Comment faire chanter le piano ?

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Lee
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Re: Comment faire chanter le piano ?

Message par Lee »

Merci Fourmi, je trouve ta réponse très intéressante, surtout li'idée des microphrasés et leurs timbres...
fourmi a écrit :Il y a aussi des doigts qui chantent mieux que d'autres, par exemple 3, 4, 5 pour moi, c'est plus facile que 1, 2, 3. On n'a pas toujours le choix hélas.
Hum, j'aurais dis 2, 3 et 4 moi. J'ai beaucoup de mal encore avec le 5, la crevette sans force ! :roll:
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Praeludium
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Re: Comment faire chanter le piano ?

Message par Praeludium »

Okay a écrit :Koczalski, via Mikuli, sur Chopin :
Raoul Koczalski a écrit :C'est avec une indescriptible légèreté que son rubato planait sur son exécution, avec la légèreté d'une respiration pourrait-on dire. Avec le temps, cette expression de tempo rubato est synonyme d'une sacro-sainte mise en garde contre toute atteinte à la mesure et au rythme. Dès que quelqu'un maltraitait Chopin en faisant fi des lois les plus élémentaires de la musique et en défigurant le rythme on disait : « il fait du rubato ! » Ainsi de l'originalité la plus poétique du jeu de Chopin, on a fait le plus grand ennemi de son œuvre.
Témoignage passionnant. Il dénonce avec force une interprétation qui va "défigurer le rythme", mais ça ne veut pas dire qu'il faut jouer parfaitement en rythme et ainsi tomber dans l'autre extrême ! Un rubato discret et pondéré, ce n'est pas une absence de rubato. C'est la vie propre du chant. Et le rubato ne doit pas non plus être un prétexte pour tout déformer.
Mais ce sont ces altérations minimes (mais bien réelles) de la pulsation et de ce qu'il y a à l'intérieur qui donnent naissance au chant, que la sonorité vient ensuite épouser.

Kocazlski joue Chopin sur le Pleyel du compositeur

Je trouve ton explication très satisfaisante mais je ne peux m'empêcher de me demander à quel point le culturel voire l'individuel jouent pour définir ce genre de chose.
Ne serait-ce qu'associer le fait de chanter au rubato romantique de Chopin est déjà un biais (parfaitement valide pour un pianiste), mais est-ce que chanter au piano est unidimensionnel ?
Il faut faire chanter le piano, d'accord, mais dans du Beethoven ? Dans une Sarabande de Bach ? Dans une pièce minimaliste contemporaine ? Ça peut chanter aussi non ?

Et même à l'intérieur du chant rubato romantique, est-ce que les oreilles de Chopin et Koczalski étaient les mêmes ? Le rester en mesure et en rythme de Koczalski n'est sans doute pas le même que celui d'un jazzman habitué à groover à mort et à être en place au dixième de millimètre sur des musiques polymétriques complexes. Sans doute que pour le dernier la mise en place du Nocturne posté en lien est rentre tout à fait dans la catégorie "rythme défiguré" s'il juge avec ses biais.
J'ai mis beaucoup de temps à apprécier le "chanté" de Michelangeli, qui m'a souvent semblé très aride et vertical, beaucoup plus que pour un Gilels. Ça correspond peut être à leur personnalités...

Tout ça pour dire que je me demande si chercher une manière absolue et unique de faire chanter le piano n'est pas un peu un piège.
Quand ma prof me dégomme sur ce genre de problématique de son, de chant, pour elle il semble y avoir seulement quelques principes, comme la beauté et l'ouverture du son (sur chaque note) qui est liée à la souplesse, l'écoute de la résonance de chaque note à l'autre à la partie chantée, la "pression" c'est à dire le maintien du son tout autant pianistique que dans l'écoute, et l'envie, le fait que faire tel ou tel micro nuance, rubato où autre doit venir d'une nécessité intérieure (créée par l'écoute) plus que d'une décision "parce qu'il faut faire comme ça".
Et après l'autre face de la pièce serait de l'ordre du style, de l'esthétique, de la capacité à "comprendre" (avec ses filtres sans doute) un compositeur et sa relation à l'instrument, de la connaissance du texte, etc.
C'est une piste qui peut sembler un peu ésotérique mais au final elle me parle beaucoup plus que les autres.

