Séparer la sphère de la scène pour la repenser

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Doubidoudom
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Re: Séparer la sphère de la scène pour la repenser

Message par Doubidoudom »

Ttttt… la solution pour surfer:
Fichiers joints
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Je suis aveugle mais on trouve toujours plus malheureux: j'aurais pu être noir. Ray Charles
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Oupsi
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Re: Séparer la sphère de la scène pour la repenser

Message par Oupsi »

à chacun sa solution!
(et on peut s'inspirer des copains!)
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Moderato Cantabile
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Re: Séparer la sphère de la scène pour la repenser

Message par Moderato Cantabile »

Eh bien , moi qui ne suis pas réellement insomniaque , j'ai été réveillée sur le coup des 4 heures du mat et ai continué à gamberger tranquillement sur le sujet . :shock:
Comme quoi c'est effectivement un sujet passionnant , meme pour moi qui ne me produis jamais en public . Et il me semble que tout au long de ce fil , on a beaucoup parlé du public mais de façon assez théorique ou vague.
C'est donc sur le public que je m'interrogeais cette nuit et sur l'injustice que représente le récital de piano par rapport aux autre types de concert et de publics.

Les concerts de rock actuels sont réhaussés par plein d'effets spéciaux et les musiciens s'y produisent en groupe . Leur public est déjà totalement acquis à leur cause , connait leur musique par coeur, se préoccupe assez peu de justesse (mais plutot de décibels) et surtout participe au concert de bout en bout en chantant (hurlant), se balançant , agitant des briquets , que sais-je encore ..... Bref un public facile , il faut le dire, et la compagnie des autres musiciens pour s'éclater sur scène : ils ont la belle vie ....
En classique on a la musique d'ensemble , orchestre , musique de chambre où on n'est pas tout seul , c'est déjà rassurant : on s'entraide naturellement et en plus on fait de la musique ensemble , ce qui est toujours une source de joie .
Tandis qu'en récital de piano , on est seul , affreusement seul pour supporter toute cette pression (qu'on se met un peu tout seul , on est bien d'accord , mais quand meme ... [désolée , mon accent circonflexe est en grève :evil: ] ). Seul face à un groupe , une masse indistincte : ce rapport numérique (ou de forces) très déséquilibré contribue énormément au stress éprouvé.

J'imagine que JPS ne me contredira pas sur le fait que le rapport au public (et à la prestation musicale qu'on lui offre) est bien différent selon qu'on fait de la musique de chambre ou qu'on joue en solo (enfin tu peux me contredire hein , JPS , :wink: , mais ce serait bien d'avoir ton ressenti là-dessus).

Et à cette injustice du rapport seul contre tous viennent s'ajouter toutes les spécificités de l'auditoire des concerts classiques .
La première chose étant que le public de ces concerts est "muselé" . Eh oui , chez nous autres classiqueux , pas de public qui chante , qui balance les bras ou les briquets et le malheureux ignorant qui ose applaudir avant la fin du morceau, se fait clouer au pilori par les regards furibonds des autres spectateurs.
C'est qu'on ne rigole pas au concert classique ! On est là pour communier dans la musique , point . Et meme si je ne critique pas ce fait car je suis bien d'accord que cette musique réclame le silence et la concentration , ce silence et cette immobilité ne contribuent pas vraiment à rapprocher le musicien de son auditoire. Comment deviner ce qu'il (se) passe quand le public est aussi discret ??
Je veux bien croire , Oupsi , que l'on puisse se sentir parfois porté par son auditoire mais c'est loin d'etre évident et cela varie aussi en fonction du public .
Car ce public dont on parle depuis le début , il est multiforme , différent à chaque concert et par là-meme insaisissable.
On peut avoir un petit ou un énorme auditoire , il peut etre composé d'une majorité de gens qu'on connait , ou au moins de quelques amis et proches venus vous soutenir, ou alors totalement étranger; le public d'une église parisienne ne sera pas le meme que celui d'une salle des fetes toulousaine , si l'on joue à l'étranger certains publics sont connus pour etre plus bienveillants et d'autres plus exigeants , etc , etc .....
Donc chaque prestation sera différente car chaque public sera différent et perçu différemment par le concertiste. C'est probablement aussi ce qui fait la difficulté de l'exercice et qui explique cette vague dont parle Trifonov : on ne peut pas parler du public de façon générale , meme en temps que masse indistincte et silencieuse, il insuffle quelque chose de différent à chaque fois et il faut s'y adapter, faire avec, surfer (ou non... )
Si le public était toujours le meme , s'il pouvait réagir plus librement , les choses seraient sans doute plus faciles mais comme ce n'est pas le cas , il faut bien reconnaitre que c'est une énorme gageure à chaque fois que de réussir à lui faire partager "sa" musique et plus encore à le "tenir au creux de sa main" , expression si belle mais qui semble effectivement relever du tour de magie ....
Déjà que ce n'est pas facile d'etre musicien mais si en plus il faut etre magicien !!!! :shock:

