twodigits a écrit : l'improvisation a ceci d'extraordinaire qu'elle ne peut qu'être "chantée". Puisqu'elle vient d'un tréfonds du cerveau, directement aux doigts, à la motricité, spontanément. Comme un siffloteur dans la rue.
Et donc, à cet égard, vouloir "penser" le chant du piano est pour moi un combat perdu d'avance. Cela vient, ou pas. Le travailler est sûrement possible, mais il faut partir d'un chant déjà acquis pour l'améliorer. Si ça ne chante pas dès le début, c'est peine perdue. Je peux me tromper totalement, mais c'est mon expérience que je relate (incluant l'écoute de nombreux amateurs, chez qui on sent qu'il n'y aura pas d'amélioration notable, parce que partant de trop loin).
Bonjour Twodigits
En fait, ce qu'il faut savoir, c'est que lorsqu'on improvise, on ne part pas de "rien". Ce qui se présente au moment où on le joue(et où on aurait pu aussi à ce moment précis jouer bien autre chose), est une espèce de catalogue qui ne sort pas de nulle part. Quand je parle de catalogue, je ne parle pas du tout de "voilà, on joue ça, et après ça, et et là, ça, comme quelque chose de mécanique...). Je parle de toutes les potentialités qui sont là, dans ton jeu, et elles sont là parce qu'elles ont été travaillées.
Bien improviser (ce que je ne fais pas encore parfaitement, j'en suis vraiment loin...) suppose d'avoir fortifié (et vraiment fortifié) trois aspects très importants : mélodie, harmonie, rythme. Et ce qui est merveilleux, c'est que chacun de ces aspects peut être découpé dans des exercices, finalement très simples dans leur essence, mais qui, dans la durée de leur pratique sont incroyablement productifs, modifiant quelque chose dans le cerveau. Heureusement d'ailleurs qu'on puisse aborder ces différents aspects séparément dans les exercices, sinon ce serait vraiment trop compliqué. Je parlerai de ces exercices dans le fil "improvisation" dès que je trouverai suffisamment de temps pour le faire.
Ainsi, pour expliquer un peu [tu te souviens, j'avais écrit dans mon message précédent :
"Avoir comme une espèce de "regard supérieur" qui sait l'englober dans son entier, toute sa dynamique, même si cette phrase recèle en elle des méandres, comme un empilement de poupées russes... où tout est inter-relié. Et dans cette "englobage", je reviens au premier point : l'importance de la résolution." ] : concernant le sens mélodique dans l'improvisation, il existe des exercices qui te permettent de bien conduire la phrase que tu vas jouer, par exemple sur un II-V-I ( (j'imagine que tu improvises en jazz et que tu connais le II-V-I). Il ne s'agit pas ici des livres que l'on voit dans le commerce avec des catalogues de phrases sur des II-V-I. Ces livres n'expliquent rien, et puis si ce n'est que de la copie et cela vaut rien. En fait quand tu prévois de jouer un II-V-I, par exemple D-7 G7 Cmaj7, tu peux te construire des exercices. Par exemple te dire que tu vas jouer des croches sur les mesures 1 et 2, et une seule note d'arrivée sur la résolution. Et que, sur la première note de ta première mesure sera un ré (celui sous le sol de clé de sol), que la première note de la seconde mesure sera un do# (au dessus de la clé de sol), et la note d'arrivée sur le do maj7 sera un do (celui sous le sol de la clé de sol).
La c'est facile parce que si tu fais 8 notes conjointes en démarrant du ré, par exemple (en montant, ré mi fa sol la si do ré tu arrives bien au do# à la première note de la deuxième mesure (qui est la 11# du sol 7), et puis ensuite, c'est aussi assez facile parce que si tu redescends de façon conjointe, par exemple en jouant Do# si la# sol# sol bécarre fa mi ré, tu arrives bien sur le do à la troisième mesure. Et donc l'exercice consiste à te faire toi même des phrases, en changeant les points de départ et d'arrivées. Par exemple, toujours sur un D-7 | G7 | do maj 7, tu pourrais décider que la première note de la première mesure serait un mi (sous le sol de la clé de sol), la note d'arrivée sur la première note de la deuxième mesure serait un mib (au dessus du sol de la clé de sol), et la note d'arrivée sur la première note de la troisième mesure serait un mi (sous le sol de la clé de sol). Et là, c'est pareil, c'est assez facile, parce que le choix des notes d'arrivées correspond assez facilement à une gamme conjointe. En fait, ici, ce qui fait chanter la phrase c'est que tu sais vraiment connecter trois points, espacés dans plusieurs mesures.
