Quels outils pour l'analyse musicale ?

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BluePhoenix05
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Quels outils pour l'analyse musicale ?

Message par BluePhoenix05 »

Pour ne pas trop encombrer l'autre fil, j'ouvre un fil consacré à ce sujet qui, je pense, intéresse beaucoup de monde et dans lequel beaucoup peuvent contribuer. Désolé s'il y en avait déjà un ouvert auparavant, le sujet est sûrement récurrent !

Pour commencer, je pense qu'il n'est pas abolument nécessaire de disposer de toutes les connaissances théoriques pour être un bon musicien. On peut sentir ce qu'est une "appogiature"/"résolution" sans savoir que ça s'appelle ainsi (un peu comme M. Jourdain).

Il ne s'agit pas juste mettre des noms sur des formules ("accord de 14e sur-augmentée avec 4te ajoutée sans fondamentale et triple broderie" :mrgreen: ), mais essayer de comprendre les effets sonores/musicaux recherchés. La théorie a beaucoup d'intérêt quand on manque d'intuition musicale ou qu'on est anesthésié et apathique comme moi... :roll: :mrgreen: :lol:

Pour l'étude de la forme, on a la référence suivante conseillée par Okay :) :
Okay a écrit : Sur les aspects formels, j'avais lu ce document extrêmement bien fait il y a quelques temps, c'est le genre de lecture très rapide qui fait faire un bon de géant en avant :
http://unitus.org/FULL/Belkin.pdf
(désolé pour les anglophobes, je suis sur que ça va passionner Rocky)
Serge a recommandé:
que je connais, c'est un assez bon ouvrage synthétique qui aide à comprendre les formes usuelles, les motifs (antécdent/conséquent, sujet/contre-sujet, etc.) et développements, de façon résumée.

Pour l'analyse harmonique :
Gracou a écrit :Petite parenthèse quant aux degrés ou fonctions harmoniques : cela fait partie du programme de solfège et on se penche assez vite dessus. Les notions de tonique et dominante (puis tout le reste) sont de mémoire abordées avant la fin de cycle I.
Pas si sûr malheureusement :?
Par exemple, explique-t-on clairement que la fonction/le degré est dépendant du contexte tonal (à déterminer) ?
Qu'un accord renversé conserve sa fonction ? (oui mais quelle différence avec l'accord non renversé et pourquoi ?)
Que par exemple l'accord porté sur VII a aussi une fonction de dominante ?
Explique-t-on pourquoi un V portant un accord de 6te et 4te a une fonction de dominante (selon le contexte) et pas de tonique ?
...
Gracou a écrit : Alors certes, l'étude du chiffrage baroque, même si ça peut être un outil intéressant, est un tout petit peu anachronique et ne tient pas compte de l'apparition du jazz et de ce qui a découlé de cela, notamment du chiffrage d'accord en vigueur actuellement. Mais on ne limite pas à cela les outils d'analyse harmonique, heureusement.
Quand tu évoques du chiffrage jazz, tu parles de notations de type "Abm7" ou bien "IVm7, II∅" ? Le premier s'apparente pour moi au chiffrage d'accord baroque (notation pour "économiser de l'encre", n'apporte pas grand chose pour l'analyse #-o ), le second au chiffrage de degrés (donc pas forcément "inventé" par le jazz), non ? Aurais-tu des références sur le sujet ?


Amy Dommel-Diény présente les fonctions de Sous-Dominate (degrés IV [quinte inférieure de la tonique], II et VI) et de Dominante (degrés V [quinte supérieure de la tonique) et VII) comme de grandes broderies de la fonction Tonique (degré I). Le degré III reste seul sans vraie fonction. Je trouve que c'est une vision élégante mais j'ai du mal avec la fonction de Sous-Dominante étendue aux degrés II et VI, je n'arrive pas à appliquer cette idée partout.

Pour vraiment comprendre et analyser l'harmonie, je souscris aux thèses du musicologue Jacques Chailley évoqué , que je trouve trop peu répandues, sans comprendre pourquoi. Ses ouvrages sont passionnants, et pas trop difficiles et longs à lire (sauf "Imbroglio des modes"... :roll: ).

Dans les études traditionnelles d'harmonie, on va jusqu'aux accords de 9e. Jacques Chailley explique très nettement la différence entre notes réelles et notes étrangères (cruciale pour l'analyse), puis la formation des accord par la série des harmoniques dans la résonance, et poursuit donc la série pour aller jusqu'aux accords de 11e augmentée (Debussy) puis 12e augmentée (Ravel, Messiaen), accords qui ouvrent la porte à la gamme par tons.

Je ne sais pas si certains d'entre vous connaissent et utilisent l'analyse schenkérienne, qui est très répandue aux Etats-Unis. J'y ai été introduit par ma prof de piano mais je ne connais pas encore suffisamment au point d'en être devenu un adepte. Certains des prémisses théoriques de Schenker me rebutent un peu (par ex. il arrête sa série harmonique à la triade de l'accord parfait), mais je vais essayer de ne pas m'arrêter à ça. Ses idées principales sont la réduction et la prolongation des accords.

Pour le moment j'essaie d'utiliser le traditionnel "plan tonal" (par le cycle des quintes généralement) pour analyser les oeuvres, mais ce n'est pas toujours évident de comprendre le sens du plan.
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JPS1827
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Re: Quels outils pour l'analyse musicale ?

Message par JPS1827 »

Tout cela me paraît assez compliqué et loin des préoccupations proprement musicales qu'on peut avoir au piano.

