Votre première émotion pianistique. ...

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sylvie piano
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Re: Votre première émotion pianistique. ...

Message par sylvie piano »

je suis prêt pour vos réactions, je devine qu'elles ne seront guère positives mais tant pis...
C'est ce qu'on appelle un procès d'intention... Mais je vous sens tellement vulnérable que je pense que c'est juste un peu de désespoir qui s'échappe... Je souhaite que le piano que vous voulez retrouver guérisse quelques unes de vos blessures....
Merci à tous ceux qui ont participé à ce fil. Beaucoup d'émotion partagée ! Beaucoup de mamans piano...
Val
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Re: Votre première émotion pianistique. ...

Message par Val »

Je n'ai aucun membre de ma famille qui est ou a été musicien, à l'exception de mon arrière-grand père, trompettiste amateur.

Ce sont donc mes parents qui m'ont inscrit au conservatoire, où j'ai pu commencer le piano dès la première année, alors qu'une année préalable de solfège était requise. Je suis tombé en admiration devant un morceau du recueil Yamaha : Blumenlied de C. Lange. Donc, à 7/8 ans, je jouais ça, et je ne l'ai montré qu'une seule fois à ma professeur, qui l'a entendu en revenant de remplir sa bouteille d'eau (ce qu'elle faisait systématiquement, alors que je ne la voyais jamais boire). Elle est restée, quelques secondes, derrière la porte, puis est rentrée, m'a fait un regard étonné, et m'a lancé : "tu joues des trucs comme ça, toi ?", l'air un peu incrédule, puis s'est rassise, j'ai arrêté, et elle a repris le cours, dans Ma deuxième année de piano, alors que je jouais depuis quatre ans, mais refusais de travailler dedans, chaque morceau, l'un après l'autre, méthodiquement. Elle paraissait pourtant satisfaite, à chaque fois, alors que je n'avais rien fait.

J'ai commencé à écouter de la musique seul, vers 8 ans, quand on m'a offert un livre, L'orchestre, avec son disque, et je me rappelle que je courais dans le salon sur Bizet. Puis, vers 9/10 ans, j'ai approfondi, en piochant dans un coffret qu'on m'avait offert, et, ma vraie première émotion, c'est le deuxième concerto de Rachmaninoff, joué par lui-même. Surtout les premières mesures, qui m'ont vraiment marquées.
renaissanceman
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Re: Votre première émotion pianistique. ...

Message par renaissanceman »

Hello,

Mea culpa sur le fait de juger autrui. J'avais lu à droite à gauche des messages de gens qui me paraissaient profondément imprégnés de culture classique, alors venir dire qu'on est tombé amoureux du son du Rhodes, ça me paraissait... enfin.