Bon , désolée de m'etre étalée de la sorte mais cette question du public m'a un peu tenue éveillée cette nuit. :oops:

A ce sujet , un livre déjà ancien mais que j'avais bien aimé à l'époque : Les variations Goldberg de Nancy Huston où chaque variation est représentée par les pensées de différents membres de l'auditoire.

Et on n'a pas parlé de Gould dans ceux qui ont renoncé très tot à leur carrière de concertiste ...
"Il faut que cela soit si gai , si gai , que l'on ait envie de fondre en larmes ."
Gracou
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Re: Séparer la sphère de la scène pour la repenser

Message par Gracou »

Concernant les grands pianistes, on voit bien Argerich dans le documentaire de sa fille, bouffée par le trac juste avant de monter sur scène. J'ai lu aussi Jarrett qui déclarait qu'il n'était pas à l'aise le jour-j, à ne pas manger grand chose, ne souhaitant pas parler, etc. Des gens qui sont à 50 ans de carrière au top niveau mondial...

Je me suis longtemps demandé si le fait de se faire une bulle ne me rendrait pas en quelque sorte hermétique à la communication avec le public. J'avoue que vu le problème que je me suis trainé avec le trac, je n'ai pas eu trop le choix, j'ai travaillé ma bulle (et je la travaille encore, d'ailleurs). Mais je ne crois plus que cela coupe quoi que ce soit. Lorsqu'on est dans le public, on ne se sent pas nécessairement isolé du fait que le ou les musiciens qui jouent devant nous soient extrêmement concentrés.

Et puis il y a tout un tas de petites choses dont j'essaie de me souvenir lorsqu'un concert se rapproche. Ce peut être de petites phrases ou des souvenirs d'échanges entre musiciens, du type "à l'impossible nul n'est tenu" ou "le concert est juste le lieu ou tu viens exposer ton travail du moment, tu viens faire entendre au public là où tu en es actuellement, pas là où tu voudrais en être arrivé, pas là où tu en seras dans cinq ans, mais là, maintenant". Je me dis aussi que le spectateur emmerdeur, mon petit archétype à moi que j'imagine, vous savez, l'amateur de musique du coin, qui connait ce que l'on joue (ou qu'on imagine être là pour juger plutôt que pour partager) et qui n'est jamais content parce qu'il a entendu mieux, et bien précisément, je me dis que quoi que je puisse faire, il ne sera jamais content. :mrgreen:

Ca peut paraître un peu idiot, mais en me remachouillant tout un tas de petits trucs comme ça, ce petit discours intérieur m'aide à relativiser l'enjeu.