La voix chantée elle même a mille facettes et mille nuances, on fait (en tout cas je) peut être souvent un raccourci un peu rapide basé sur des stéréotypes quand on parle de chant au piano, surtout pour des musiciens du XIXème siècle où tout se métisse et où on a accès à tout.

Chanter aide pour moi beaucoup à faire le lien entre une sensation intérieure, des envies naturelles vis à vis de l'oreille (parce qu'on chante sans filtre et sans technique quand on est pianiste), et ce que l'on fait au piano.
Un autre aspect est que ça fait intérioriser physiquement l'intention de conduire une phrase jusque au bout, avec la pression que l'on créé dans son corps en chantant (ça marche aussi en soufflant si vraiment chanter ce n'est pas possible). Et puis c'est aussi du lâcher-prise, il y a quelque chose qui se débloque mentalement quand on le fait !
twodigits
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Re: Comment faire chanter le piano ?

Message par twodigits »

Christof a écrit :Beaucoup de choses viennent d'être dites, toutes à mon sens ici comme de l'or.
Je rajouterais que, dans la conduite de l'interprétation, sachant que la musique est une succession de tension/détente (sinon, cela sonne plat), tous les accords de résolution sont d'une importance fondamentale, un noeud très fort, une assise : c'est comme si, tout ce qui est joué avant doit venir "s'effondrer" sur la résolution.
Par ailleurs, mais cela a déjà été dit, chaque phrase doit chanter (je veux dire par là qu'il faut se mettre à la place d'un chanteur qui chanterait cette phrase : déjà, il doit pouvoir respirer à la fin, reprendre son souffle, sinon, il va mourir asphyxié (ce qui inclut aussi le temps pour le reprendre, ce souffle, et donc comment on conduit sa route. Par ailleurs, il doit avoir, avant de la chanter, tout le déroulement de sa dynamique, savoir très bien comment elle commence, comment elle finit. La rendre la plus "claire" possible pour l'auditeur. Avoir comme une espèce de "regard supérieur" qui sait l'englober dans son entier, toute sa dynamique, même si cette phrase recèle en elle des méandres, comme un empilement de poupées russes... où tout est inter-relié. Et dans cette "englobage", je reviens au premier point : l'importance de la résolution. Et ceci entraîne aussi (et c'est évoqué aussi dans le fil consacré à Lucas Debargue l'importance de la connaissance harmonique (mais pas seulement).
Il y a aussi tout l'aspect rythmique, et c'est pareil, l'effondrement sur la résolution y est impliqué (mais pas seulement). En fait, il faudrait des pages et des pages pour mieux expliquer.
Je compte d'ailleurs abonder ces jours-ci le fil sur l'improvisation avec certaines réflexions à ce sujet.
Bonjour à tous,

j'aimerais ajouter ma touche de rubato à ce sujet ; Ce que dit Christof me parle beaucoup. J'imagine (puisqu'il en parle) (je n'ai pas écouté ses impro, mais il en fait semble-t-il), que c'est là que nous nous rencontrons : l'improvisation a ceci d'extraordinaire qu'elle ne peut qu'être "chantée". Puisqu'elle vient d'un tréfonds du cerveau, directement aux doigts, à la motricité, spontanément. Comme un siffloteur dans la rue.

Et donc, à cet égard, vouloir "penser" le chant du piano est pour moi un combat perdu d'avance. Cela vient, ou pas. Le travailler est sûrement possible, mais il faut partir d'un chant déjà acquis pour l'améliorer. Si ça ne chante pas dès le début, c'est peine perdue.

