Lee a écrit : jeu. 07 déc., 2017 0:30
L'étude dont j'ai parlé affirme l'acquisition de l'oreille absolue par des adultes qui ne l'avaient pas avant, donc cette étude réfute ou infirme quelques études citées par Virgule.
Ma chère amie, je ne sais pas ce que tu as lu de ce que j'ai écrit et de ce que j'ai cité (et de ce que Okay a écrit !), mais visiblement tu ne l'as pas bien lu ou pas bien compris
L'étude que tu cites, si elle est bien faite (je choisis de faire confiance au résumé publié par l'Université de Chicago car je n'ai pas accès à l'article original),
ne contredit absolument pas les études que j'ai citées, bien au contraire ! Elle ne fait que vérifier, de façon plus précise il est vrai, ce que suggérait déjà très clairement les résultats publiés par Levitin en 1994 !
Non seulement Levitin affirme-t-il que l'habileté qu'on appelle 'avoir l'oreille absolue' (savoir nommer les notes qu'on entend) est une
habileté apprise, mais il a même publié dès 1994 une étude qui le suggérait très fortement. Dans son expérience, des étudiants universitaires, qui n'avaient pas l'oreille absolue et n'étaient pas musiciens, avaient mémorisé leur chanson préférée à la même hauteur que celle de l'original ! Ça veut dire que non seulement ils ont appris l'original à la bonne hauteur (by singing along

) mais qu'à force de chanter, jour après jour, leur chanson préférée en même temps qu'ils écoutaient le disque,
ils ont mémorisé cette hauteur au point de pouvoir chanter la chanson
à la bonne hauteur sans entendre ni l'original ni rien d'autre avant l'expérience. À force de répéter la chanson, ils s'étaient 'entraînés' (inconsciemment) et avaient '
une mémoire auditive précise de la fréquence des notes de leur chanson ! Et qu'est-ce que l'oreille absolue ? C'est justement la mémoire de la fréquence des notes (qu'on peut en plus nommer) !
Ce qu'on appelle habituellement l'oreille absolue est une habileté qu'on ne peut tester que chez les musiciens, tout simplement parce qu'on demande aux sujets d'identifier
la note qu'ils entendent ou même de chanter, par exemple, un do 4. Si tu n'as pas appris la musique, c'est sûr que tu ne peux pas dire qu'une note est un la ! Mais en fait, la reconnaissance d'une note, c'est d'abord la reconnaissance d'une hauteur, d'une fréquence sonore absolue, peu importe le nom qu'on lui donne et même si on ne lui donne aucun nom. Ce qui dit Levitin c'est que:
- 1) Tous les humains (ça veut dire toi aussi) naissent avec la capacité physiologique de distinguer (to discriminate) les fréquences sonores dans leur hauteur absolue (c'est quelque chose d'assez facile à tester, même chez les poupons). C'est comme pour les couleurs (mais plus précis encore): on nait équipé pour voir les couleurs, il faut juste apprendre à les nommer.
2) Ce qui distingue ceux qui ont l'oreille absolue des autres, c'est qu'ils sont capables de nommer la note qu'ils entendent, ou de chanter une note sur demande (c'est plus rare). Le nom des notes doit forcément être appris, comme le nom des couleurs, puisque ce nom varie selon la langue qu'on parle. Un nom, c'est une étiquette. On peut tous apprendre ces étiquettes.
Donc, d'une part, tout le monde (ou presque) vient au monde avec la faculté de reconnaître la hauteur absolue des sons, tout comme tout le monde (ou presque) vient au monde avec la faculté de reconnaître et distinguer les couleurs. Et d'autre part, tout le monde peut apprendre à nommer ces hauteurs, à les étiqueter do ré mi ou C D E etc. On apprend plein d'étiquettes dans notre vie.
Mais alors, qu'est-ce qui nous distingue toi et moi de ceux qui ont l'oreille absolue?
C'est la capacité de mémoriser la hauteur des sons ! Si on a cette faculté, on n'a plus qu'à apprendre à y associer des étiquettes.
Et qu'est-ce que l'article que tu cites nous apprend à propos de la capacité de leurs sujets adultes à apprendre à nommer une note qu'ils entendent ? “It’s an ability that is teachable, and
it appears to depend on a general cognitive ability of holding sounds in one’s mind.” C'est-à-dire que ceux qui sont bons à mémoriser la hauteur des sons peuvent acquérir l'oreille absolue. Tout ce qu'ils ont à faire, c'est apprendre à associer un nom de note à la hauteur du son mémorisé. C'est ce que disait Levitin...
Alors tu vois, moi cette étude ne me paraît pas du tout révolutionnaire. Il y a dix ans déjà, quand j'ai lu le livre de Daniel Levitin, puis ses articles, j'aurais parfaitement pu poser l'hypothèse que certains adultes pourraient apprendre cette habileté. Tout était déjà dans ses articles. Pourquoi il ne l'a pas fait lui-même ? Il s'est orienté vers d'autres sujets 'socialement plus importants' (pour lesquels il est plus facile de trouver du financement...)
Ceci dit, je me demande bien pourquoi tu tiens tant à développer cette habileté. Dans ton cas, ça pourrait facilement être plus handicapant qu'utile ! Je te suggère de lire un des articles de Levitin que j'ai cité plus haut: "Absolute Pitch: Both a curse and a blessing (2008)". Ceux qui ont l'oreille absolue identifient moins rapidement les intervalles que ceux qui ont une bonne oreille relative ! C'est très utile aux chanteurs/chanteuses, surtout ceux qui chantent de la musique atonale, ou encore aux violonistes, mais pour le piano...
Mais si tu continues d'y tenir, c'est à la fois simple et compliqué. Tu dois t'entraîner à mémoriser la hauteur des notes. Si tu veux que ce soit efficace, il te faut un feedback immédiat - à trouver.
Lee a écrit : jeu. 07 déc., 2017 10:46
Je n'ai pas trouvé des programmes plus ludiques...c'est aussi intéressant que faire les gammes ou les exercices.
Forcément... et j'ai bien peur que ce soit inévitable

