis, nous ne serons pas d'accord de toute façon et c'est stérile :)

Pour ce qui est du disque, tu vas dans mon sens ! Même si le fait de faire plusieurs prises bout à bout est tout de même rarement utilisé (à part bien sûr Glenn Gould célébre pour ça :) )

En fait, ce que tu dis, c'est qu'une version peaufinée, retravaillée, que l'artiste peut recommencer autant de fois qu'il veut, même parfois découper s'il n'arrive pas à tout bien jouer, est moins bonne qu'une version faite en une fois sans filet.

C'est exactement ce que je voulais dire : la proximité de l'artiste parvient même à contrebalancer la perfection du disque. Et le côté spontané ajoute encore à celà.
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André Quesne
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Re: La subjectivité dans l'interprétation

Message par André Quesne »

Je reviens de fête...t'as vu l'heure ?...Dans un certain sens ce que tu dis est vrai. Les coupures pour faire un disque pourraient créer une certaine rupture de l'expression musicale qui n'existe pas en prise directe. Mais bien malin celui qui peut s'en apercevoir...Je pensais comme toi à Gould. Le pianiste qui se transformait volontiers en technicien de prise de son.
Il nous a laissé cependant des enregistrements merveilleux avec des prises successives en plein morceau...Qui peut s'en apercevoir ?...Il n'aimait pas le concert public, il préférait et de loin l'enregistrement en studio; il faut admettre que c'était un perfectionniste né et un pianiste hors du commun.

Je pense qu'à cette heure, tu dois bien dormir; quant à moi je vais essayer de me laisser glisser dans le sommeil pour être en forme tout à l'heure à 13 heures puisque nous sommes réinvités.

A+ André.
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Rubato
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Re: La subjectivité dans l'interprétation

Message par Rubato »

Je vais faire une comparaison avec la littérature. Les meilleurs romans, à mon goût, sont ceux qui ne se contentent pas de raconter une histoire mais en livrent tous les ressorts psychologiques, sociaux, historiques...qui constituent la trame de fond et qui sont aussi importants, si ce n'est plus, que l'histoire elle-même. Ces romans sont véritablement polyphoniques. Je vais citer un exemple bien connu : Georges Simenon. Ses oeuvres ont été souvent portées à l'écran et interprétées par différents acteurs. Jean Richard est sans doute l'interprète le plus connu. Eh bien, de l'avis de Simenon, c'était le pire de tous : seul l'aspect policier, finalement secondaire, apparaissait à travers son jeu. En revanche, il appréciait d'autres acteurs qui avaient chacun leur personnalités mais qui restaient fidèles au texte et à ce qu'il signifiait.
Le piano a ceci de particulier que c'est un petit orchestre à lui tout seul. Le bon interprète est celui qui, restant fidèle au texte, sait mettre en valeur les différents discours dans l'oeuvre mais deux interprètes différents avec chacun leur personnalité le feront de manière différente. Ce qui est essentiellement important, c'est de rester modeste face à une oeuvre : nous avons aucun droit de l'altérer , d'en changer la signification. Nous devons donc rechercher par tous les moyens ce qui doit être mis en lumière. Mais il ne faut pas se tromper : ce n'est pas un hasard si certains procédés apparaissent : cela a une signification.
Le tempo rubato est comme le vent jouant dans le feuillage d'un arbre dont les branches ne bougent pas.
Franz Liszt.
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Re: La subjectivité dans l'interprétation

Message par louna »

Rubato a écrit :Ce qui est essentiellement important, c'est de rester modeste face à une oeuvre : nous avons aucun droit de l'altérer , d'en changer la signification.
Restons modestes :
Que savons nous de la signification d'une oeuvre ?
Rien !
Non ?
Ou bien, nous "savons" ce que NOUS voulons savoir....
nox
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Re: La subjectivité dans l'interprétation

Message par nox »

louna a écrit : Restons modestes :
Que savons nous de la signification d'une oeuvre ?
Rien !
Non ?
Ou bien, nous "savons" ce que NOUS voulons savoir....
Ben pourquoi etre aussi négatif ? tu ne crois pas que la partition revele beaucoup ? apres tout c'est l'expression d'un sentiment, ca en dit beaucoup. Et ca contient beaucoup de signes meme inconscients.
Je ne pense pas que ca soit aussi mystérieux que ca...
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André Quesne
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Re: La subjectivité dans l'interprétation

Message par André Quesne »

nox a écrit :
louna a écrit : Restons modestes :
Que savons nous de la signification d'une oeuvre ?
Rien !
Non ?
Ou bien, nous "savons" ce que NOUS voulons savoir....
Ben pourquoi etre aussi négatif ? tu ne crois pas que la partition revele beaucoup ? apres tout c'est l'expression d'un sentiment, ca en dit beaucoup. Et ca contient beaucoup de signes meme inconscients.
Je ne pense pas que ca soit aussi mystérieux que ca...