Je connais une violoniste qui bosse énormément pour ses concerts et finit toujours par être prête, se rongent les sangs, et qui la veille de l'échéance, se libère en disant quelque chose du type : "de toute manière ça sera comme ça, si ça ne leur plaît pas, qu'ils aillent se faire voir". Elles n'arrivent pas le couteau entre les dents en montant sur scène ni même en prenant cela à la légère, mais elle se sent libérée de l'emprise de ce qu'elle imagine être l'attente écrasante du public.
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Moderato Cantabile
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Re: Séparer la sphère de la scène pour la repenser

Message par Moderato Cantabile »

Oui , Gracou , tu as tout à fait raison et les trucs dont tu parles relèvent du simple bon sens (souvent si éloigné de l'artiste ! ). Réussir à relativiser est une excellente technique, garder sa bulle (pas opaque mais transparente , Lee ! :wink: ) est certainement salutaire, bref avec l'expérience on doit pouvoir arriver à progresser et se détacher un peu , à lâcher prise comme l'explique si bien Dominique.


(Non , JPS , je sais ce que tu penses et je te réponds : arrête de te prendre pour Marta : elle est infernale !!! :mrgreen: )
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Oupsi
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Re: Séparer la sphère de la scène pour la repenser

Message par Oupsi »

C'est très vrai ce que tu dis Moderato.
Je fais partie de ce "public" qui vibre beaucoup. Je pleure facilement au concert. J'ai le cœur qui bat. Mes pieds ont la bougeotte. Je ressens physiquement la présence des musiciens, et la vibration des instruments. Je n'aime pas tellement "regarder", j'aime sentir tout ça, le regard vient loin derrière et souvent je ferme les yeux. Il y a des salles qui sont trop grandes pour moi, je ne perçois plus les vibrations des instruments et je m'ennuie, même quand c'est bien joué. C'est pourquoi j'adore les lieux atypiques, les petites salles.

L'une des chances de vivre en province c'est que la musique classique est "en lutte". Les organisateurs doivent aller chercher leur public. Ils organisent des petites choses marrantes, des pots, des "écoles du mélomane"; les musiciens prennent la parole. Le public n'est plus une masse indifférenciée, c'est un être à conquérir et à fidéliser. Ce ne sont pas des abonnements de comités d'entreprise, quoi!

A un festival près d'ici, le directeur artistique a dit un jour au public : vous vous demandez quand applaudir? On vous a expliqué qu'il faut applaudir à tel moment, ne pas applaudir à tel autre? Moi je vous dis, applaudissez quand vous voudrez, applaudissez quand c'est irrésistible! Tout le monde a rigolé, immenses sourires dans la salle, tout à coup on ne les mettait plus en position de "public supposé savoir" mais de public qui s'éclate, qui vient pour ça. La musique classique a besoin un peu de ça. Pour que le musicien lâche prise il faut aussi que le public lâche prise de son jugement, et c'est assez difficile, ça, quand on est un peu formaté sociologiquement à aimer le classique parce que ça se fait, parce qu'on est entre gens d'une même caste.

Gould et d'autres ressentaient le "jugement" et la pulsion de meurtre du public: ils viennent voir le sacrifice; ils redoutent et espèrent (inconscient sadique du public des Jeux du Cirque) l'accident et la chute. Il y a de ça aussi, bien sûr.
C'est pourquoi je m'insurge quand on reproduit de soi à soi ce genre de positionnement: c'est l'absolu de maîtrise qui comporte, à mon avis, cette pulsion en filigrane. Dans le lâcher prise, il y a une bienveillance, une sympathie, quelque chose de beaucoup plus humain; ça fait peur parce que c'est "personnel", mais d'une certaine manière il n'y a que le personnel qui vive vraiment, quoi qu'on fasse; enfin, il me semble.
Cela dit, au piano je n'y arrive pas du tout! mais j'aimerais aller là, dans cette direction.
Gracou
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Re: Séparer la sphère de la scène pour la repenser

Message par Gracou »

J'avais lu des interviews très intéressantes du chanteur Bobby McFerrin qui avait réfléchi à son rapport à la scène et au public, voulant trouver des lieux où il était au même niveau que le public plutôt que surélevé, entouré par lui plutôt que devant lui, bref, de ne plus se placer sur ce plan particulier de la scène.

