Lee a écrit :Si quelqu'un a une mode opératoire à conseiller pour jouer un morceau à l'oreille, ça pourrait être intéressant, peut-être pour Oupsi et Sylvie aussi.
Au risque de sembler rébarbatif, je vais dire que les poupées russes ont réponse à tout. C'est plus simple de commencer par reconstituer les éléments principaux, puis de remplir au fur et à mesure.
D'abord essayer de retrouver le thème qui émerge, généralement la voix supérieure. C'est une simple ligne. Une fois qu'on a dessiné le toit, il faut des fondations. Sans avoir la basse on peut difficilement poursuivre, donc il faut reconstituer une basse qui fonctionne, qui est compatible avec la ligne thématique (et si on peut déjà y penser, avec les futures harmonies). On n'est même pas obligé de chercher la vraie basse du morceau, juste trouver des tenues sans rythme à la main gauche suffit, qui changent quand c'est utile. Ca peut être au mauvais octave, on s'en fiche.
Lorsque le tâtonnement fournit sur quelques mesures cette structure à deux éléments simples, on peut remplir un peu plus. Ca peut être compléter les harmonies (on cherche une "3ème note"), puis ébaucher un accompagnement plus complexe dans sa texture ou son rythme...
J'insiste sur l'aspect "tâtonnant" du procédé. Ce n'est pas choquant à un moment d'essayer 4 ou 5 notes candidates pour un simple changement de basse, jusqu'à trouver la bonne. C'est comme essayer toutes les clés d'un trousseau. Avec l'habitude, on ne teste plus toutes les clés. On peut déjà établir si on cherche une grosse ou une petite clé, et éliminer toutes celles qui ne peuvent pas convenir. Puis ensuite, on se souvient par exemple parmi les petites clés, s'il en faut une à base ronde ou carrée, etc.
J'insiste aussi sur la non-nécessité d'analyser harmoniquement, via un prisme théorique. L'oreille ne fonctionne pas du tout comme ça, c'est beaucoup plus bête. C'est de la reproduction. L'essentiel est d'avoir l'original bien dans l'oreille, d'essayer des choses et à chaque essai de pouvoir dire si c'est conforme ou non conforme à l'original. Il faut faire confiance à son intuition musicale, et si elle n'est pas encore très développée, cette pratique devrait s'en charger.
Je me souviens avoir fait ça depuis que j'ai commencé à jouer du piano car je voulais jouer ce que j'entendais sur les disques. C'est sûr qu'au début c'était très laborieux, mais on développe vite des réflexes, on isole les éléments importants, on sait de plus en plus facilement si c'est conforme ou pas à la cible, on tâtonne de moins en moins vers la solution. Avant d'acheter une partition, il m'arrive d'essayer de la jouer d'oreille le plus fidèlement possible à partir d'un enregistrement, pour développer une sorte d'impression de déjà-vu lorsque je rentre dans le texte. C'est quelque chose qui facilite beaucoup le premier déchiffrage. Pour ce qui est de la mémorisation future, personnellement ça n'influence en rien ma mémoire kinesthésique (de très loin la plus importante chez moi) car cette dernière se fige dans le travail de détail après fixation des doigtés. En revanche, et c'est très important, ça m'ancre la mémoire musicale/auditive, dans le sens où je peux dérouler dans ma tête avant d'avoir la partition un morceau écouté en boucle... et donc tenter de le reproduire d'oreille.