.
Mais l'expérience de Levitin avec les étudiants qui devaient chanter leur chanson préférée suggère une alternative (c'est semblable à un truc pour apprendre à reconnaître les intervalles): apprends par coeur, à la bonne hauteur, un air simple pour chacune des notes que tu veux mémoriser. Tu dois avoir un air qui commence sur le do central par exemple et apprendre à le chanter à la bonne hauteur de façon répétée,
by singing along, jusqu'à ce que tu puisses le chanter spontanément à la bonne hauteur. Tu auras alors mémorisé la hauteur du do central (la première note de ta chanson).
Puis tu fais la même chose avec une autre chanson qui commence, disons, sur le sol central, jusqu'à l'avoir bien mémorisé. Etc. À toi de voir combien de notes tu veux ensuite pouvoir nommer à l'oreille les yeux fermés... mais à moins d'avoir une mémoire des hauteurs particulièrement bonne, avec ce système tu en as à mon avis pour des années

. Mais au moins c'est amusant.
Moi je préférerais apprendre de nouvelles partitions

.
PS: Mes explications ci-dessus simplifient un petit peu, mais c'est un schéma. La science c'est toujours un peu plus compliqué. Nous ne naissons pas tous égaux, certains sont meilleurs à mémoriser des mots que d'autres (je n'ai jamais pu mémoriser des poèmes, même à la petite école), certains sont doués pour les math, d'autres non. Il y a sûrement aussi une variabilité 'innée' dans la capacité d'apprendre à mémoriser des notes musicales. Certains ont une excellente mémoire en général, d'autres non, et l'âge détériore la mémoire davantage chez certains que chez d'autres...