Je peux me tromper totalement, mais c'est mon expérience que je relate (incluant l'écoute de nombreux amateurs, chez qui on sent qu'il n'y aura pas d'amélioration notable, parce que partant de trop loin).

Une dernière chose sur ma modeste expérience : une fois un morceau dans les doigts, le jouer en chantant à haute voix en même temps change énormément de choses. Généralement en bien. Plus encore, y ajouter des paroles qui "font sens" (improvisées ex nihilo", éventuellement différentes à chaque fois) ajoute une couche de "sincérité" qui aide encore davantage à "faire chanter le piano".

Pour finir, je ne connais pas de compositeurs qui n'aient pas besoin d'être chantés (à part Boulez et co). Si ça ne doit pas chanter, alors ce n'est plus vraiment de la musique.
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Oupsi
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Re: Comment faire chanter le piano ?

Message par Oupsi »

Je ne suis pas tout à fait d'accord avec la dernière affirmation
twodigits a écrit :Et donc, à cet égard, vouloir "penser" le chant du piano est pour moi un combat perdu d'avance. Cela vient, ou pas. Le travailler est sûrement possible, mais il faut partir d'un chant déjà acquis pour l'améliorer. Si ça ne chante pas dès le début, c'est peine perdue.
Je pense que chez bien des gens le chant intérieur est présent dès le début, bien sûr, et tant mieux.
Mais parfois ce n'est pas le cas, et ça finit quand même par venir.
Je me rappelle d'avoir passé des mois et des mois d'insatisfaction totale, aigüe et violente parce que je ne supportais pas ce que j'entendais quand je jouais, je ne supportais pas d'entendre ces satanés marteaux, ce toing toing toing du note à note, et cette espèce d'insatisfaction m'a fait chercher le chant comme si c'était une question de vie ou de mort. Je ne suis pas douée, tout me prend un temps fou, mais simplement, je ne supportais plus que ça ne chante pas.
Ça ne chante pas encore comme je voudrais, mais ça a progressé quand même. Je t'assure que ce fut une question de désir et de travail. Ça ne m'est pas tombé dessus comme une bénédiction des fées.

Je suis en désaccord pour une deuxième raison. Je pense profondément que le chant est presque comme une pensée. Pour moi, c'est comme la pensée de la musique. C'est articulé, c'est stratégique et tactique, et ça transcende la matière.
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Lee
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Re: Comment faire chanter le piano ?

Message par Lee »

Merci Oupsi. :D Qu'est-ce que j'aimerais un dixième de ta motivation et l'amour pour cet art ! =D>
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Re: Comment faire chanter le piano ?

Message par Lee »

Nem a écrit :Ne serait-ce qu'associer le fait de chanter au rubato romantique de Chopin est déjà un biais (parfaitement valide pour un pianiste), mais est-ce que chanter au piano est unidimensionnel ?
Il faut faire chanter le piano, d'accord, mais dans du Beethoven ? Dans une Sarabande de Bach ? Dans une pièce minimaliste contemporaine ? Ça peut chanter aussi non ?
Tu as raison, je crois que chanter au piano n'est pas unidimensionnel. Par contre je suis disqualifiée pour répondre s'il faut faire chanter dans tous les répertoires : je me rendais compte que la musique que je n'aime pas est une musique qui également ne me chante pas, c'est trop lié dans mon esprit, jusqu'à avoir l'impression que les fugues de Bach ne chantent pas, ou que Prokofiev est absolument impossible de chanter et sans chant...comme tu dis, nos oreilles ne sont pas les mêmes.
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Christof
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Re: Comment faire chanter le piano ?

