concert amical en Bourgogne le 2 mars

[zende]

tous les enregistrements me plaisent beaucoup, surtout celui de Oupsi. Bravo à tous. Vous avez dû passer un super week-end ensemble

[Oupsi]

@ zende: en effet, c'était très bien! intense et joyeux. Merci pour l'écoute!

@ Marie-France, ce que tu dis est essentiel et ça résume très bien le problème, il faut vraiment que je m'efforce de ne plus me laisser surprendre ni m'attacher à ce qui vient d'être joué, mais aller de l'avant, de l'avant, avec curiosité et confiance. En plus c'est vraiment ça la musique, ça avance dans le temps, c'est tout.
(c'est peut-être lié à ma lenteur; même quand je lis, souvent je m'arrête, je réfléchis, je relis le paragraphe, je reréfléchis... quand j'écris, pareil, et je me corrige beaucoup, même si j'écris vite c'est ponctué d'interruptions pour réfléchir, corriger, affiner... alors que la musique justement c'est autre chose, comme tu le dis si bien, joué c'est joué on ne peut plus revenir en arrière!)

[Marie-france]

Cette marche vers l'avant, je l'applique depuis quelque temps, et cela m'aide beaucoup, non pas que je ne fasse plus d'erreurs, mais quand elles sont faites, je ne me déstabilise plus. Je crois que je suis restée sur de mauvais souvenirs de conservatoire où l'erreur était synonyme de raté/cuit/fini ... Donc la moindre erreur était pour moi le déclencheur d'une réaction en chaîne d'émotions. Par la suite, j'avais peur avant! Donc, je projetais mon échec en quelque sorte.
Enfin le cas de mon Brahms dimanche était un peu différent puisque c'était surtout une histoire de mémoire, donc évidemment, je ne savais plus où j'allais.
Et pour en revenir à toi, peut-être en effet as-tu pris cette habitude de toujours vérifier en rapport avec ton métier. En musique on peut le faire en phase de travail...et encore! Je crois qu'on doit, même en travaillant, toujours anticiper pour éviter les erreurs de toute sorte, il faut diriger l'attention avant, pas lui dire après.
Bon tout ceci est très théorique, mais quand tu travailles au ralenti de ralenti, tu peux faire ce travail d'anticipation. C'est mieux que de vérifier après, car es-tu vraiment sûre de te souvenir de ce que tu viens de faire. Qui plus est si tu ne te souviens pas, le cerveau, lui, s'en souvient, et reproduit inexorablement l'erreur que tu viens de lui commander.
Super cette discussion! Une véritable introspection!

[Oupsi]

Dans le travail je pense qu'il faut vraiment se donner le temps. L'anticipation se nourrit. Donc je me donne le temps, d'écouter, de m'amuser à chercher, à manipuler les accords dans tous les sens, à faire sonner ensemble des choses qui se répondent dans le texte, sans parler des expérimentations avec la pédale, qui est vraiment un gros point faible chez moi. Je me dis même que je ne reste pas assez longtemps dans cette phase là, ou que je n'y reviens pas assez. J'ai de plus en plus l'impression que c'est là que tout se construit, et pas dans la seule recherche d'avancer pour avancer (ce n'est bien sûr pas ce que tu as dit, je force le trait!)

Mais ça rejoint un autre thème plusieurs fois évoqué dans le forum, la différence entre "écouter et constater" et "juger". J'aimerais avoir une meilleure écoute, mais sans juger, juste en relevant les choses sans que cela soit plus perturbant que ça. Mais ce n'est pas facile.

[Marie-france]

Ah mais c'est bien sûr là que tout se construit! Le musicien qui ne recherche pas n'a rien compris à son art. Et ce sont tous ces jalons que tu mets sur ton chemin qui te serviront à avancer, à guider ton jeu.
Est-il vraiment plus difficile de discerner que de juger? Tout dépend de ce que tu attends au départ. C'est toi qui décides (inconsciemment?)!
Bon, je ne suis plus très sûre de tenir des propos cohérents ce soir .

[Mylène]

Très intéressante discussion Marie-France et Oupsi. Oupsi, je me reconnais très bien dans ce que tu écris.
Pas la peur de la fausse note, mais la peur de se dévoiler, tant de choses à dire et qu'on n'ose pas, c'est tout à fait ce qui se passe chez moi, j'aimerais tant m'exprimer, mais l'autre me rappelle tout le temps à l'ordre. Et c'est pour ça que je vous disais que j'ai toujours mieux joué en public les morceaux qui ne m'affectent pas. Comme il m'arrive parfois de jouer "sans faute" une pice qui me touche : alors là je mets un masque, mais c'est une interprétation vide.
Et les représentations se passent toujours ainsi : Début masqué, se dévoile, rappel à l'ordre, lutte entre les 2, délivrance (= la fin). Quel scenario !

[Oupsi]

J'ai aussi reçu un conseil que j'ai trouvé assez lumineux, qui consiste à veiller à ne pas "flotter" sur le clavier, aller encore beaucoup plus au fond des touches et mettre plus de poids du haut du corps. C'est quelque chose sur quoi je travaille, mais je ne suis qu'au début du chemin!
Le moins qu'on puisse dire, c'est que le piano est vraiment quelque chose de complexe...

@ Mylène Ce que tu dis, Mylène, me touche beaucoup parce que bien évidemment ce type de "peurs" est d'une injustice cruelle. Un jeu expressif est bien entendu le seul intéressant, donc avoir peur de ça c'est comme avoir peur du fondement même de ce qu'on fait. C'est cruel.
Tu es plus jeune que moi, alors peut-être que tu n'as pas ressenti encore ça, mais moi un jour j'ai senti physiquement que j'avais dépassé (et de loin) la barre médiane de ma vie, et tout à coup la peur de me dévoiler est devenue beaucoup moins protectrice parce qu''un autre sentiment est apparu, plus violent aussi, qui est la crainte de disparaître sans avoir rien dit ni fait ni exprimé. Tout à coup j'ai senti le manque d'intérêt de se protéger. Pas intéressant.

