Quelle hérésie ! Comme bien souvent, ce qui va faire la différence c'est pas tant le programme que d'avoir la chance de tomber sur un prof comme celui-là.Ma prof disait d'ailleurs régulièrement que le plus important c'était "d'apprendre à faire de la musique".
L'enseignement au conservatoire
Re: L'enseignement au conservatoire
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Re: L'enseignement au conservatoire
Voilà qui résume tout a fait ce que je pense :JPS1827 a écrit :L'idée qu'il faut d'abord apprendre les bases, puis qu'ensuite on pourra s'exprimer, me paraît ridicule. Il est clair pour moi que la découverte de l'expression doit venir en même temps que l'acquisition du solfège et de la pratique instrumentale. Ceux qui n'aiment pas la musique et n'ont pas envie de travailler, il y a sûrement d'autres domaines dans lesquels ils excelleraient, pas la peine de leur faire perdre leur temps.
1) il faut aborder la musique dans son ensemble dès le début : solfège, théorie, pratique, interprétation, ... De ce que j'ai vu/entendu les conservatoires ne font pas cela.
2) il y a des personnes qui n'aimeront pas l'apprentissage de la musique.
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Re: L'enseignement au conservatoire
JPS, on est d'accord alors (:
Je crois me rappeler avoir lu que c'était à l'Ecole normale Alfred Cortot que tu avais appris la musique, j'ai juste ? Tu as commencé là-bas ? Est-ce que l'enseignement y est différent, dans l'approche, de celui des conservatoires ou alors ça dépend des profs ? (ça fait beaucoup de question, désolé)
Je crois me rappeler avoir lu que c'était à l'Ecole normale Alfred Cortot que tu avais appris la musique, j'ai juste ? Tu as commencé là-bas ? Est-ce que l'enseignement y est différent, dans l'approche, de celui des conservatoires ou alors ça dépend des profs ? (ça fait beaucoup de question, désolé)
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Re: L'enseignement au conservatoire
Je crois que l'enseignement était un peu différent à cause de la façon d'envisager les programmes d'examen, principalement, qui visait à donner une appréhension assez large de la musique et du piano dès les petites classes. Après, le prof a sûrement une grande importance. La mienne ne supportait pas qu'on enseigne d'un côté les amateurs et de l'autre les futurs professionnels, elle pensait qu'il n'y avait aucune raison de jouer mal quoi que ce soit, et je dois dire que, si beaucoup de futurs professionnels sont passés chez elle, tous ceux qui sont resté des amateurs ont atteint un très bon niveau d'exécution ; l'enseignement au départ n'était pas différent, elle trouvait que tous ceux qui s'investissaient devaient pouvoir bifurquer vers une entrée au CNSM s'ils le désiraient. J'y suis entré après 4 ans de piano (je pouvais alors jouer très correctement le Doctor gradus ad parnassum de Debussy, mais pas plus) (les 4 premières années, c'était avec une prof de mon quartier très gentille et qui m'avait très bien enseigné le solfège parallèlement au piano, mais qui n'avait pas assez d'exigences sur la qualité sonore à obtenir). Dès mon premier cours avec ma prof de l'Ecole normale, j'ai compris que cela n'aurait plus rien à voir, on rentrait dans la musique, elle imitait ce qu'on faisait puis jouait comme elle voulait nous entendre jouer, et elle ne lâchait pas prise avant d'avoir obtenu satisfaction (elle passait beaucoup de temps, mais c'était sa passion exclusive, elle était répétitrice au CNSM en plus). Je me suis retrouvé à jouer le 1er impromptu de Chopin 18 mois plus tard ! sans avoir jamais eu à étudier une gamme ou un exercice (mais pas mal d'études de Czerny puis Cramer, avec toujours des exigences musicales importantes). Bien sûr, d'autres progressaient moins vite (et d'autres encore bien plus vite) mais tout ce qu'ils jouaient ressemblait à quelque chose musicalement (et ce n'est pas le cas quand j'entends des enfants qui étudient dans les petites classes des conservatoires). Je considère que j'ai eu beaucoup de chance.
