Jacques Béziat a écrit :Arabesque44 a écrit :
En ce moment je transpire sur des chansons de Michel Legrand ( les Demoiselles de Rochefort) et franchement pour les modulations surprises , je suis servie. C'est assez génial. La chanson de Maxence par exemple, si difficile à fredonner de mémoire, et pour cause! On passe d'ut mineur à si mineur et on termine avec un ut # mineur à tomber par terre ( comme quoi même pour moi il n'y a pas que le classique, mais je trie très sévèrement!

)
Intéressant à faire : improviser sur la Chanson de Maxence en jazz, mais en changeant quelques accords pour obtenir quelques frictions supplémentaires avec des 11+ et des 13+, et là ça tourne pas mal, en doublant le tempo aussi.
D'ailleurs Legrand, dans la Chanson de Maxence, fait une partie en be-bop au beau milieu.
De mon côté, je n'avais pas fait le rapprochement de "La chanson de Maxence" avec MIchel Legrand à l'époque.
J'avais entendu ce morceau dans le disque de Bill Evans
"You must believe in spring". Cela allait tellement avec Bill Evans. Et puis comme cela s'appelait "you must believe in spring", je n'avais jamais fait gaffe que cela provenait des Demoiselles de Rochefort.
Il y a quelques années de cela (peut-être 17 ans, voire plus ?), j'ai assisté à un concert de Michel Legrand à Calvi... Il jouait en trio. Concert féérique en plein air, douceur du soir et de l'air et vue magnifique sur la citadelle. Avant chaque morceau, il faisait une petite présentation. Et il a joué la chanson de Maxence, et c'est là que j'ai compris que c'était Michel Legrand qui avait composé ce truc sublime. Et tout le long du concert, il a joué pas mal de thèmes qui à chaque fois ont été repris comme standards... Certains, je savais bien que c'était lui qui les avait composés, mais pour d'autres, j'ai toujours cru que cela venait des standards américains. Tiens écoutez par exemple
ce blues extraordinaire "Love make the changes" chanté par Ray Charles : c'est du Legrand... Je pensais que c'était Ray Charles qui l'avait composé (mais là, nulle trace de ce blues dans les Real books...).
J'ai pu avoir la chance de discuter longtemps avec Michel Legrand après le concert. Je lui alors reparlé de la chanson de Maxence, que je pensais que c'était Bill Evans qui l'avait composé. Sa réponse a été : Ah, Bill Evans, il la joue tellement mieux que moi...
Legrand n'a pas ce nom-là pour rien...
Et puis je lui ai parlé de ce blues extraordinaire, que j'avais entendu lors de la diffusion de son film "
5 jours en juin" à la télé, il y a très longtemps. A la fin du générique de fin (c'est là qu'on l'entend ce blues) je n'arrêtais pas de me le chanter, de peur de l'oublier. Des jours durant je me le suis chanté. Mais c'était une grille si subtile, que forcément, ne m'est resté que le début. J'ai eu beau chercher partout dans les disques de Legrand, nulle trace de ce blues, dont je ne connaissais pas le nom à l'époque. Et puis on ne trouvait pas la musique du film sur disque (et à cette époque, internet commençait à peine et You tube n'existait pas. Et le DVD est sorti, mais bien bien après).
Alors je lui ai parlé de ce blues... Il ne se rappelait pas de quoi je lui parlais, alors je lui ai joué le début... Et son visage s'est éclairé. Il m'a dit
- "vous avez vu le film" ?
- Oui, à la télé, et j'ai adoré. Parce que moi aussi j'ai traversé la France à vélo. Et cela m'a rappelé des choses merveilleuses.
- vous êtes une rareté. Il n'est passé qu'une fois à la télé, et c'était très tard. Je pense que très peu de gens le connaissent et sont encore moins nombreux à l'avoir vu. A l'époque, quand il est sorti au cinéma en 1988, il a tout de suite été retiré des salles... Je crois qu'il n'est passé que dans deux cinémas à Paris, et seulement deux jours...
Ah, vous avez vu mon film, mais c'est merveilleux
Voilà, c'est ça qui est chouette dans la vie. Je ne savais pas, mais Michel Legrand a une tendresse incroyable pour ce film dont il a été le réalisateur. Tout un roman de sa vie, un moment très fort de son adolescence, qui raconte aussi la première fois où il a été amoureux.. Le film est une histoire vraie. Il m'a raconté le tournage. Et puis qu'à un moment, dans le film, on voit un soldat américain jouer sur un piano droit, dans un village. Au début, cette scène n'était pas prévue. C'était pendant des pauses des équipes, et là, il y avait un piano. Et cet acteur s'est mis à jouer sur ce piano droit, avec un drive pas possible. Et Michel Legrand a trouvé cela génial. Et du coup, il a fait en sorte qu'il y ait une scène avec cet acteur qui joue au piano... "Ahhhh, qu'est ce qu'il jouait bien celui-là aussi, Vous rappelez-vous de cette scène ?" (bien sûr que je m'en rappelais... Je ne sais pourquoi, je me rappelle de tout dans ce film). Ce film m'a touché au plus haut point. Que je vous explique, quand je regarde un film, je suis comme un enfant.
Et ce blues, je l'ai cherché pendant des années... Je me suis mis souvent au piano, pour tenter de le retrouver, mais il y avait toujours un truc qui résistait, comme un cheveu sur la langue, mais qui préfère rester où il est.
Alors vous voyez, un enfant peu être transporté. Et si il y a alors un prof derrière, qui peut prendre le train en route, vous montrer, c'est gagné.
Et du coup, il s'est mis au piano et m'a joué ce blues, rien que pour moi. Un cadeau extraordinaire.
Il m'a dit que peut-être on pouvait le trouver sur disque dans une compil qu'il avait faite... et que je n'ai jamais trouvée chez les disquaire (elle n'a pas été rééditée. Mais maintenant, je connaissais son titre.
Et quelques années ensuite, j'ai pu relever la grille complètement (j'en avais choppé des bouts lorsqu'il l'a jouée) : on pouvait le trouver sur internet...
C'est chouette la vie. Michel Legrand a été touché qu'on parle de ce film, il ne voulait plus partir Et c'est avec beaucoup d'émotions que je vous raconte ces instants. Je crois qu'on a parlé une heure. Cela m'a paru si court. Et ses amis qui l'attendaient...