La suite de l'histoire est moins marrante : j'ai travaillé le piano, j'ai même eu un Rhodes à un moment donné. Mais je vivais chez mes parents, ils ne s'entendaient pas, et je me suis retrouvé être le dernier de la fratrie entre eux deux, alors que le conflit battait son plein. Je n'avais pas de prof, je bossais donc seul la technique et ma réaction, quand ça ne va pas, consiste à me taire, faire silence. Si je pouvais, je me cacherais dans un trou de souris. Bref, je suis tombé en dépression et ma compagne d'alors m'a proposé de quitter cette maison. J'ai été faire des études à Aix. Si je m'étais senti, j'aurais fait musique, mais bon, déjà j'avais un mal énorme à déchiffrer ( je fais presque tout d'oreille et j'ai une super bonne oreille ), et puis, je me disais qu'on allait me saouler avec cette culture classique qui... enfin, moi j'étais dans autre chose. Non pas le rock, ni le jazz, ni le blues... J'étais précisément dans la voie ouverte par Magma, King Crimson, les gens comme ça. Eberhard Weber. Enfin, les gens qui font des musiques dérivées du jazz, à la confluence de plusieurs voies musicales. Je me suis inscrit en psycho, et j'ai mené ça à terme, jusqu'à décrocher un DESS, que je n'ai du reste pas utilisé. Enfin, j'ai quitté cette maison, mais ce faisant j'ai quitté les études de piano, j'ai bien tenté de trimballer la partie clavier du Rhodes, un ami m'avait installé un pré-ampli pour qu'il marche sans la partie ampli... Mais ce satané clavier pesait 80 kilos, on en a eu vite marre, avec ma compagne, de le ramener quand on s'en allait. Et on ne pouvait pas le laisser non plus : ça fauchait en cité U. De toutes façons, j'étais loin d'avoir le niveau, voilà la vérité.
Bon, mon histoire est affligeante, je sais. C'est l'histoire d'un garçon qui a cru qu'avoir la foi serait une garantie de réussite. Eh bien non, avoir la foi ne suffit pas. Le feu sacré, la foi, l'amour, c'est bien joli, mais ça ne vaut pas une bonne culture classique et de la technique à foison. Finalement, les gens qui ont de la technique en pagaille trouveront toujours à se faire embaucher, ils joueront, même s'ils n'ont pas d'idées. Moi j'étais compositeur, mais jouer, je ne sais pas si c'est mon truc. Enfin, j'avais des blocages en tous cas.
Voici le morceau en question, pour que vous soyez placés dans des conditions se rapprochant le plus possible des miennes. Je ne sais ce que vous en penserez. Magma, pour moi ce sont des fous, c'est clair que dans ces conditions, ça n'est pas une musique pour tout le monde. Et moi le premier, je dirais que ça n'est pas une musique du quotidien. Enfin, voilà. A présent, après m'être brûlé les ailes à Magma, après avoir renoncé à ça, après avoir non pas tourné la page mais tenté de vivre sans, maintenant je me remets aux claviers, enfin, j'essaie, mais cette fois-ci, sans me fixer de buts, avec juste l'envie de sortir de mon trou, de rencontrer des gens. Je pense que je ne ferai pas n'importe quoi non plus, disons que si j'ai le niveau, faire du jazz-rock me conviendrait très bien.
Voilà donc ce morceau :

https://www.youtube.com/watch?v=MA-g77MUBDM
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worov
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Re: Votre première émotion pianistique. ...

Message par worov »

C'est sûr que sur ce forum la majorité d'entre nous sont plutôt branchés classique. Mais ça veut pas dire qu'on écoute que ça. En ce qui me concerne, j'écoute beaucoup de jazz et rock en parallèle et je pense pas être le seul.

Même les compositeurs classiques sont fans et jazz et de rock. La preuve, Philip Glass s'est inspiré de David Bowie :

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renaissanceman
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Re: Votre première émotion pianistique. ...

Message par renaissanceman »

sylvie piano a écrit : C'est ce qu'on appelle un procès d'intention... Mais je vous sens tellement vulnérable que je pense que c'est juste un peu de désespoir qui s'échappe... Je souhaite que le piano que vous voulez retrouver guérisse quelques unes de vos blessures....
Oui, si vous lisez ce que j'ai ajouté, vous comprendrez. Mais en attendant, juste : MERCI.

Effectivement, j'ai été "touché par la grâce" mais un peu sur le tard. Moi c'est la musique de Christian Vander qui m'a ému jusqu'aux larmes. Et j'ai cru qu'il suffisait de travailler, d'y croire, et que ça allait se faire, il ne pouvait en être autrement.

En plus, à cette époque, un autre y croyait avec moi. Mon ami Pierre, que j'avais littéralement aspiré dans mon élan. Il jouait de la basse. On avait vidé le cabanon au fond du jardin, on y avait traîné mon vieux piano acoustique et on s'était mis à répéter, avec des gens recrutés au lycée. Une équipe de bric et de broc, mais je voulais croire que Pierre et moi, on était les garants d'une certaine ligne, et je composais déjà à l'époque. Sans rien noter, du reste. On était les leaders, les deux têtes pensantes de la structure. Et je croyais qu'on était inséparables.