Déjà si chaque jour, tu travailles cela avec des notes différentes d'arrivées, tu vas te construire quelque chose de puissant.
Mais c'est un tout petit peu compliqué que cela car les notes d'arrivées peuvent être très proches les unes des autres : et là, la ruse est de dépasser la note d'arrivée, puis y redescendre.
Prenons par exemple 1ere note, 1ere mesure : ré (le ré juste sous le sol de la clé de sol), 1ere note 2ème mesure : lab (juste au dessus du sol de la clé de sol), et note d'arrivée sur le Domaj7 un mi (le mi sous le sol de la clé de sol).
Il faut que tu construises le chemin qui va te permettre d'atteindre ces notes, dans quelque chose qui tient la route : par exemple : ré mib mibécarre fa solb solbécarre sib et là t arrives sur le lab.. ensuite tu joues par exemple : sol la sib sibécarre la sol fa mi.
Tu aurais aussi pu jouer par exemple : ré do réb mib ré bécarre mi bécarre fa sol lab réb si la sol solb fa mib mi.
Et la troisième chose, c'est que les notes d'arrivées peuvent être très éloignées les unes des autres :
par exemple 1ere note 1ere mesure : ré (sous le sol de la clé de sol), 1ère note deuxième mesure : sib (pas celui juste au dessus du sol de la clé de sol, mais le si encore au dessus), et arrivée sur la résolution : fa# (juste sous le sol de la clé de sol).
Ici tu va passer par des arpèges :
par exemple : ré fa la do réb rébécarre fa la sib lab mi ré réb sib lab fa fa#
Tu aurais pu jouer aussi : ré sol do mi fa la do si sib sibécarre sib mi réb si lab sol fa#
Il y a des phrases où tu peux faire des combinaisons de chromatismes, de notes d'approches et d'arpèges.
Ce qui est très intéressants dans ces exercices, c'est que c'est toi qui t'écris les phrases. (bien sûr, il faut connaître un minimum d'harmonie, savoir ce qu'on peut mettre dans un G7...). En travaillant cela, une phrase par jour, au bout d'un mois tu connais trente phrases différentes. Et il se passe quelque chose dans ton cerveau : il développe ton goût, il connaît très vite les points forts d'une phrase, les cibles... et en fait quelque chose de "chantant", qui tient la route. Et c'est un processus infini. Et ce que tu vas jouer, au contraire de ce que tu peux penser, ne sera pas mécanique. Ce sera dicté par ton cerveau, qui a appris comme un maître les points importants d'une phrase, les liaisons entre elles, la résolution....
Tu peux aussi travailler cette même phrase dans tous les tons (en modifiant le II-V-I : par exemple : Eb-7 | Ab7| Db maj 7 et comme ça dans toutes les tonalités. Tu vas voir qu'il y a des tonalités où tu es bien moins à l'aise et là aussi c'est intéressant : c'est un nouveau travail
Et puis ensuite, on peut par exemple travailler un II-V-I dans une autre tonalité, avec d'autres phrase. .
Alors par exemples, si tu prends un thème comme All the things you are, qui n'est qu'une suite de II-V-I, et que tu travailles vraiment tous les aspects comme je viens de te l'expliquer, tu verras très vite que tu vas faire des progrès extraordinaires (à partir du moment où tu n'es pas pressé et que tu acceptes de travailler un enchaînement différents tous les jours, que tu as toi-même écrit.
Ce n'est bien sûr qu'un aspect du problème. On doit rajouter à cela des exercices liés à l'harmonie, et d'autres liés au rythme...
J'espère que ce que j'écris est parlant, parce qu'en fait, ce serait beaucoup plus simple en vidéo...