Méthode pour apprendre "par coeur"

Théorie, jeu, répertoire, enseignement, partitions
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Okay
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Re: Méthode pour apprendre "par coeur"

Message par Okay »

thiducha a écrit :@Okay
Parfaitement résumé.

C'est évident mais tout cela ne vient pas en un jour et que plus on apprend par coeur plus c'est facile.
Ce n'est pas si évident car ça peut demander un changement de paradigme très profond, d'accepter de faire passer le texte au 10e plan et remonter le clavier au premier plan, pour pouvoir apprendre par coeur solidement. Je suis peut-être trop optimisme, mais je pense que c'est la source du problème et qu'un tel changement de paradigme peut régler définitivement la difficulté, ou au minimum donner lieu à des progrès spectaculaires et rapides.
thiducha a écrit :J'ajouterais un point du haut de ma longue expérience . Il me semble qu'on doit faire une distinction très nette entre le jeu avec partition et le jeu sans partition et ne pas accumuler les difficultés (par exemple vitesse et par coeur).
Je conseillerais de garder la partition un peu plus longtemps que le stade où le par-coeur se met en place. Travailler lentement sans partition et dans la vitesse avec partition peut être très bénéfique. Le par-coeur ne doit pas constituer une difficulté (ne hurlez pas, lisez la suite), car il se met en place "tout seul" avec le travail des autres difficultés, si effectué dans une certaine disposition (mon post précédent). S'il est ressenti comme une difficulté, c'est que le reste du travail n'est pas encore assez avancé.
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thiducha
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Re: Méthode pour apprendre "par coeur"

Message par thiducha »

Okay a écrit : Travailler lentement sans partition et dans la vitesse avec partition peut être très bénéfique.
J'ai découvert ça récemment. Je dirais même que faire différemment peut à la fois casser le jeu avec partition et le jeu sans.
abcpiano
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Re: Méthode pour apprendre "par coeur"

Message par abcpiano »

smsfre a écrit :C'est surtout vrai chez les baroques, pour lesquels la musique est proche de la rhétorique. Il est difficile d'argumenter sans savoir exactement où on mène son auditoire, il en va de même pour la musique. Si vous dégagez la structure globale de la pièce, vous structurez nettement mieux votre pensée car votre discours devient construit, logique. Si vous dégagez chaque structure, vous pouvez en extraire leur point d'équilibre (ou respiration, ou arsis/thesis pour avoir l'air malin) et alors ce n'est plus l'instrument qui chante, mais vous même.
smsfre a écrit :Enfin, je suis persuadé que ceux qui croient qu'une approche théorique est "froide" ou trop mécanique se fourvoient. C'est même tout le contraire. Savoir identifier des structures élémentaires permet de faire ressortir l'originalité même de la pièce, et la mettre en valeur aux oreilles de votre public.
Voilà qui est très bien dit!
"L’expression apprendre par cœur date du moyen âge. Car depuis la nuit des temps, le cœur a été considéré comme l’organe responsable de l’intelligence, des sensations et de la mémoire. Du fait de l’accélération du rythme cardiaque lors d’une activité cérébrale intense. L’expression est encore utilisée dans plusieurs langues comme l’arabe « يَحفَظ عن ظهر قلب ».
Peut-on également parler de cœur sans évoquer l'émotion, notion assez floue mais qui devrait se trouver à la base de toute interprétation musicale.
Le "par cœur" est une expression riche qui implique en premier lieu une appréhension et une compréhension globale de ce que l'on a envie d'apprendre (difficile d'apprendre ce qui nous laisse indifférent...).
Okay a écrit :- Les poupées russes, ou baliser le morceau. Du général au particulier (et non pas du particulier au général en apprenant les notes). Comment est construite la pièce (forme sonate, rondo, séquence des sections…), quels sont les thèmes présents (pouvoir les jouer d’oreille), sections dupliquées (exact rappel, modulation, nouvel accompagnement…), contenu des sections (une phrase mélodique développée, un développement plutôt harmonique, une texture polyphonique …), les transitions entre les sections. A ce stade, on n’a encore rien appris par cœur, mais on a tout compris de l’analyse du morceau et surtout on a balisé le morceau. Au moment d'aller plus dans le détail, garder cette logique en poupées russes. Par exemple suivre la basse et le chant, comprendre ce que raconte cette basse dans le suivi de la phrase, et ne greffer le reste qu'ensuite.
C'est marrant que vous parliez de poupées russes car dans l'école russe du piano, les professeurs font souvent travailler les élèves (mêmes les plus avancés) en balisant le morceau en plusieurs sections courtes numérotées.
L'élève doit être en mesure de jouer n'importe quelle des sections dans le désordre, tout en conservant la musicalité et la conscience de ce qu'il y a avant et après.
N'oublions pas que les œuvres ont été pensées avec d'être écrites!
J'ai souvent entendu dire que connaitre un morceau par cœur c'était pouvoir le jouer mentalement dans les moindres détails, en restituant toutes les notes, sensations, déplacements, harmonies, respirations, nuances etc...
Dans un premier temps, on peut l'expérimenter en jouant mentalement lentement un court passage, se visualisant en train de le jouer.
Je vous promets, ça marche...mais c'est aussi fatiguant que de le jouer vraiment!