Finalement, tout a volé en éclats, quand je suis parti de Toulon, j'ai non seulement perdu le contact avec le piano, mais j'ai perdu mon ami. A la fac, j'ai été aspiré dans un tourbillon de lectures, d'examens... Je bossais dur, je tenais à réussir.

Paradoxalement, j'ai mis très très longtemps à comprendre que je n'étais plus dans la musique. D'abord je composais, pas mal de choses assez compliquées et j'avais une réputation de compositeur, ça se disait autour de moi. Mais en même temps, je jouais sur un instrument dévalué ( les percussions Cubaines ), et souvent les gens m'envoyaient balader. Je ne sais pas si je suis fait pour jouer, que ce soit du piano ou quoi que ce soit. Il est clair que je suis fait pour composer, ça oui, sans aucun effort. Mais ce que je sais, c'est que, coupé de la possibilité de m'exprimer sur un instrument, je ne peux rien faire. Les milieux musicaux, que ce soit jazz, rock ou peu importe, ont ceci en commun : si vous débarquez et que vous jouez d'un instrument, vous avez intérêt d'en mettre plein la vue, éblouir tout le monde. Faut que ça crache ! Après, vous n'êtes pas obligé d'avoir des idées, en général les gens n'en ont pas ou très peu, donc on est habitué. Mais faut en mettre plein la vue, c'est incontournable. Quoique, bémol, j'ai déjà rencontré dans des groupes des guitaristes qui jouaient à minima, des bassistes qui accompagnaient, service réduit, etc. Et je ne parle pas des bras cassés, incapables de s'accorder, ou des gens n'ayant aucune oreille. Mais bon, moi, je suis resté sur la touche. Musicien dans mon âme, habité, hanté par la musique... et pas au bout de mes doigts.

J'ai tenté de revoir Pierre... Il n'a jamais donné suite. Il a tourné la page. Sa femme n'aimait pas l'influence que j'avais sur lui, il me suivait, j'étais le leader, elle n'aimait pas ça. Quand il l'a connue, il parait qu'il lui a beaucoup parlé de moi, ça l'avait saoulée. Quelle que soit la raison, Pierre n'a plus jamais renoué avec moi et ça, c'est un tourment quand j'y pense. Pierre avait été mon premier ami, et mon meilleur ami, on était à l'époque tout le temps ensemble, tout le temps, tout le temps. Et quand je m'étais lancé dans cette idée de formation musicale, lui qui jouait un peu de guitare s'était retrouvé bassiste. Un ami à lui, bassiste, lui avait offert sa première basse. Elle était orange, une couleur affreuse, on l'avait repeinte en noir, avec une bombe. Mon ami Pierre... Je pensais que toute ma vie il serait là, auprès de moi...

Il y a eu des moments très durs, quand, il y a quelques mois, j'ai brusquement compris que j'étais out, que non, mon rêve ne se réaliserait pas. Pendant longtemps j'ai tenu en croyant, en me disant, bon, je me rapproche de mon rêve, ça n'est qu'une question de temps... Et puis non, rien du tout, des clous, illusion la plus totale.

Magma, je finis par ne plus vouloir écouter. Me protéger de tout ça, ne plus y penser. Chaque fois que je tombe sur eux, un concert, une vidéo, finalement je souffre.

Je vais tenter maintenant de réparer l'erreur commise quand j'avais 18 ans, j'en ai 55, mieux vaut tard que jamais, hein ? Je vais essayer de m'y remettre, tant bien que mal, bien que, comme je l'ai dit, je ne sais pas si c'est mon truc, de jouer.

Voilà. Merci en tous cas, merci. Bien vu, il y a un gros paquet de désespoir derrière "tout ça". Il y a Magma, il y a ma capacité à composer, à faire aussi bien je pense, mais sans technique au bout des doigts, on ne vaut rien. Ma vie en est bien la preuve.
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