Cette vidéo n'est peut-êter pas la meilleure démonstration de cela, mais je la trouve intéressante pour plusieurs raisons (indépendamment de la musique qui y est faite, qu'on peut apprécier ou non). D'abord pour le fait de s'imaginer à sa place, seul avec un micro, au milieu d'un stade rempli de personnes qui ne viennent pas forcément pour l'écouter lui, et hop c'est parti. Dans le genre situation parfaite pour le trac, c'est pas mal :mrgreen: . J'aime bien aussi comment il finit par arriver à faire participer le public comme il le souhaite après une tentative infructueuse, et aussi pour la manière qu'il a de s'approprier le lieu. Au bout de quelques minutes, il n'est plus invité à se produire, il est chez lui et c'est le public qui est invité à partager.

http://www.youtube.com/watch?v=81uJZIF9TCs


Les deux autres vidéos sont là pour illustrer une chose simple que l'on a tendance à oublier lorsque l'on se tord l'esprit de trac, c'est qu'on joue de la musique, c'est un jeu, on a beau avoir à coeur de le faire bien et avec sérieux, nous sommes là pour nous "amuser", pour jouer.
http://www.youtube.com/watch?v=GczSTQ2nv94
http://www.youtube.com/watch?v=6rsUD1qBCrk
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mieuvotar

Re: Séparer la sphère de la scène pour la repenser

Message par mieuvotar »

Vidéos jubilatoires ! :D
Merci pour ces liens.
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Lee
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Re: Séparer la sphère de la scène pour la repenser

Message par Lee »

Je viens de lire un article intéressant sur Stephen Kovacevich qui a failli arrêter sa carrière en piano quand il avait 32. A cause du trac, il regarde toujours les concerts comme un rodéo américain où les cowboys essaient un tour à cheval ou taureau sauvage et sont jetés, le concert entier est le cheval sauvage qu'il faut rester dessus. J'ai bien sûr pensé à ce fil surtout que l'article est encourageant pour les pianistes.

http://www.hamhigh.co.uk/news/why_famou ... _1_3564377
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Lee
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Re: Séparer la sphère de la scène pour la repenser

Message par Lee »

(j'étais inspirée de vous raconter mon histoire par notre débat sur le fil frissons)

Pendant les vacances en avril, j'ai pensé à ce fil, et ça m'a soulagé dans une situation vécue, même s'il y avait rien à voir avec le piano ou le trac de jouer devant les autres. Mais je me permets de remonter ici, parce que c'est surtout les phrases "surfer les vagues du trac" qui m'ont revenues dans ma tête pendant ma tribulation. J'ai pensé à vous...

C'était en Guadeloupe, nous allions de Saint François aux Saintes, et désorganisée comme je suis, j'avais oublié prendre les bracelets anti mal des transports de mon fils, qui fonctionnent comme un charme pour lui en avion, qui le rend très malade autrement. En fait, je voulais prendre ses bracelets en bâteau soit pour lui, soit pour moi. Alors lui, il a bien amusé avec les gros vagues qui me donnaient l'impression que le bâteau allait renverser, les marins m'ont expliqué que ce degré de turbulence est relativement rare, mais ça arrive. Je ne me sentais pas bien de tout. On dit que si on ne sent pas bien avec les mouvements de transport, il faut regarder comme quelqu'un qui pilote. Alors au lieu de rester sur le côté latéral du bâteau, au moment que les vagues ont commencé à vraiment déferler, je me suis mise debout, et j'avançais vers le devant pour regarder comme si je pilotais le bâteau.

Apparemment le mal de transport vient du grand écart entre ce que le corps ressent et la vision. Comme cet écart qui arrive quand on est empoisoné, le corps réagit comme empoisoné en essayant de vider le corps du poison. Donc pour ne pas être malade, de prendre le taureau par les cornes autant que possible, je me suis dit qu'il fallait que mon corps se synchronise avec les mouvements, pour que ça sent comme je suis sur terre. Du coup, j'ai voulu m'assouplir avec les mouvements, parfois sur les points de pieds, je basculais les jambes comme si je surfais une vague. Et ça me rappellais ce fil, que je n'ai pas compris de tout au moment, comme je n'ai jamais réelement surfé une vague. Mais c'est ça ! je me suis dit. Il faut rouler sous les coups...et au même temps s'emerveille du moment qui ne sera jamais le même, vive la joie de vivre.