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Re: L'enseignement au conservatoire
Abandonnons la branche "Querelle des Anciens et des Modernes" de ce fil. Comme d'habitude, elle ne mène à rien qui vaille.
Sur l'enseignement du solfège au conservatoire, mon expérience (déjà ancienne) et celle de mes enfants, c'est que ce n'est pas forcément les premières années qui posent problème. Un an sans instrument, c'est pas si grave (il ne faut pas exagérer non-plus: on "pratique" puisqu'on chante, frappe des rythmes, joue sur un carillon, souffle dans une flute à bec .....). Au conservatoire de Lyon (je ne sais pas si c'est pareil partout), on fait entendre au cours de la première année tous les instruments, sous forme de petits concerts, pour laisser le choix aux enfants. J'aurais aimé que les miens fassent du piano, mais ma gamine de 6 ans et tombé amoureuse de ...la contrebasse. Hé bien, va pour la contrebasse, au moins c'est elle qui choisit !
Je me souviens néanmoins que, adolescent, plus les années passaient plus j'étais dérouté par ces cours de solfège où l'on faisait des choses de plus en plus difficiles, des lectures de rythmes avec des équivalences de mesure improbables, des lectures de notes à 120 à la noire avec des changements de clés à toutes les mesures, des dictées d'accords et que sais-je encore....avec il me semble comme seul objectif de réussir à faire ces exercices. Cela ne débouchait sur pas grand chose. Faire des virtuoses de la lecture de note ou de la dictée à 4 voix, uniquement pour la beauté de la chose, n'a pas grand intérêt au total. Et on y passe beaucoup de temps. Au bout de 6 ou 7 ans de solfège à haute dose, finalement mes connaissances en harmonie, contrepoint, analyse, se résumaient à pas grand chose: les gammes majeures ou mineures, les accords parfaits, de 7ème de dominante, la cadence parfaite et la plagale.
Beaucoup d'efforts, beaucoup de temps passé, et au total, peu de connaissance.
Cela a peut-être changé. Je l'espère en tous cas.
Amitiés.
-------------------
Merlin
Sur l'enseignement du solfège au conservatoire, mon expérience (déjà ancienne) et celle de mes enfants, c'est que ce n'est pas forcément les premières années qui posent problème. Un an sans instrument, c'est pas si grave (il ne faut pas exagérer non-plus: on "pratique" puisqu'on chante, frappe des rythmes, joue sur un carillon, souffle dans une flute à bec .....). Au conservatoire de Lyon (je ne sais pas si c'est pareil partout), on fait entendre au cours de la première année tous les instruments, sous forme de petits concerts, pour laisser le choix aux enfants. J'aurais aimé que les miens fassent du piano, mais ma gamine de 6 ans et tombé amoureuse de ...la contrebasse. Hé bien, va pour la contrebasse, au moins c'est elle qui choisit !
Je me souviens néanmoins que, adolescent, plus les années passaient plus j'étais dérouté par ces cours de solfège où l'on faisait des choses de plus en plus difficiles, des lectures de rythmes avec des équivalences de mesure improbables, des lectures de notes à 120 à la noire avec des changements de clés à toutes les mesures, des dictées d'accords et que sais-je encore....avec il me semble comme seul objectif de réussir à faire ces exercices. Cela ne débouchait sur pas grand chose. Faire des virtuoses de la lecture de note ou de la dictée à 4 voix, uniquement pour la beauté de la chose, n'a pas grand intérêt au total. Et on y passe beaucoup de temps. Au bout de 6 ou 7 ans de solfège à haute dose, finalement mes connaissances en harmonie, contrepoint, analyse, se résumaient à pas grand chose: les gammes majeures ou mineures, les accords parfaits, de 7ème de dominante, la cadence parfaite et la plagale.
Beaucoup d'efforts, beaucoup de temps passé, et au total, peu de connaissance.
