
né le 19 septembre 1930 à Chicago - décédé le 29 octobre 2017 à Manhattan
Je viens d'apprendre avec un pincement au coeur le décès de Muhal Richard Abrams. Pincement car je crois que c'est le premier concert "jazz" que j'ai vu dans ma vie. Un endroit incroyable, une toute petite cave, je ne sais plus où c'était. Je me souviens (comme dirait Pérec) d'un beau piano demi-queue, marron, un Pleyel sûrement. Quelques chaises, endroit confidentiel... On devait être une trentaine à tout casser. Je me souviens de ce son, je crois que c'est ce jour là que j'ai compris l'importance de la signature du son d'un musicien. D'une honnêteté musicale absolue. Je ne sais plus l'année. On se serait cru dans un film, un film en noir et blanc, ambiance polar. La lumière était belle. Je me souviens de cette liberté dans son jeu, de ses mains, ses longues mains, sa façon d'aller chercher les notes et son immense sourire. Je me souviens de passages free, mais tellement construits et puis de ragtime, mais aussi de musique be bop. Une heure de musique non stop. Le sentiment, avec ce concert, d'avoir été placé par hasard au centre de quelque chose de très important, une espèce de légende. Un homme humble, vibrant de musique.
Pas assez connu, ou reconnu, il n'en était pas moins une figure essentielles du creuset des musiciens de Chicago. Pianiste autodidacte mais aussi multi-instrumentistes (clarinette, violoncelle, percussions, parfois synthétiseur, chant).
En 1965, il a créé à Chicago 'Association for the Advancement of Creative Musicians (AACM), coopérative de jeunes musiciens locaux pratiquant essentiellement le free jazz et le jazz expérimental (utilisant des modes d'écriture issus de la musique contemporaine : polytonalité, atonalité, sérialisme, ....). L'objectif, avec cette Association, était de décloisonner les œillères du marketing, et surtout d’affirmer une indépendance vis-à-vis de l’industrie de l’entertainment, qui reléguait trop souvent ce genre de musiciens dans des clubs trop bruyants pour leurs talents.
Ce que j'aimais chez Muhal Richard Abrams (et aimerai toujours) c'est son art de l’improvisation, véritable plaidoyer pour la créativité, la remettant aussi toujours en perspective d’une écriture exigeante (eh oui, les deux peuvent aller ensemble). Il a ainsi écrit aussi des pièces (quatuors pour cordes, symphonies,...) très influencées par la musique classique européenne du début du XXe siècle et de la musique contemporaine. Ces œuvres sont parfois jouées par des musiciens classiques comme par exemple le Kronos Quartet, le Detroit Symhony Orchesetra ou le Brooklyn Philharmonic Chamber Orchestra.
Il avait aussi monté un big band, The Muhal Richard Abrams Orchestra, composé de 18 musiciens. Magnifique !