Message par Christof »

twodigits a écrit : l'improvisation a ceci d'extraordinaire qu'elle ne peut qu'être "chantée". Puisqu'elle vient d'un tréfonds du cerveau, directement aux doigts, à la motricité, spontanément. Comme un siffloteur dans la rue.
Et donc, à cet égard, vouloir "penser" le chant du piano est pour moi un combat perdu d'avance. Cela vient, ou pas. Le travailler est sûrement possible, mais il faut partir d'un chant déjà acquis pour l'améliorer. Si ça ne chante pas dès le début, c'est peine perdue. Je peux me tromper totalement, mais c'est mon expérience que je relate (incluant l'écoute de nombreux amateurs, chez qui on sent qu'il n'y aura pas d'amélioration notable, parce que partant de trop loin).
Bonjour Twodigits
En fait, ce qu'il faut savoir, c'est que lorsqu'on improvise, on ne part pas de "rien". Ce qui se présente au moment où on le joue(et où on aurait pu aussi à ce moment précis jouer bien autre chose), est une espèce de catalogue qui ne sort pas de nulle part. Quand je parle de catalogue, je ne parle pas du tout de "voilà, on joue ça, et après ça, et et là, ça, comme quelque chose de mécanique...). Je parle de toutes les potentialités qui sont là, dans ton jeu, et elles sont là parce qu'elles ont été travaillées.
Bien improviser (ce que je ne fais pas encore parfaitement, j'en suis vraiment loin...) suppose d'avoir fortifié (et vraiment fortifié) trois aspects très importants : mélodie, harmonie, rythme. Et ce qui est merveilleux, c'est que chacun de ces aspects peut être découpé dans des exercices, finalement très simples dans leur essence, mais qui, dans la durée de leur pratique sont incroyablement productifs, modifiant quelque chose dans le cerveau. Heureusement d'ailleurs qu'on puisse aborder ces différents aspects séparément dans les exercices, sinon ce serait vraiment trop compliqué. Je parlerai de ces exercices dans le fil "improvisation" dès que je trouverai suffisamment de temps pour le faire.
Ainsi, pour expliquer un peu [tu te souviens, j'avais écrit dans mon message précédent :"Avoir comme une espèce de "regard supérieur" qui sait l'englober dans son entier, toute sa dynamique, même si cette phrase recèle en elle des méandres, comme un empilement de poupées russes... où tout est inter-relié. Et dans cette "englobage", je reviens au premier point : l'importance de la résolution." ] : concernant le sens mélodique dans l'improvisation, il existe des exercices qui te permettent de bien conduire la phrase que tu vas jouer, par exemple sur un II-V-I ( (j'imagine que tu improvises en jazz et que tu connais le II-V-I). Il ne s'agit pas ici des livres que l'on voit dans le commerce avec des catalogues de phrases sur des II-V-I. Ces livres n'expliquent rien, et puis si ce n'est que de la copie et cela vaut rien. En fait quand tu prévois de jouer un II-V-I, par exemple D-7 G7 Cmaj7, tu peux te construire des exercices. Par exemple te dire que tu vas jouer des croches sur les mesures 1 et 2, et une seule note d'arrivée sur la résolution. Et que, sur la première note de ta première mesure sera un ré (celui sous le sol de clé de sol), que la première note de la seconde mesure sera un do# (au dessus de la clé de sol), et la note d'arrivée sur le do maj7 sera un do (celui sous le sol de la clé de sol).
La c'est facile parce que si tu fais 8 notes conjointes en démarrant du ré, par exemple (en montant, ré mi fa sol la si do ré tu arrives bien au do# à la première note de la deuxième mesure (qui est la 11# du sol 7), et puis ensuite, c'est aussi assez facile parce que si tu redescends de façon conjointe, par exemple en jouant Do# si la# sol# sol bécarre fa mi ré, tu arrives bien sur le do à la troisième mesure. Et donc l'exercice consiste à te faire toi même des phrases, en changeant les points de départ et d'arrivées. Par exemple, toujours sur un D-7 | G7 | do maj 7, tu pourrais décider que la première note de la première mesure serait un mi (sous le sol de la clé de sol), la note d'arrivée sur la première note de la deuxième mesure serait un mib (au dessus du sol de la clé de sol), et la note d'arrivée sur la première note de la troisième mesure serait un mi (sous le sol de la clé de sol). Et là, c'est pareil, c'est assez facile, parce que le choix des notes d'arrivées correspond assez facilement à une gamme conjointe. En fait, ici, ce qui fait chanter la phrase c'est que tu sais vraiment connecter trois points, espacés dans plusieurs mesures.
Déjà si chaque jour, tu travailles cela avec des notes différentes d'arrivées, tu vas te construire quelque chose de puissant.
Mais c'est un tout petit peu compliqué que cela car les notes d'arrivées peuvent être très proches les unes des autres : et là, la ruse est de dépasser la note d'arrivée, puis y redescendre.
Prenons par exemple 1ere note, 1ere mesure : ré (le ré juste sous le sol de la clé de sol), 1ere note 2ème mesure : lab (juste au dessus du sol de la clé de sol), et note d'arrivée sur le Domaj7 un mi (le mi sous le sol de la clé de sol).
Il faut que tu construises le chemin qui va te permettre d'atteindre ces notes, dans quelque chose qui tient la route : par exemple : ré mib mibécarre fa solb solbécarre sib et là t arrives sur le lab.. ensuite tu joues par exemple : sol la sib sibécarre la sol fa mi.
Tu aurais aussi pu jouer par exemple : ré do réb mib ré bécarre mi bécarre fa sol lab réb si la sol solb fa mib mi.

