dilettante » Sam 12 Sep, 2015 21:40
J'ai l'impression qu'il y a deux sortes de musiciens, ceux qui s'intéressent aux sons et ceux qui ne voient que des notes.
Personnellement j'aime le son (et dans ce sens c'est difficile à définir).
On peut construire de la musique uniquement avec des sons sans parler de notes.
On peut aussi reconstruire intellectuellement ce qui manque à un son, par exemple en entendant un piano sur une mauvaise chaine "hi-fi" (c'est à dire 99 % de ce qu'on trouve à acheter). J'ai vu pas mal de profs de pianos qui se contentent visiblement (et auditivement !) d'un son quelconque. Car il arrivent à transcender le son réel, ils intellectualisent complètement le jeu.
Un très bon pianiste, sur un piano dont je n'aime pas le son, donnera un mauvais son (pour moi, pas pour tout le monde, ce n'est que mon ressenti).
Ensuite il y a la sensation éprouvée lorsque l'on joue soit même, et c'est encore bien autre chose que le son.
D'ailleurs ce qui me motive ce n'est pas le son du piano c'est la magie qui opère lorsque je joue.
Et je ne l'éprouve que sur un piano et un piano acoustique. Le piano doit me faire vibrer et je rentre en résonance...?
Voici une intervention qui fait plaisir à lire: je crois que vous avez analysé la situation avec intelligence et bon sens, je me sens tout à fait en phase avec vous...
Une très grande pédagogue du piano, Germaine Mounier (la liste des pianistes ayant été ses élèves laisse rêveur), avait d'ailleurs coutume de dire à ses élèves: "pas de mauvais pianos, que de mauvais pianistes".

Ce n'était pas du tout réconfortant, et c'était somme toute un peu radical, mais si l'on lit entre les lignes et que l'on ne prend pas cela au premier degré, il y a une vraie philosophie derrière cette phrase un peu provocatrice...
Le musicien qui intellectualise son jeu et son interprétation fera en sorte que le message musical soit transmis, quelque soit le piano. Comme vous le dites fort bien, il "reconstruit" le son qu'il entend intérieurement, il comble les "manques", et tout son art sera de faire en sorte que l'auditoire puisse lui-aussi oublier le piano pour entendre la musique.
Maintenant, et c'est là que je vous rejoins aussi, on peut considérer que le son est une matière malléable, à partir de laquelle le musicien travaille. Pour cela, chacun a un ressenti qui lui est propre, même si des "constantes" se dégagent; un son pauvre, acide, percussif, métallique, sera dans la plupart des cas perçu comme désagréable.
Un son qui inspire, qui fait vibrer, qui excite l'envie de s'exprimer, cela va dépendre:
-du piano en lui-même, de sa conception, de son état, et du soin que l'on a apporté à son réglage, à son accord et à son harmonisation;
-de la réceptivité que l'on a, à l'instant où l'on pose les mains sur le clavier; tout le monde n'est pas habitué à ouvrir grand les oreilles, ou pas toujours en forme pour s'abandonner à le faire;
-de l'acoustique du lieu où se trouve le piano, de l'ambiance générale, et des conditions dans lesquelles on est amené à jouer (seul, en public, au milieu de l'agitation, etc.).
Si la "magie" opère, c'est que tous ces facteurs sont réunis, je pense...