Malgré mes souvenirs des phrases, je maintiens avoir vécu une émotion nouvelle : je balançais entre la peur de tomber au-dessus des rails avec le basculement du bâteau si je ne me tenais pas bien, la fascination par le grand spectacle de la nature devant moi, et la passion pour cette découverte inouïe (pour moi). Je n'ai jamais vu des énormes vagues jusqu'à l'horizon, l'écume blanche en haut des vagues (comme les peintures japonais mais en vrai !) et je ne me souviens jamais avoir senti une telle euphorie. Quelle beauté magnifique, quel pouvoir de la mer implacable, le bâteau et nous, nous subissions au déchaînement de la nature. Parfois les oiseaux semblaient les poissons volants dans les creux des vagues, mon fils en était persuadé, mais non, les oiseaux jouaient dans les vagues pour attraper les poissons exposés par la turbulence des vagues probablement, une chance pour eux comme une chance pour moi.

Les plus beaux moments venaient avec le coucher du soleil, je me rendais compte que non seulement avoir jamais vu la pleine mer devant moi, l'immensité du ciel, et les nuages dans le ciel n'ont jamais semblaient aussi proches...comment ça se fait, je me suis dit, alors que sur une montagne, nous sommes plus près. J'avais l'impression si j'étais juste un peu plus grande, j'aurais pu toucher ces éblouissances dorées ou cramoisies. Je me trouve dans cette situation merveilleuse, forcée par le mal de mer de vivre un des moments le plus grisant de ma vie.

Voilà, j'y penserai peut-être la prochaine fois que je joue pour les autres et le trac me prend.
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Oupsi
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Re: Séparer la sphère de la scène pour la repenser

Message par Oupsi »

Magnifique! =D>
arg

Re: Séparer la sphère de la scène pour la repenser

Message par arg »

Je reviens aux différentes formes de mémoire, j'ai du chercher un peu et je reviens avec cet article intéressant https://www.cairn.info/revue-gerontolog ... age-11.htm

Bien sûr qu'on peut vivre des émotions nouvelles, tout n'est pas déjà stocké. Je ne crois pas que ce soit contraire aux notions de l'article, ni au frisson musical. Chacun en revanche fait des expériences qui lui en rappellent d'autres soit de façon évidente et volontaire soit moins évidente et souvent involontaire.
arg

Re: Séparer la sphère de la scène pour la repenser

Message par arg »

et sinon Lee ce que tu décris c'est un bel exemple de recadrage ! épopée viking, à la place d'un banal mal de mer !
Virgule
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Re: Séparer la sphère de la scène pour la repenser

Message par Virgule »

Lee a écrit : jeu. 17 mai, 2018 11:56 (j'étais inspirée de vous raconter mon histoire par notre débat sur le fil frissons)
Oui, pour être inspirée tu as été inspirée ! Superbe et enthousiasmante histoire que tu nous racontes chère Lee, merci beaucoup de la partager. C'est à la fois poétique, jubilatoire et instructif. Et merci, du coup, d'avoir remonté ce fil que je n'avais jamais vu et qui semble bien intéressant :D.
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Re: Séparer la sphère de la scène pour la repenser

Message par Virgule »

arg a écrit : jeu. 17 mai, 2018 18:10 et sinon Lee ce que tu décris c'est un bel exemple de recadrage ! épopée viking, à la place d'un banal mal de mer !
Épopée viking, c'est le mot ! Merci Arg pour la référence ci-dessus sur la mémoire, je vais lire avec intérêt.
Modifié en dernier par Virgule le ven. 18 mai, 2018 18:41, modifié 1 fois.
Line-Marie

