coupures dans un morceau

[oiseau.prophète]

Bonjour à tous,

Je n'interviens pas souvent mais lis régulièrement vos échanges souvent très intéressants avec plaisir (notamment ceux liés aux thèmes et variations bien que le sujet ait pas mal dévié de la question originelle )

Je viens vers vous pour un problème me concernant sur le moment musical n°4 de Schubert.

C'est un morceau qui me plait énormément, je prends beaucoup de plaisir à le jouer - j'ai l'impression de jouer du Bach en moins difficile - bref tout va bien sauf... sauf... le passage central qui m'ennuie à mourir.

J'ai beau essayer de l'interpréter dans tous les sens je le trouve creux, on voit que je n'aime pas ça se ressent à l'écoute et j'ai qu'une hâte c'est de l'expédier (je ne fais évidemment pas les reprises) pour retrouver mon beau thème initial.

je me demandais donc si ce genre de contraste dans le même morceau vous était déjà arrivé, et si vous vous étiez déjà autorisé des coupures dans un morceau autres que celles de ne pas effectuer les reprises...

Dans mon moment musical j'envisage de réduire de moitié le passage central mais question: n'est-ce pas aller trop loin (ce serait comme changer les notes!), n'est-ce pas une forme de trahison envers le compositeur et en fin de compte ne va t-il pas rester un sentiment persistant d'inachevé ?

bref est-ce un crime ?

Je précise pour être complet que j'ai eu le même pb avec le 1er nocturne de Chopin mais que je n'ai pas pu me résoudre à "tailler dans le vif" par égard pour le compositeur que je vénère.

merci d'avance pour vos retours.

[Gracou]

A moins que tu comptes faire un concert payant avec un programme préétabli, je ne vois pas pourquoi tu ne pourrais pas choisir quelle oeuvre tu veux jouer, ou quelle partie de l'oeuvre si tu la trouves inégale. Je trouve d'ailleurs que c'est faire preuve de goût, finalement.

On pourra éventuellement te reprocher de ne pas avoir compris un passage, de ne pas savoir l'exprimer, que si tu y passais du temps, en prenant bon conseil auprès de quelqu'un d'aguerri... Il n'empêche qu'on a le droit de trouver que quelques passages de grands compositeurs ont mal vieilli, qu'ils peuvent tomber franchement à plat, que certains effets surannés ne méritent pas qu'on s'y attarde encore, voire qu'à leur époque, certains passages ont peut-être été faits pour plaire à un certain public (que ce soit un passage brillant, ou sirupeux, etc) ou éventuellement au commanditaire.

Dans mon moment musical j'envisage de réduire de moitié le passage central mais question: n'est-ce pas aller trop loin (ce serait comme changer les notes!), n'est-ce pas une forme de trahison envers le compositeur

Et la trahison envers le bon goût et le bon sens, n'est-ce pas plus grave ?

et en fin de compte ne va t-il pas rester un sentiment persistant d'inachevé ?

Ca, c'est autre chose. Retirer un passage peut nuire à la forme globale de l'oeuvre et la déséquilibrer, mais ce n'est pas systématique, cela vaut le coup d'essayer.

bref est-ce un crime ?

Non, non et re-non. La musique est un plaisir et le musicien a à charge de jouer ce qu'il trouve beau. Il n'a pas à charge de faire des révérences sans fin au pied d'un panthéon imaginaire de gloires indéboulonnables dont le génie ne saurait souffrir, même dans la mort, qu'on ne puisse discerner la perfection dans chaque note qu'ils ont bien voulu nous laisser.

[arg]

ah si, c'est un crime !
Mais tu as le choix de le commettre ou pas !
Pour le passage central, peut-être que simplement tu n'as pas encore trouvé sa direction, comment le conduire ? je crois que c'est la clé: le penser en longues phrases tendues vers un objectif, éviter de le découper, peut-être même le penser d'un seul tenant....et une difficulté est d'aller jusqu'au bout en restant en mouvement. Bon, c'est difficile je trouve de parler sans montrer .... une des raisons pour lesquelles j'hésite souvent à intervenir sur les fils même les plus intéressants ! ça ferait un bon fil d'ailleurs ,non ?
Et puis tu peux trouver son mouvement sans pour autant être obligé de l'aimer (mais tu as de grandes chances de mieux l'apprécier quand même !)
Bref.... fais pas ça malheureux ce serait dommage, cherche encore !
Une opinion parmi d'autres sans doute....

[oiseau.prophète]

Merci pour vos réponses!

les arguments des deux côtés sont à mon sens tous recevables je vais essayer de comprendre ce qui se cache derrière cette partie centrale et si rien de me vient j'enlèverai certaines parties que je trouve superflues

suivant le résulat final je verrai si ça déséquilibre ou non le morceau et dans l'affirmative je passerai à autre chose.

[Midas]

Je te comprends, moi aussi, quand j'avais travaillé cette pièce, la partie centrale, c'était la corvée. Cela dit, elle est nettement plus facile, et en la travaillant, tu découvriras qu'elle n'est pas si ennuyeuse que ça. C'est du Schubert, toujours plus subtil qu'il n'y paraît.

Je ne sais plus qui disait (en gros): "qu'importe que je m'endorme en écoutant Schubert, quand je me réveille, je me crois au paradis".

[Lee]

A ta place, je trouverai "l'histoire" qui va avec cette partie, pour l'animer, pour le donner un souffle et un sens.

Je ne connais pas le morceau, mais en l'écoutant j'avais un histoire qui me venait en tête. Comme cette partie sonne à la foie contente mais triste, nostalgique, j'imagine quelqu'un qui rentre dans sa ville d'enfance pour revoir cette ville après tant d'années. Il se souvient comment c'était, et il regrette comment ça changeait, il voit comment même ce qui n'est pas changé est tout petit à ce qu'il se souvient...les parties en mineurs peuvent être ce qui est disparu : la jolie marché couvert en verre et fer battu pour un centre commercial, la grande place maintenant un parking. Et les partie majeurs peuvent être ses souvenirs, d'avoir couru les dimanches après-midi avec des amis jouant au chat, ses découverts. Oui, ça répète, c'est normal, il retourne sur ses pas d'antan, il regarde de près, de loin, il surveille le tout doucement et longuement avec ses souvenirs.

Voilà, créer ton propre histoire !