Cela a peut-être changé. Je l'espère en tous cas.
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Merlin
Modifié en dernier par Merlin le mer. 05 sept., 2012 12:43, modifié 1 fois.
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Re: L'enseignement au conservatoire
Pas plus que de sous-entendre que le contemporain (à prononcer "comptant pour rien") est forcément méga hyper dissonant, par exemple.nox a écrit : Oui enfin le truc de "je joue la main droite, la gauche puis les deux ensemble", c'est quand même une sacrée caricature
Ca dépend des méthodes. Là où je travaille, c'est tout de suite.nox a écrit : (d'autant que le jeu "mains ensemble" c'est pas dès le début)
Encore une fois, la bonne vieille méthode classique à l'ancienne conviendra à certains, mais pas à la plupart des gens. Je persiste à penser qu'il faudrait mettre un sacré coup de jeune dans la manière d'enseigner la musique pour donner envie aux Français de faire de la musique. Ca commence à mon avis par une remise en question du répertoire abordé autant que de la manière dont il est abordé, mais je conçois que pour ceux pour qui le Classique est ce qu'il y a de plus agréable à écouter et à jouer, cela ne paraisse pas si évident que ça (je prends des raccourcis, je m'en excuse, mais vous aurez compris).
La différence entre un fou et moi, c'est que je ne suis pas fou. Salvador Dali.
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Re: L'enseignement au conservatoire
Oui bien sûr, mais il faut percevoir que les professeurs actuels on été formés pour enseigner la musique classique. S'ils méprisent les autres genres musicaux, ils ont tort, mais même s'ils les considèrent dignes d'intérêt, ils sont en général incapables de les enseigner.
On pourrait envisager un tronc commun de un an ou deux dans lequel on donne des bases assez solides aux enfants (mais ça demande plus de temps que celui actuellement consacré aux cours dans les conservatoires, ça demande que les enfants assistent à plusieurs cours des autres et ne viennent pas uniquement pour leur leçon), puis très rapidement leur enseigner ce qu'ils veulent apprendre avec les profs adaptés. Contrairement à ce qui semble parfois sous entendu, l'apprentissage du jazz ou de la variété n'est pas plus "ludique" que celui de la musique classique, les exigences y sont même globalement plus importantes (en jazz, il faut rapidement un bon contrôle rythmique des deux mains, en variété, il faut d'emblée une bonne oreille si on veut progresser).
Quand je dis que ça demande que les enfants assistent à plusieurs cours des autres et ne viennent pas uniquement pour leur leçon, je me rappelle bien que j'assistais à énormément de cours des copains dans ma jeunesse, il ne me venait pas à l'idée de ne pas passer au moins deux heures à l'école normale pour écouter les autres, aller éventuellement déchiffrer un 4 mains dans une autre salle etc. Je me rappelle avoir entendu très jeune un cours sur la 1ère ballade, avoir rêvé de la jouer, et de me être parfaitement rappelé les remarques de ma prof 4 ans plus tard en abordant le morceau (ce qui m'a permis d'étonner ma prof la première fois que je lui ai jouée, ça fait toujours plaisir…).
J'ai regretté de ne pas avoir abordé le jazz à cette époque, mais on ne peut pas tout faire non plus.
Un des principaux problèmes qu'on rencontre actuellement est qu'on n'est pas capable de susciter un investissement sincère et réel de la part des enfants dans la majorité des cas. Et un travail qui est fait parce qu'il le faut, sans en saisir l'intérêt, a des chances de ne pas donner un résultat très durable (cf les bachotages pour le bac avec oubli massif assez rapide de ce qui a été appris). Je ne pense pas que ce soit la faute de la "société" si les enfants ne s'intéressent pas, je pense que ce sont nous, adultes, qui ne sommes pas capables de les intéresser, et que c'est une question à creuser dans les années à venir.