Re: Séparer la sphère de la scène pour la repenser

Message par Line-Marie »

j'ai lu ton histoire incroyable Lee , quelle volonté !
Merci Arg pour ce lien vers cet article très intéressant et qui enrichi les documents que je possède sur la Mémoire. J'ai bien aimé cette phrase :
Un souvenir est une reconstruction d’un passé parfois estompé, réalisée par un présent qui n’est pas neutre, tout en étant inspiré par nos objectifs, nos espoirs, nos perspectives.
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Re: Séparer la sphère de la scène pour la repenser

Message par jazzy »

Très belle histoire Lee.
Strumpf, je ne suis pas sûr qu'il s'agisse vraiment de volonté, mais plutôt de lâcher prise pour laisser son corps être traversé par le mouvement, l'énergie venant de l'extérieur, au lieu de lutter contre???
Je trouve le lien avec la musique très intéressant...
Mon dernier morceau sur soundcloud
https://soundcloud.com/user-123419479/confinements
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Lee
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Re: Séparer la sphère de la scène pour la repenser

Message par Lee »

Merci mes amies pour avoir lu et apprécié. :)

Pour répondre à Jazzy concernant le message de Strumpf, pour moi ce n'est pas contradictoire de dire que c'était les deux à la fois, ma volonté de prendre la situation en main plutôt de juste subir, et une fois cette décision prise, de pouvoir lâcher prise au lieu de resister contre. C'est encore un lieu avec le piano et ce qu'il faut faire sur la scène, il faut avoir la volonté dans notre jeu mais aussi pouvoir lâcher prise pour passer l'émotion.
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Re: Séparer la sphère de la scène pour la repenser

Message par Virgule »

Virgule a écrit : ven. 18 mai, 2018 5:27 Et merci, du coup, d'avoir remonté ce fil que je n'avais jamais vu et qui semble bien intéressant :D.
Je viens de lire ce fil au complet et c'est encore plus passionnant que j'avais imaginé ! Je voudrais presque tout citer... Cela m'éclaire particulièrement sur la relation entre l'artiste sur scène et l'auditeur dans la salle - car perso je ne joue jamais en public. Mais c'est tellement vrai que la communication passe, ou pas, peu importe que le/la pianiste ne soit pas face à nous. Je ressens que cela a beaucoup à voir avec l'attitude de l'artiste sur scène, selon qu'on sent qu'il ou elle s'applique surtout à 'bien' jouer (techniquement) ou s'ouvre à la musique et veut la vivre. Mais il ne faut pas tout mettre sur le dos de l'artiste - l'attitude du public contribue aussi à l'expérience de la communication. Quand un public est là pour entendre 'un(e) virtuose célèbre', l'artiste le sent et... joue la virtuosité.

La même personne peut très bien passer d'un l'un à l'autre état dans le même concert, c'est même très fréquent selon mon expérience. Est-ce l'attitude du public qui change en cours de route ? Difficile à dire. Je pense qu'il y a interaction. L'image de Trifonov, qui parle de surfer sur la vague du moment, me parle beaucoup.
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Re: Séparer la sphère de la scène pour la repenser

Message par jazzy »