Et la troisième chose, c'est que les notes d'arrivées peuvent être très éloignées les unes des autres :
par exemple 1ere note 1ere mesure : ré (sous le sol de la clé de sol), 1ère note deuxième mesure : sib (pas celui juste au dessus du sol de la clé de sol, mais le si encore au dessus), et arrivée sur la résolution : fa# (juste sous le sol de la clé de sol).
Ici tu va passer par des arpèges :
par exemple : ré fa la do réb rébécarre fa la sib lab mi ré réb sib lab fa fa#
Tu aurais pu jouer aussi : ré sol do mi fa la do si sib sibécarre sib mi réb si lab sol fa#

Il y a des phrases où tu peux faire des combinaisons de chromatismes, de notes d'approches et d'arpèges.

Ce qui est très intéressants dans ces exercices, c'est que c'est toi qui t'écris les phrases. (bien sûr, il faut connaître un minimum d'harmonie, savoir ce qu'on peut mettre dans un G7...). En travaillant cela, une phrase par jour, au bout d'un mois tu connais trente phrases différentes. Et il se passe quelque chose dans ton cerveau : il développe ton goût, il connaît très vite les points forts d'une phrase, les cibles... et en fait quelque chose de "chantant", qui tient la route. Et c'est un processus infini. Et ce que tu vas jouer, au contraire de ce que tu peux penser, ne sera pas mécanique. Ce sera dicté par ton cerveau, qui a appris comme un maître les points importants d'une phrase, les liaisons entre elles, la résolution....

Tu peux aussi travailler cette même phrase dans tous les tons (en modifiant le II-V-I : par exemple : Eb-7 | Ab7| Db maj 7 et comme ça dans toutes les tonalités. Tu vas voir qu'il y a des tonalités où tu es bien moins à l'aise et là aussi c'est intéressant : c'est un nouveau travail

Et puis ensuite, on peut par exemple travailler un II-V-I dans une autre tonalité, avec d'autres phrase. .
Alors par exemples, si tu prends un thème comme All the things you are, qui n'est qu'une suite de II-V-I, et que tu travailles vraiment tous les aspects comme je viens de te l'expliquer, tu verras très vite que tu vas faire des progrès extraordinaires (à partir du moment où tu n'es pas pressé et que tu acceptes de travailler un enchaînement différents tous les jours, que tu as toi-même écrit.
Ce n'est bien sûr qu'un aspect du problème. On doit rajouter à cela des exercices liés à l'harmonie, et d'autres liés au rythme...