On pourrait envisager un tronc commun de un an ou deux dans lequel on donne des bases assez solides aux enfants (mais ça demande plus de temps que celui actuellement consacré aux cours dans les conservatoires, ça demande que les enfants assistent à plusieurs cours des autres et ne viennent pas uniquement pour leur leçon), puis très rapidement leur enseigner ce qu'ils veulent apprendre avec les profs adaptés. Contrairement à ce qui semble parfois sous entendu, l'apprentissage du jazz ou de la variété n'est pas plus "ludique" que celui de la musique classique, les exigences y sont même globalement plus importantes (en jazz, il faut rapidement un bon contrôle rythmique des deux mains, en variété, il faut d'emblée une bonne oreille si on veut progresser).
Quand je dis que ça demande que les enfants assistent à plusieurs cours des autres et ne viennent pas uniquement pour leur leçon, je me rappelle bien que j'assistais à énormément de cours des copains dans ma jeunesse, il ne me venait pas à l'idée de ne pas passer au moins deux heures à l'école normale pour écouter les autres, aller éventuellement déchiffrer un 4 mains dans une autre salle etc. Je me rappelle avoir entendu très jeune un cours sur la 1ère ballade, avoir rêvé de la jouer, et de me être parfaitement rappelé les remarques de ma prof 4 ans plus tard en abordant le morceau (ce qui m'a permis d'étonner ma prof la première fois que je lui ai jouée, ça fait toujours plaisir…).
J'ai regretté de ne pas avoir abordé le jazz à cette époque, mais on ne peut pas tout faire non plus.
Un des principaux problèmes qu'on rencontre actuellement est qu'on n'est pas capable de susciter un investissement sincère et réel de la part des enfants dans la majorité des cas. Et un travail qui est fait parce qu'il le faut, sans en saisir l'intérêt, a des chances de ne pas donner un résultat très durable (cf les bachotages pour le bac avec oubli massif assez rapide de ce qui a été appris). Je ne pense pas que ce soit la faute de la "société" si les enfants ne s'intéressent pas, je pense que ce sont nous, adultes, qui ne sommes pas capables de les intéresser, et que c'est une question à creuser dans les années à venir.
Re: L'enseignement au conservatoire
Je pense aussi qu'on touche là à un noeud important du problème, c'est un cercle vicieux.JPS1827 a écrit :les professeurs actuels on été formés pour enseigner la musique classique. S'ils méprisent les autres genres musicaux, ils ont tort, mais même s'ils les considèrent dignes d'intérêt, ils sont en général incapables de les enseigner.
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Re: L'enseignement au conservatoire
Gracou a écrit :Je pense aussi qu'on touche là à un noeud important du problème, c'est un cercle vicieux.JPS1827 a écrit :les professeurs actuels on été formés pour enseigner la musique classique. S'ils méprisent les autres genres musicaux, ils ont tort, mais même s'ils les considèrent dignes d'intérêt, ils sont en général incapables de les enseigner.
Non, c'est globalement faux. Ou en tous cas, il s'agit d'une généralisation abusive. Mais bon.
Amitiés.
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Re: L'enseignement au conservatoire
C'est certainement une généralisation, mais si j'en juge par mon expérience (les gens que j'ai rencontré, les connaissances de connaissances, etc), qui vaut ce qu'elle vaut, ce n'est certes pas une étude statistique, je peux raisonnablement m'avancer à dire que l'immense majorité des profs de conservatoires sont tournés vers le classique.
Il est intéressant de voir d'ailleurs que pour nombre d'examens ou concours, on ne dit jamais qu'il faudra présenter au minimum une pièce classique, comme on le fait avec le contemporain, par exemple. Je ne parle même pas des autres styles...
Il est intéressant de voir d'ailleurs que pour nombre d'examens ou concours, on ne dit jamais qu'il faudra présenter au minimum une pièce classique, comme on le fait avec le contemporain, par exemple. Je ne parle même pas des autres styles...
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Re: L'enseignement au conservatoire
Et si la faible représentation de la musique contemporaine aux examens venait simplement de la paresse des examinatueurs ?