Ça fait plusieurs fois que je lis ce fil que je trouve très intéressant car avec le trio dont je fais partie (chansons françaises en style jazzy) nous nous produisons plusieurs fois dans l'année en concert.
Bien sûr il y a des différences entre se produire en trio en proposant des chansons et un concert de musique classique, en piano solo, ou à plusieurs instruments. Mais il y a des similitudes. Un concert est un concert et il s'agit bien de faire de la musique en direct pour un public qui vient écouter, même si le fait qu'il y ait aussi des paroles à entendre , dans notre cas, change un peu la donne. Globalement, disons que le public va, en principe, plus se focaliser sur le chanteur, du fait déjà que scéniquement, il est mis en avant, et que son interprétation est capitale. Les accompagnateurs ont beau être de bons musiciens (je ne parle pas pour nous, mais de manière générale pour un groupe qui propose de la chanson), si le chanteur n'a pas une présence suffisante, la prestation risque d'en souffrir beaucoup. Mais bien sûr la manière dont les instruments vont soutenir le chant est aussi très importante ( sans compter aussi les petits solos que je fais parfois au piano dans certains morceaux).
Je pense que c'est en concert que la musique prend toute sa dimension de don, de partage (comme dit par plusieurs).Il se passe des choses de l'ordre de l'indicible assez différentes de celles que l'on peut éprouver lors des répétitions. Je préfère d'ailleurs le mot de partage à celui de don car l'écoute des auditeurs est aussi un don qu'il font aux musiciens .
Il est vrai qu'il faut être un peu "fou" et inconscient pour se mettre en position de partager quelque chose qu'il est impossible de vraiment maîtriser, cette émotion artistique pratiquement insaisissable que peut provoquer l'écoute de la musique.
J'ai parlé de l'importance de la "présence" pour le chanteur mais je pense que ce concept s'applique aussi aux instrumentistes. Et les difficultés commencent à venir quand j'essaye de définir cette présence nécessaire sur scène. De manière un peu "provocatrice" peut-être, je dirai que c'est une sorte de présence-abscence.
Ça rejoint ce concept de bulle dont plusieurs intervenants de ce fil ont parlé. Je suis dans ma bulle (enfin j'essaye de m'y maintenir, quand le stress n'est pas trop fort), mais pour moi cette bulle est ouverte et j'invite les auditeurs à s'approcher , voire à y pénétrer un peu...mais pas trop pour ne pas "désunir" ma propre bulle. Je pense qu'à ce niveau, c'est une sorte d'échange d’énergie, un peu dans le sens dont on parle de l'énergie dans les arts énergétiques chinois.
Je crois que c'est Dominique qui parle dans ce fil de l'antagonisme lâcher prise-contrôle et que ça peut se travailler par la pratique de techniques comme le QI Gong. Pour en faire depuis 5 ans, je confirme ses dires. Le prof avec qui je pratique parle très souvent de ce lâcher prise à réaliser en même temps qu'un travail sur l'intention du geste (fait par le mental, le psychique). Je fais un lien direct avec l'intention musicale. Et il est vrai que quand on arrive à allier ces deux "attitudes", on peut ressentir l'énergie qui traverse le corps. Bon, ce n'est pas à chaque fois que ça marche! Il y a aussi tout un travail sur l'intérieur et l'extérieur du corps qui pour moi a à voir avec cette bulle ouverte sur les autres.

De manière un peu plus pratique, je pense qu'il est important de se préparer longuement pour un concert.
D'abord se préparer avec son piano bien sûr, mais aussi beaucoup se préparer dans sa tête.
Imaginer l'endroit où a lieu le concert, sa place sur scène, le public, se voir en train de jouer, de bien jouer même, essayer d'acquérir la certitude qu'on va donner le maximum, et comme l'a écrit quelqu'un que "ce sera ce que ce sera", qu'on n'est qu'un amateur qui veut essayer de partager sa passion et pas un superman....
J'écris tout ceci après un concert qu'on a donné vendredi passé et qui a "bien marché" et m'a redonné une bonne énergie. Comme quoi ça vaut le coup de se lancer.
Une petite anecdote pour cette représentation. Il y avait dans le public un de mes meilleurs copains qui est lui-même musicien dans un groupe qui propose aussi de la chanson, et qui a une bonne oreille musicale. A la fin du concert comme il me donnait son avis assez franchement positif, je lui dis que j'ai quand même fait beaucoup d'erreurs au piano. IL fut très surpris car mise à part une fois, il m'a dit ne pas avoir entendu de "pins"!
Comme quoi la maîtrise "technique" de l'interprétation n'est sans doute pas l'essentiel.
UNe dernière petite satisfaction sans doute un peu autocentrée. Je fais moi-même mes orchestrations (après avoir été initié par un prof que j'ai quitté il y a 7 ans) et c'est un vrai plaisir de constater comment je peux m'intégrer entre la contrebasse et le chant pour essayer de dynamiser notre trio...
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