J'espère que ce que j'écris est parlant, parce qu'en fait, ce serait beaucoup plus simple en vidéo...
Modifié en dernier par Christof le sam. 06 août, 2016 20:30, modifié 2 fois.
Praeludium
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Re: Comment faire chanter le piano ?

Message par Praeludium »

Merci Christof pour ce partage !
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Oupsi
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Re: Comment faire chanter le piano ?

Message par Oupsi »

C'est parlant, ça fait des drôles de bonds de l'ordinateur au piano! :)
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Christof
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Re: Comment faire chanter le piano ?

Message par Christof »

Oupsi a écrit :C'est parlant, ça fait des drôles de bonds de l'ordinateur au piano! :)
Merci Nem et Oupsi pour vos retours. J'ai bien sûr oublié de préciser, mais je pense que cela allait de soi, qu'on n'est pas obligé de se cantonner aux II-V-I, et prendre n'importe quelle progression d'accords.
Je conseille à tous les pianistes intéressés de travailler cela. Mais déjà en commençant par le II-V-I.

Ici, j'ai construit des phrases en fait avec 3 mesures, et avec une seule note d'arrivée sur la 3ème mesures, mais on peut très bien allonger les phrases...
Par exemple travailler sur VI - II - V -I, ce qui donne la-7, ré-7, sol 7, do7...
En fait, suivant le style des morceaux, leur tempo (mais là, j'arrive déjà dans les exercices rythmiques), on peut penser par groupes de deux mesures (par exemple dans les morceaux à 140 à la noire), et donc découper ses phrases comme cela, et il faut donner une impulsion sur la 1ere note d'arrivée de la troisième mesure (c'est à dire le début du second groupe de deux mesures, même si cette note est suivie d'autres). La marquer un peu plus, cela rend le découpage rythmique bien plus clair. Et cela aide aussi le pianiste à savoir vraiment où il en est.
Les chorus sur les morceaux rapides, genre 200 à la noire, se pensent plutôt par un découpage en 4 mesures, et là, on insiste sur la première note de la 5ème mesure...
Et pour les morceaux super super rapides (genre certains de Miles à une époque, avec Wayne Shorter et Herbie... penser par groupe de 8. Mais là, j'en dis déjà trop. Juste déjà se concentrer sur ce que j'ai expliqué dans le message précédent.

Mais c'est toujours pareil : les phrases doivent respirer. Il ne s'agit pas de jouer sans arrêts des croches par exemple sur un tempo à 200.. Il s'agit d'inventer des phrases qui sonne, qui font chanter le piano, et où l'on sent que cela respire.

J'ai oublié de donner l'exemple de phrase où l'on partait d'un mi (sous le sol de la clé de sol) pour arriver au mib (au dessus du sol de la clé de sol) pour redescendre et arriver au mi de départ sur la troisième mesure :
Voici un exemple, parmi des dizaines :
mi fa sol la si do re mi mib re do# si la# sol:" sol bécarre, fa mi
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Lee
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Re: Comment faire chanter le piano ?

Message par Lee »

Juste pour partager une astuce simple appris avec ma prof dans mon dernier cours, ça semble toute bête mais ça m'a changé beaucoup. Pour la ligne de chant, elle m'a expliqué, il y a toujours des notes plus forts et des notes moins forts, et sur une ligne que je n'ai pas fait chanter, elle a mis des + et les - sous des notes, souvent les minus après les notes clairement accentués. C'était radicale comme j'ai enfin compris ! :idea:
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Jacques Béziat
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Re: Comment faire chanter le piano ?