Ce qui est plus embêtant dans le processus de mémorisation est l'expérience que l'on a tous eu un jour d'essayer de mémoriser une pièce que l'on entend difficilement, que l'on ne "sent" pas ou que l'on ne maitrise pas techniquement.
Dans ce cas, il y a un décalage entre le niveau de la pièce et le niveau musical, émotionnel et technique de l'élève.
Doit-on imposer le par cœur dans ce cas? A mon avis, c'est du bachotage...
Le prof devrait comme vous le dites Okay, surtout veiller en premier lieu à une meilleure compréhension du texte en prenant en compte tous les éléments qui constituent une œuvre.
Le par cœur devrait être une conséquence de la compréhension et non un but en soi.
(Remarquez que beaucoup jouent par cœur sans y comprendre grand chose et d'autres avec la partition sous le nez transcendent les œuvres).....

Un truc qui marche, si vous avez la chance d'avoir un piano à queue, c'est de poser la partition à plat sur le pupitre( ou par terre)et la regarder globalement en jouant, sans vraiment lire le détail...c'est rassurant et efficace!

Autrement, on peut toujours louer les services d'un souffleur de notes comme au théâtre :mrgreen:
Il est bon de lire entre les lignes, ça fatigue moins les yeux...
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Moderato Cantabile
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Re: Méthode pour apprendre "par coeur"

Message par Moderato Cantabile »

Merci Okay pour ce très intéressant message. Tu apportes pas mal de réponses et beaucoup de pistes à creuser . Exactement ce que j'attendais ! :D
Je reprends donc ton message point par point pour y apporter mes observations :
Okay a écrit : - Oublier les notes. Ne jamais apprendre les notes volontairement. [...] Je suis incapable en jouant de voir défiler la partition dans ma tête, et tout aussi incapable de la réécrire par cœur.

Ouf ! c'est bien ce qu'il me semblait . Quand on n'a pas de souci de déchiffrage on ne nomme pas les notes , il me semblait bizarre de devoir le faire pour mémoriser.
Comme toi , je ne vois pas "défiler" la partition dans ma tête mais c'est là une question intéressante : savoir ce que les autres pianistes visualisent lorsqu'ils jouent par coeur.
Pour ma part , je vois la partition mais floue , donc les grandes lignes mais pas les notes précises (et c'est un peu pour ça que je me plante : quand il m'en manque une , elle n'apparait pas comme par magie sur mon écran intérieur ! :mrgreen: )

L’idée n’est pas d’apprendre une poésie mais une leçon, d’être capable de reformuler la leçon avec ses mots, puis finalement utiliser les mots d’un autre pour dire la même chose et retomber sur la poésie.
Jolie image ! =D>

- Les poupées russes, ou baliser le morceau. Du général au particulier (et non pas du particulier au général en apprenant les notes).
Comment est construite la pièce (forme sonate, rondo, séquence des sections…),
quels sont les thèmes présents (pouvoir les jouer d’oreille),
sections dupliquées (exact rappel, modulation, nouvel accompagnement…), contenu des sections (une phrase mélodique développée, un développement plutôt harmonique, une texture polyphonique …), les transitions entre les sections.
A ce stade, on n’a encore rien appris par cœur, mais on a tout compris de l’analyse du morceau et surtout on a balisé le morceau. Au moment d'aller plus dans le détail, garder cette logique en poupées russes. Par exemple suivre la basse et le chant, comprendre ce que raconte cette basse dans le suivi de la phrase, et ne greffer le reste qu'ensuite.