Avec une oeuvre "classique", la moindre fausse note écorche les oreilles. Avec du contemporain dissonant, il faut parfaitement maîtriser l'oeuvre pour les repérer.
Je ne parle que du haut de ma faible expérience, j'ai assisté à 2 ou 3 auditions l'année dernière au conservatoire de Metz, il y avait de tout comme oeuvres et je me souviens m'être fait cette réflexion que si je devais passer une audition je ferai tout pour choisir l'oeuvre la plus dissonante possible au départ.
Je me doute que mon propos est caricatural, mais je suis sûr qu'il y a un peu de vrai.
Avec une oeuvre "classique", la moindre fausse note écorche les oreilles. Avec du contemporain dissonant, il faut parfaitement maîtriser l'oeuvre pour les repérer.
Je ne parle que du haut de ma faible expérience, j'ai assisté à 2 ou 3 auditions l'année dernière au conservatoire de Metz, il y avait de tout comme oeuvres et je me souviens m'être fait cette réflexion que si je devais passer une audition je ferai tout pour choisir l'oeuvre la plus dissonante possible au départ.
Je me doute que mon propos est caricatural, mais je suis sûr qu'il y a un peu de vrai.
Benoît
Re: L'enseignement au conservatoire
Mmmmmmmmmm... je repère une manifestation douloureuse du Syndrome du Dernier des Mohicans.JPS1827 a écrit :Un des principaux problèmes qu'on rencontre actuellement est qu'on n'est pas capable de susciter un investissement sincère et réel de la part des enfants dans la majorité des cas. Et un travail qui est fait parce qu'il le faut, sans en saisir l'intérêt, a des chances de ne pas donner un résultat très durable (cf les bachotages pour le bac avec oubli massif assez rapide de ce qui a été appris). Je ne pense pas que ce soit la faute de la "société" si les enfants ne s'intéressent pas, je pense que ce sont nous, adultes, qui ne sommes pas capables de les intéresser, et que c'est une question à creuser dans les années à venir
Je crois que si nous avons la conviction profonde d'être les "derniers" à pouvoir savoir, sentir, comprendre.... ceux qui suivent ne peuvent, à juste titre, que nous regarder ébahis comme si nous étions des dinosaures, et ne rien comprendre, ne rien sentir et ne rien vouloir savoir de ce que nous leur racontons... c'est un peu un réflexe d'auto défense devant la menace d'extinction qui sous-tend nos discours....
Pourquoi avons-nous cette sorte de tristesse? Et pourquoi tant de jeunes gens ne peuvent-ils se défendre qu'en produisant quelque chose d'encore plus triste (consumérisme, instantanéité et égotisme)?
Re: L'enseignement au conservatoire
Je me permets d'intervenir pour éveiller votre attention sur la situation inverse, je viens d'être embauchée en CDI dans une petite structure associative culturelle mais je dois dire que je suis assez mal à l'aise du fait que dès que l'on parle de musique classique, on a l'impression maintenant de faire partie des profs ringards... Je ne suis pas contre de faire travailler du jazz ou de la musique de variétés (bien que je n'ai pas eu la formation pour cela) mais j'ai beaucoup d'élèves débutants sans grande technique et je trouve les textes de variétés très pauvres harmoniquement et sans grand intérêt pianistique... J'aime analyser une oeuvre, en trouver la construction, repérer les thèmes, expliquer à l'élève pourquoi telle modulation entraîne telle sensation, et j'ai envie de parler des compositeurs, de raconter leur vie, comprendre un texte d'un compositeur sans savoir rien de lui, pour moi, c'est impensable, pour moi tout est lié...
Voilà, je suis un peu dans le marasme, je me pose carrément la question..."Mais qu'est ce que je vais bien pouvoir leur faire jouer pour qu'ils ne me trouvent pas ringarde, pour être dans le coup, pour ne pas les affoler si je leur demande de travailler un peu de technique, et surtout pour ne pas qu'ils décrochent parce que j'ai un peu d'exigence, j'aime mon métier et que je n'ai pas envie de faire n'importe quoi"...
