Il se trouve que ce printemps, je m’étais laissé séduire par l’idée de me présenter à un concours d’amateurs.
Pas tout de suite ; plus tard. Cette décision venait soulager le besoin de trouver un but dan ma pratique du piano. Non pas que le plaisir seul ne soit pas suffisant, mais je voulais un objectif a aller chercher dans un timing donné. J’ai envi de me challenger et sortir de ma zone de confort.
Quand j’en ai parlé à mon prof, celui-ci m’a conseillé judicieusement d’aller voir en auditeur comment se passe un concours, afin de prendre le ton et de s’imprégner de l’atmosphère d’une telle journée. De retour chez moi le soir même, en faisant quelques recherches internet, je vois que le concours Lavaux classique cherche des bénévoles. C’est pas très loin de chez moi. Je postule, je suis retenu.
J’étais donc le week-end dernier engagé pour accompagner les compétiteurs jusqu’a la salle de répétition, puis jusqu’a la salle d’audition.
Et voici mon retour d’analyse vu de l’intérieur :
Je ne sais pas ce qu’en a pensé Blyssou, mais j’ai trouvé l’organisation sans complication inutile et bien rodée. Tout se passait en pleine journée, dans une salle qui n’était pas démesurément grande, éclairée par la lumière du jour, sur un Bosendorfer récent d’environ 2m60 dont le son magnifique remplissait bien la salle - En tout cas, j’entendais sa sonorité généreuse depuis le hall d’accueil ou j’étais posté.
Le jury était composé de 5 personnes pour la catégorie amateurs. Dont le précédent lauréat, la compositrice de la pièce imposée, et Pierre Réach. Le jury semblait impartialement attentif et bienveillant.
Ce qui m’a en revanche frappé ce sont les différents profils de candidats. Je les ai nommé ainsi : les amateurs plaisir, les amateurs exigeants, les amateurs professionnels.
Pour chaque groupe, les ambitions étaient différentes, et cela se ressentait beaucoup au contact des candidats.
Pour les « amateurs plaisir » : Il y avait du stress et de l’implication naturellement, mais l’enjeu ne semblait pas vital. Certain étaient même particulièrement souriants et décontractés. On a entendu de belles choses, de Scarlatti à Debussy. Ces candidats ont souvent misé sur la musicalité. Quelques fausses notes, quelques reprises mais bon … « C’est le jeu »
Pour les « amateurs exigeants » : (c’est la catégorie dans laquelle j’inclus blyssou) Tout était déjà plus sérieux. Les candidats étaient plus stressés. Les programmes plus audacieux. Des études de Chopin, de Liszt. Malgré une grande détermination et leur goût pour la belle musique il restait quand même des choix et/ou des erreurs qui rappellent qu’on est dans un concours amateur : Un candidat qui a commencé son audition par le prélude en do majeur du CBT de Bach - Comme s’il s’octroyait un temps pour apprivoiser le clavier - Un Blyssou qui a peut être choisi un programme trop ambitieux. Mais pour tous, l’envi de partager un beau programme, choisi avec le coeur.
Toutes ces choses qui pour moi relèvent de l’imperfection attachante et du véritable concours amateur.
Ces amateurs là, ont été le plus déçus quand ils se sont fait damer le pion par la catégorie des « amateurs professionnels ».
Car la demi-finale a été balayée par au moins deux candidats qui n’étaient pas ici pour rigoler. C’est eux que j’appelle les « amateurs professionnels ». On sentait chez eux, avant même qu’ils n’auditionnent, l’habitude des concours, l’habitude d’un programme déjà joué mille fois en public. Comme si la demi-finale n’était qu’une formalité, car de toute façon, ils savaient bien qu’ils iraient en finale. Le jury ne s’y est pas trompé, il ne pouvait pas y avoir l’ombre d’une doute ; ces mecs là ont raflé la mise avec des pièces magnifiques, et un jeu impeccable. Ce qui me trouble au final c’est l’aboutissement de leur prestation et de leur état d’esprit, qui je trouve ne relève plus de l’amateurisme, mais d’un processus murement rodé. Je dois dire que cette dernière catégorie me laisse perplexe.
Plus personnellement, je retiens plusieurs choses quant à mon ambition de m’inscrire un jour à ce type de concours :
Ne pas espérer gagner
Voir comment je voudrais me présenter : amateur plaisir, ou amateur exigent. La quantité de travail entre l’un et l’autre et colossalement différente - dans les deux cas ce sera insuffisant pour accéder en final. La question est donc de savoir à quel point j’ai envi de progresser et de me challenger.
La vraie victoire sera intérieure.
Quoiqu'il en soit, Blyssou a de quoi être fier de lui. J'ai pu tout entendre, mais pas tout écouter. C'était du beau travail, du beau piano, et un moment de musique généreux. J'ai beaucoup d'admiration pour ce qu'il a réussi à présenter.

Heureux soient les fêlés, car ils laisseront passer la lumière.
Michel Audiard