- être capable de jouer d'oreille les thèmes présents me parait vraiment intéressant . Je n'ai jamais pensé à le faire et je crois que je vais m'y mettre .
Sauf que lorsque je joue une mélodie d'oreille c'est pour moi comme une improvisation : je recrée la musique , je ne regarde surtout pas le clavier , je n'ai aucune partition qui s'affiche sur mon écran intérieur et mon doigté est très aléatoire . Démarche qui n'a donc pas grand chose à voir avec le processus de mémorisation d'une partition déjà déchiffrée et doigtée.
Mais je vais tester ... :D
- les transitions : je crois que c'est souvent la pierre d'achoppement de la mémorisation en ce qui me concerne . Je devine que c'est là qu'il va falloir fournir un véritable effort de mémorisation , éventuellement en nommant et en apprenant vraiment les notes nécessaires à la transition.
-la basse et le chant : c'est ce sur quoi je travaille ces derniers temps, c'est la trame évidente à travailler en priorité .

- La conscience harmonique. Ca aide énormément au stade du déchiffrage mais aussi pour retenir, car il y a des enchainements beaucoup plus vraisemblables et des impossibilités. Ca ne s’acquiert pas vraiment dans les bouquins ou les cours de théorie, seulement en écoutant beaucoup de musique, en déchiffrant beaucoup, et idéalement en improvisant.

Flûte ! je comptais bien sur les bouquins pour m'éclairer un peu ... Cette partie là est sûrement la plus complexe pour moi vu ma quasi absence de connaissance théorique ... :oops:

- L'appropriation des doigtés. Rechercher ses propres doigtés, c'est le pré-requis à l'étape finale (la suivante). On comprend par cette recherche ce que nos mains vont faire, on prépare la mémoire tactile. On intègre la logique mécanique du jeu. Toujours comprendre, pas apprendre. Si c'est l'éditeur ou le prof qui fournit les doigtés, alors il faut les questionner ces doigtés. Il faut que ce soit naturel et vraiment s'approprier les doigtés pour pouvoir ensuite mémoriser... et que ça reste là des années.

Rien à rajouter là-dessus . Les doigtés sont mon point faible puisque j'ai toujours méprisé cette étape qui entravait le plaisir de jouer (c'est pas beau d'être impatiente comme ça , je sais , je sais ..... :oops: ) Donc je ne suis quasiment jamais ceux indiqués sur la partition (en fait je ne prends pas le temps de les lire , tout simplement .... :oops: ). Par contre quand j'en ai vraiment besoin , je fais un mix de ceux indiqués et de ce qui me convient le mieux après divers essais.
Mais bon , j'imagine que tout le monde fait ça , non ?

- La mémoire tactile. Je termine par ça car c’est sûrement le plus important. En travaillant dans la conscience de la structure, le corps retient les gestes répétés si l’on est concentré dans la répétition. Il ne faut pas répéter superficiellement mais penser d’avance ce qu’on joue puis l’imprimer sur le clavier. Le jeu au piano doit être absolument vécu physiquement sans fébrilité. L’essentiel de la mémorisation n’est pas un processus intellectuel mais physique. On retient la musique elle-même et les sensations liées à son exécution, il ne faut pas s’imposer en plus de retenir la notation écrite qui n’est qu’un médium pour transmettre le discours.

D'accord à 100% ! Je me surprends souvent à penser que jouer du piano est en grande partie un bête exercice de gymnastique. Les bras , les mains et les doigts doivent effectuer des mouvements variés et très précis qui ne deviennent fluides qu'à la suite de nombreuses répétitions . Cela m'étonne et m'agace réguliérement .... jusqu'à ce que j'y prenne plaisir ... :mrgreen: Il est clair que la mémoire des doigts se met en marche toute seule par le simple processus de répétition mais qu'elle a tout à gagner d'être activée par une grande concentration lors de cette "gymnastique".
Encore mille mercis Okay.
Tu viens de beaucoup m'éclairer sur ces questions de mémorisation.
Je te dirai sans quelques temps si cela m'a aidée.
Et j'espère que cela pourra en aider beaucoup d'autres ! :D
"Il faut que cela soit si gai , si gai , que l'on ait envie de fondre en larmes ."
mathieu1983
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Re: Méthode pour apprendre "par coeur"

Message par mathieu1983 »

1)Je me dis toujours le nom de notes quand je joue,je peux t'assurer que ce sont comme des paroles de chansons:tu retiens tout.
2)si tu veux savoir un morceau par coeur,apprends la main gauche par coeur (c'est peut-être le plus important)
3)peti jeu sadique mais qui a un grand impact benefique sur moi:quand tu as dechiffré une page,tu t'amuses à la jouer sans AUCUNE erreur sous peine de recommencer....je peux t'assurer que la répétition + chanter les notes tont que ça rentre naturellement !!

ce sont mes petits conseils persos :)
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