Message par Jacques Béziat »

Lee a écrit : lun. 19 nov., 2018 9:12 Juste pour partager une astuce simple appris avec ma prof dans mon dernier cours, ça semble toute bête mais ça m'a changé beaucoup. Pour la ligne de chant, elle m'a expliqué, il y a toujours des notes plus forts et des notes moins forts, et sur une ligne que je n'ai pas fait chanter, elle a mis des + et les - sous des notes, souvent les minus après les notes clairement accentués. C'était radicale comme j'ai enfin compris ! :idea:
Il est vrai qu'il ne faut jamais perdre de vue que la mesure est là pour accentuer la pulsation rythmique, et que les notes fortes (dans le sens de importantes, par forcément à jouer fort !), hors contretemps et syncope bien entendu, sont sur les temps.
Comme je le dis souvent, au piano on est désavantagé par rapport à un instrument à cordes ou à vent, on ne peut reproduire le souffle du chant de la voix humaine.
Pour le débutant, il faut déjà expliquer qu'il faut mettre en avant la mélodie par rapport à l'accompagnement, en la jouant un peu plus fort, c'est basique mais c'est la première étape.
Ensuite, rien de plus difficile que de faire comprendre l'expression d'une mélodie, cela doit respirer, avoir des élans, puis des retenues, des nuances, le rubato étant la forme la plus expressive.
Ceci étant dit, le rubato ou l'expressivité doivent être inscrits dans le contexte du morceau, du compositeur et de son époque, sinon on trahit le compositeur.
Encore que le rubato tourne autour du tempo, sans vraiment le quitter ! :wink:
Un bon joueur rubato sait donc parfaitement maîtriser le tempo, et est capable de jouer pile comme au métronome ! :wink:

On a l'habitude d'entendre Chopin de façon romantique, ce qui peut être un contresens si on se réfère à ses propres réactions quand il entendait jouer ses œuvres par d'autre de cette façon, il y a matière à réfléchir, Chopin n'est pas Schumann.
Mais l'expressivité ne passe pas forcément par le rubato, notamment en musique baroque. Sans être excessivement rigide, on peut rendre hyper expressif simplement en laissant défiler les notes, c'est toute la magie de Bach ou autre de ses contemporains, et même Beethoven : point d'artifice, tout se construit au fur et à mesure seulement avec les nuances, sans avoir à tordre le tempo dans tous les sens pour faire comprendre ci ou ça.
Beethoven et Bach sont très proches, finalement, et Chopin pas si loin que ça (harmoniquement, je trouve Chopin très proche de Bach, tant c'est bien écrit !!).


Mais pour revenir à comment faire chanter le piano, je dirais qu'il y a deux aspects :

1) la référence au chant de la voix me paraît inévitable,
2) la technique pour y parvenir est compliquée, surtout si on veut que cela paraisse naturel ! :mrgreen:

L'expression doit être quelque chose de naturel, de biologique : le doute, l'effort, la colère, la tendresse, les élans et les retenues, tout cela doit venir du ressenti, mais on peut apprendre à faire illusion...
Je ressens d'ailleurs souvent, chez les très jeunes pianistes hyper entraînés, davantage une posture qu'un réel ressenti, à l'inverse des adultes ayant de la bouteille qui semblent s'approprier réellement un ressenti personnel, normal, il y a du vécu.

À mon avis, la clef de l'expression : il faut, je pense, se servir des dynamiques, en lien avec les lois de la pesanteur, des forces centrifuge et autres, tout ce qui est en rapport avec la Nature et le biologique, sans perdre de vue la pulsation rythmique (les battements du cœur ?).
Si on possède un bagage technique, on pourra répondre à ces exigences.

Ensuite, que cherche-t-on ? À faire passer SES propres émotions ou bien celles du compositeur ?
Il faut surtout être en empathie avec ce dernier, à mon avis (enfin, essayer...), comme un comédien. avec son auteur, finalement. 8)
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