Je rejoins un peu l'avis de Louna. Que la partition révèle beaucoup, je suis d'accord avec toi nox mais ce n'est pas suffisant. Cette partition n'est jamais jouée strictement telle qu'elle est écrite; en plus de cela, en fonction des éditions, les indications peuvent changer. Donc ce sera à l'interprète de déméler tout cela et d'interpréter comme il le ressent. Le titre du morceau aura certainement une influence sur l'interprétation. Ce que dit Louna n'est pas faux; la plupart du temps c'est vrai que nous savons ce que NOUS voulons savoir. Si un compositeur n'avait pas donné de titre à une oeuvre et que l'on demande à chacun de nous de lui en donner un, je crois qu'il y aurait beaucoup de divergences...
louna
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Re: La subjectivité dans l'interprétation

Message par louna »

nox a écrit : Ben pourquoi etre aussi négatif ? tu ne crois pas que la partition revele beaucoup ? apres tout c'est l'expression d'un sentiment, ca en dit beaucoup. Et ca contient beaucoup de signes meme inconscients.
Je ne pense pas que ca soit aussi mystérieux que ca...
Merci André pour ces précisions.

Nox, j'ai l'habitude, à chaque fois que j'étudie un nouveau morceau, de faire une analyse vraiment très détaillée de mes partitions. CHAQUE note est analysée.
J'ai l'habitude aussi de me documenter sur l'auteur, sur tout ce qui a pu l'influencer, sur toutes les pièces qui entourent l'opus en question, s'il y a des influences litteraires bien précises, je lis l'ouvrage en question, je m'interroge sur les prédecesseurs et leur influence, sur l'accueil des contemporains, sur la posterité de l'oeuvre.
Pour chaque pièce que j'étudie, c'est un travail au moins aussi long que celui que je passe au piano. Ca peut durer plusieurs mois.
J'ai aussi fait une fac de musique, qui m'a poussé à étudier plus en profondeur certains domaines, et pourtant...
Après tout cela, j'ai toujours l'impression de ne rien savoir.
Plus j'en apprends, moins j'ai l'impression d'en savoir.
Je compte étudier toutes les scènes d'enfants cette année, ça doit bien faire 6/7 ans que j'étudie Schumann à fond, je suis en train de lire le chat Murr, (car "je" pense que les scènes d'enfants sont le prolongement des Kresleiriana -ou inversement-). Et pourtant, plus j'en apprends sur Schumann, plus j'ai l'impression de tourner autour du pot.
L'an passé, j'ai passé 6 mois à bosser autour des ballades de Brahms (je n'ai pas fini) et pareil, pour apprendre quoi au final ? Je n'en sais toujours rien du tout de ses ballades ! J'y ai trouvé finalement ce que j'ai bien voulu y chercher, rien de plus.

"C'est l'expression d'un sentiment" là dessus, je dis "oui, bien sûr, mais ce n'est pas que ça". Je trouve que c'est un raccourci. En réduisant la musique à "l'expression des sentiments", à mon avis, on passe à côté de grandes choses, et très certainement de l'essentiel.
Certes, on trouvera beaucoup de choses dans les partitions, dans la documentation, mais la base même de l'oeuvre, l'idée créatrice, on ne la trouvera certainement pas là dedans. Au ire, on se l'invente !
Alors on peut bien dire qu'après tout, on fait ce qu'on veut de l'oeuvre, qu'on se l'approprie, etc, mais commentpeut-on tenir un discours cohérent, si à la base, on ne sait pas de quoi il s'agit ? On débat dans le vide, non ?

Peut-être aussi que je me plante complètement et que je ne regarde pas où il faut ?
Si quelqu'un a son avis là dessus, je suis preneuse.

Moralité, pourquoi s'embêter avec tout ça, autant ne rien faire et jouer uniquement avec "ses émotions" au moins, on croit bien faire et basta. :)
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Rubato
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Re: La subjectivité dans l'interprétation

Message par Rubato »

Je crois qu'il faut nuancer ces propos.
Comme toute connaissance humaine, la connaissance musicale ne se fait pas de manière linéaire mais par approximations successives et j'ajoute que les erreurs sont souvent sources de découvertes. Personne ne peut prétendre connaître la vérité absolue sur une oeuvre, la façon de l'interpréter, de la comprendre. Ce qui est possible en revanche est d'avoir une démarche critique , dans le bon sens du terme, vis à vis d'une interprétation mais, qui sous le prétexte de ne pas savoir la vérité, n'en vienne pas à interdire toute éxécution. Tes connaissances musicales ne peuvent que t'aider en ce sens. En ce qui me concerne, la question que je dois me poser finalement est : "Est-ce que ce que joue est du Debussy ou bien est-ce cela devient du Rubato ?". Si je ne peux répondre avec certitude à la première partie de cette interrogation, en revanche, je peux me rendre compte de mon erreur si je réponds par l'affirmative à la deuxième partie ce qui ne veut pas dire que je n'aie pas le droit d'avoir ma vision des choses et mon style mais ces éléments doivent toujours être assujettis à la nécessité de ne rien trahir.
C'est en cela qu'une bonne interprétation est subjective et difficile.
Le tempo rubato est comme le vent jouant dans le feuillage d'un arbre dont les branches ne bougent pas.
Franz Liszt.
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