Sur les fonctions de sous-dominante il faut remarquer qu'outre la sous-dominante traditionnelle, le degré 4, le degré 2 a une valeur de sous dominante également pour la simple raison qu'il est la dominante de la dominante (dans la gamme de do sur plusieurs octaves le ré est bien 5 degrés au dessus du sol), d'où son aspect de sous-dominante particulièrement forte. Essayez de jouer une suite d'accords parfaits (en arrangeant un peu la ligne du haut bien sûr) sur les notes do - fa - ré - sol - do, vous avez une structure tonale forte. Si vous essayer de jouer des accords de quinte sur do-ré-fa-sol-do, mettant le 4ème degré après le 2ème, la faiblesse de l'enchaînement ré-fa-sol est évidente à l'oreille, donc toutes les sous-dominantes n'ont pas la même valeur (pas le même potentiel d'attraction pour nos oreilles conditionnées). A ces accords ayant des fonctions harmoniques de sous-dominante, il faut ajouter
-la sous-dominante altérée (succession fa#, avec accord 6-5barré) sol do, qu'on peut bien sûr avoir après la sous-dominante simple et aussi parfois après le 2ème degré,
- et la sixte napolitaine, magnifiquement illustrée par l'introduction de la 1ère ballade qui commence au fond par un accord do mib lab (sous dominante de sol mineur avec le lab qui est la sixte napolitaine) auquel fait suite l'accord de dominante au début de la formule do ré fa# sib la sol, le sol étant la résolution sur la tonique.

Le style harmonique des compositeurs est très souvent lié à la façon dont ils emploient de façon préférentielles certaines successions faisant intervenir des sous-dominantes (très présentes chez Schumann dont beaucoup de morceaux commencent sur un accord de sous-dominante, souvent du 2ème degré).

Pour le degré 6, c'est moins net ; ça me fait juste penser aux cas ou Bach utilise ce degré avant de ramener une tonique. La meilleure illustration de la valeur éventuelle de sous-dominante de ce degré me paraît au début du célèbre prélude de Rachmaninov op.3 n°2 (la, sol, do)
Mais la plupart du temps le degré 6 est utilisé comme un degré faible (c'est une note modale) comme le 3ème degré, les successions 3-1 étant particulièrement chères à Chopin et faisant reconnaître son harmonie facilement (même si on ne sait pas que c'est à cause de ces successions)

Pour avoir moi-même passé pas mal de temps autrefois à lire des traités d'harmonie, je peux dire que ça ne m'a servi à rien ; deux années de cours particulier une fois par semaine avec un prof qui entendait vraiment ce qu'on écrivait et qui montrait comment certaines analyses rigoureuses sur le papier n'avaient en fait aucun sens sur le plan harmonique m'ont été mille fois plus utiles.
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Re: Quels outils pour l'analyse musicale ?

Message par Gracou »

Concernant les renversements d'accords, c'est normalement au programme de solfège aussi. Alors évidemment, il y a généralement une limite à ce qu'on enseigne en solfège, on voit la suite en écriture et en analyse.

"Abm7" ou bien "IVm7, II∅" tout ça relève pour moi du chiffrage américain (utilisé entre autre en jazz). Je recommanderais la lecture du Mark Lévine "le livre de la théorie du jazz", une référence dans le genre, un pavé, riche d'explications et d'exemples concrets sur les degrés, les modes, etc.

http://www.laflutedepan.com/livre/10701 ... piano.html
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Re: Quels outils pour l'analyse musicale ?

Message par BluePhoenix05 »

JPS1827 a écrit :toutes les sous-dominantes n'ont pas la même valeur (pas le même potentiel d'attraction pour nos oreilles conditionnées)
C'est justement la raison pour laquelle j'ai du mal à assimiler VI et II à IV ... :?
JPS1827 a écrit :A ces accords ayant des fonctions harmoniques de sous-dominante, il faut ajouter
-la sous-dominante altérée (succession fa#, avec accord 6-5barré) sol do, qu'on peut bien sûr avoir après la sous-dominante simple et aussi parfois après le 2ème degré
C'est une interprétation sensée pour cet accord [fa#-la-do-ré] (par rapport à l'absurde "emprunt de tonalité à la dominante"), si le contexte lui donne clairement le sens de sous-dominante (altérée).

J. Chailley a une autre interprétation qui a ma préférence selon le contexte : il analyse cet accord comme un IIe degré renversé, portant un accord naturalisé (fa# au lieu de fa), rétablissant ainsi l'enchaînement II-V du cycle des quintes (conjonction harmonique). Le II n'a évidemment aucune fonction de dominante de V.

C'est la naturalisation des accords qui explique la majorisation de l'accord final chez Bach (cadence "picarde" très usitée ), voire l'ajout de 7e mineure dans ce même accord courante en jazz (non? corrige-moi Gracou si besoin), et qui est à l'oeuvre dans une bonne partie des accords de l'op.10 n°1 de Chopin (on reste globalement en do M, il ne faut pas voire de modulation (ou plutôt tonnulation :mrgreen: ) toutes les 2 mesures !).

J'aimerais bien poster un extrait scanné du "Traité historique d'analyse harmonique", mais je ne sais pas si on a le droit, et puis il faudrait choisir le passage :|
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Re: Quels outils pour l'analyse musicale ?

Message par BluePhoenix05 »

Du coup j'ai oublié ma question :)
JPS1827 a écrit :Mais la plupart du temps le degré 6 est utilisé comme un degré faible (c'est une note modale) comme le 3ème degré, les successions 3-1 étant particulièrement chères à Chopin et faisant reconnaître son harmonie facilement (même si on ne sait pas que c'est à cause de ces successions)
L'enchaînement VI-I ou III-I peut effectivement porter une connotation modale et souvent religieuse - si tu as un ou plusieurs exemple(s) sous la main dans Chopin, ce serait très intéressant à regarder, pour voir si d'autres analyses ne seraient pas envisageables.
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