Ce post m'a pas mal interpellé et j'y ai repensé ces derniers jours, pour réaliser que désormais je ne travaillais que lorsque ça me faisait plaisir de le faire. Sinon je m'abstiens. Inutile de dire combien c'est plus efficace et plaisant. Et c'est loin d'avoir toujours été le cas, ou du moins le plaisir était nettement moindre que celui trouvé aujourd'hui. Je sais ce qui a fait la différence pour moi, et propose une petite expérience toute simple que vraiment tout le monde peut faire. Je propose de la tenter collectivement, un peu dans l'esprit de l'expérience de par-coeur que BluePhoenix proposait, en espérant que nous serons nombreux à jouer le jeu.sylvie piano a écrit :coïncider le mot français " travail " avec le mot "plaisir "
Il suffit de choisir n'importe quel morceau qu'on aime beaucoup, qu'on ne joue pas trop mal mais pas très bien non plus. Il faut y choisir un petit fragment (ça peut être une seule mesure ou quelques lignes) ni trop difficile ni évident, et travailler cet échantillon à fond en se disant que peu importe le reste, au moins ce petit bout là sera absolument idéal.
Il faut s'y tenir quelques temps, oublier tout le reste du morceau à chaque fois qu'on le prend, ne bosser que cette mesure là (ou ce petit groupe), en exclusivité complète, jusqu'à la connaitre obsessionnellement dans ces moindres recoins, où chaque doigt est à sa place, où le son est devenu celui qu'on veut, où le poids passe parfaitement avec un toucher d'un confort total, où la ligne de phrasé a été patiemment modelée, où la pédale (s'il en faut) a été placée avec soin (si vous avez d'autres idées, il n'y a pas vraiment de limite au polissage).
Au bout de quelques jours ou semaines, on développe une étrange familiarité avec la mesure en question, jusqu'à avoir la grisante impression que dans tout ce qu'on sait jouer au piano à cet instant, on ne sait rien jouer mieux que ces quelques notes. On pourrait nous réveiller en pleine nuit, et jouer ces quelques secondes de musique idéalement.
La fin de l'expérience est simple. Une fois cette impression atteinte, rejouer le morceau en entier. C'est tout.
En passant par la mesure magique, on devrait avoir le sentiment que le morceau est comme une table poussiéreuse, mais dont une parcelle a été magnifiquement lustrée au point qu'on puisse se refléter dedans. On découvre alors à quel point le meuble entier pourrait briller, et le plaisir de cette mesure si intimement connue est tel, que la frustration engendrée par l'imperfection des autres suscite l'envie de se munir d'un chiffon pour y dépoussiérer parcimonieusement l'intégralité la surface.
Qui est tenté ?