En plus, se dévoiler, qu'est-ce que ça veut dire? C'est une relation qui s'établit, extrêmement singulière, sur le moment, avec les gens qui t'écoutent; parmi ceux-ci, certains accueillent, d'autres se défendent ou résistent, d'autres utilisent ce qu'ils reçoivent pour leur propre intérêt, d'autres prolongent ce qu'ils reçoivent sous forme de dialogue. C'est à peu près tout. Finalement, une fois que tu as fait le tour des effets, tu vois bien qu'il n'y a rien de si effrayant et que ce que tu construis toi est finalement plus "durable" (dans un champ plus solitaire, aussi), d'expérience en expérience ça dépasse de loin ces effets momentanés, et que ces effets, tu peux en plus les choisir en fonction de tes affinités, privilégier ceux qui te font du bien ou qui t'intéressent, les affinités électives comme on dit.

[Marie-france]

J'ai du mal à comprendre de quelle "peur de se dévoiler" vous parlez. Peut-être pourrez-vous m'éclairer.
Ce que j'ai peur pour ma part c'est de dévoiler le pire de moi, c'est à dire mal jouer, ne pas être concentrée, avec des fautes partout, la nullité de ce qu'on peut malheureusement parfois être quand on est dans ses mauvais jours. Ça oui, c'est la pire de mes angoisses! Et je préférerais ne pas dévoiler cela. Mais sinon, ce qu'on dévoile, c'est la musique, ce n'est pas nous. C'est elle qui parle. Quand je dis que JE m'exprime, pour moi, c'est plutôt, j'entends la musique et je veux vous faire entendre ce que j'entends. Ce n'est pas mon histoire, ni mon sentiment, je suis juste une intermédiaire pour faire entendre. Donc en quoi, JE me dévoile?

[Marie-france]

....

[Oupsi]

A mon avis (mais bon, ça devient de la spéculation de haut vol, là, et je ne me sens pas trop à l'aise, mais bon allons y quand même avec nos petites hypothèses), on ne se dévoile pas en tant que contenu, mais en tant que médium. Et la capacité de transmettre en tant que médium a une certaine puissance communicative qui est différente de celle de transmettre simplement un "contenu". Donc même si c'est le sens musical, bien sûr, qui est recherché et offert par l'interprète, le fait que cette musique soit revisitée à chaque fois par un corps singulier, avec sa respiration, son souffle, son théâtre intime, la "réactualise" dans sa puissance. Quand un interprète aime particulièrement un morceau, une des attitudes qu'on peut rencontrer c'est qu'il va porter le morceau en lui comme s'il en avait la responsabilité, même s'il sait très bien que le morceau est extérieur à lui et écrit par quelqu'un d'autre. Premier vertige de risque, cette responsabilité. Ensuite, dans cet amour particulier pour un morceau il y a des tas d'associations intimes, que l'interprète imagine qu'il va distribuer au public comme des petits papiers impudiques au moment de jouer, deuxième vertige de risque.

Edit: @ Marie-France: Se tromper, ça ne dévoile rien du tout, et certainement pas le "pire de soi". Une erreur, ça n'a tout simplement pas de sens. C'est moche à entendre, ça a des causes (tout ce qu'on dit depuis trois pages c'est la recherche des causes) mais en aucun cas ça n'a de sens ni ne dévoile une identité, genre, "ah là dans ces erreurs se définit parfaitement ce syndrome bien connu que nous appellerons Le Pire d'Oupsi".

[Lee]

Je ne parle pas pour Mylène, mais comme Oupsi dit, on aime un morceau, et l'amour pour le morceau est la source d'une vulnérabilité. C'est la première fois dans ma vie que je choisis les morceaux que je veux jouer, et je suis hantée par le morceau, ça vibre en moi, et je donne ma vision de cette musique. J'ai lu le fil de JPS dans lequel quelques uns ont parlé de comment il faut bien comprendre un compositeur pour bien jouer un morceau, et je savais que vous jugerez assez justement mon morceau. Si à la fin, vous m'aviez dit, "mais tu as joué ce Chopin tout larmoyant, tu es complètement à coté de la plaque" (dans des mots plus diplomates, bien entendus), je ne sais pas ce que j'aurais fait...mais ça aurait été quelque chose arraché et détruit en moi.

Pour continuer la métaphore, c'est comme si en tombant complètement folle amoureuse, on apprend qu'en fait, l'amant est un DSK...

[Line-Marie]

voici l'Etude de Concert de Pierné, jouée de main de maître par Doubidoudom :
https://www.dropbox.com/s/a21qf2uw2fzyi ... umpf_7.mp3

[Florestan]

Je ne connaissais pas.
Impressionnant de maitrise en situation de concert!

[Doubidoudom]

Merci florestan, c'est encore plein de petits trucs pas propres et qui devraient l'être. Même chose dans la ballade d'ailleurs.
Pour enchaîner avec la discussion Oupsi Marie-France les fautes que j'y ai faite ne sont pas normales, elles ne viennent pas sur des moments de grande difficulté technique donc je cherche aussi comment remédier à ça. Ce que j'appelle concentration est contrôle de soi ininterrompu; une part vigilance technique, d'autre part vigilance musicale, rester dans son discours, au présent mais sans se guinder. Il y a aussi la gestion du stress du concert. Mon médecin m'a conseillé d'essayer la cohérence cardiaque. Je débute là-dedans mais ça me paraît très prometteur http://christineangelard.com/2012/12/08 ... e-nouveau/