Voilà, je suis un peu dans le marasme, je me pose carrément la question..."Mais qu'est ce que je vais bien pouvoir leur faire jouer pour qu'ils ne me trouvent pas ringarde, pour être dans le coup, pour ne pas les affoler si je leur demande de travailler un peu de technique, et surtout pour ne pas qu'ils décrochent parce que j'ai un peu d'exigence, j'aime mon métier et que je n'ai pas envie de faire n'importe quoi"...
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Re: L'enseignement au conservatoire
Là tu te trompes Oupsi, il n'a a aucune manifestation douloureuse de "dernier des Mohicans" dans mon propos ; je me suis très bien fait à l'idée que ce qui m'intéresse n'intéresse pas la génération suivante. Si plus personne n'écoute de la musique classique dans un siècle, je ne serai pas là pour le savoir, et au fond ça ne m'importe pas tant que ça. Je me dis simplement que la musique classique doit probablement être présentée d'une façon particulière, toujours comme une sorte de culture "à part" pour que si peu de jeunes s'y intéressent. Il n'y a aucune raison à cela. Les jeunes ne sont pas si bêtes, ils doivent bien savoir que "consumérisme, instantanéité et égotisme", ça ne nourrit pas un individu toute sa vie, beaucoup d'ailleurs développeront à l'âge adulte de grandes capacités dans des domaines difficiles. Je pense simplement que les diverses musiques commercialisées à grand renfort de publicité, et souvent médiocres, ont un pouvoir fédérateur (comme certains sports) auquel d'autres manifestations artistiques ne peuvent plus prétendre ; avec mes enfants, je me suis demandé comment faire pour "relativiser" ce pouvoir en permettant l'accès à d'autres formes expressives (plus riches à mon avis, mais ce n'est qu'un avis), et ça n'a pas toujours été facile de leur montrer que ce qu'il prenait pour une liberté de choix était une inféodation totale à des standards imposés. Quoi qu'il en soit je pense qu'on devrait pouvoir améliorer la façon dont on présente la musique à un jeune public.Oupsi a écrit :Mmmmmmmmmm... je repère une manifestation douloureuse du Syndrome du Dernier des Mohicans.JPS1827 a écrit :Un des principaux problèmes qu'on rencontre actuellement est qu'on n'est pas capable de susciter un investissement sincère et réel de la part des enfants dans la majorité des cas. Et un travail qui est fait parce qu'il le faut, sans en saisir l'intérêt, a des chances de ne pas donner un résultat très durable (cf les bachotages pour le bac avec oubli massif assez rapide de ce qui a été appris). Je ne pense pas que ce soit la faute de la "société" si les enfants ne s'intéressent pas, je pense que ce sont nous, adultes, qui ne sommes pas capables de les intéresser, et que c'est une question à creuser dans les années à venir
Je crois que si nous avons la conviction profonde d'être les "derniers" à pouvoir savoir, sentir, comprendre.... ceux qui suivent ne peuvent, à juste titre, que nous regarder ébahis comme si nous étions des dinosaures, et ne rien comprendre, ne rien sentir et ne rien vouloir savoir de ce que nous leur racontons... c'est un peu un réflexe d'auto défense devant la menace d'extinction qui sous-tend nos discours....
Pourquoi avons-nous cette sorte de tristesse? Et pourquoi tant de jeunes gens ne peuvent-ils se défendre qu'en produisant quelque chose d'encore plus triste (consumérisme, instantanéité et égotisme)?
Re: L'enseignement au conservatoire
Et bien c'est bizarre, parce que moi je ne m'y fais pas, à l'idée que ce qui m'intéresse n'intéresse pas les plus jeunes. Quand j'étais jeune je cherchais à conquérir et à partager le monde de mes aînés, c'était une soif insatiable, et je ne comprends pas pourquoi cela n'est plus possible, pourquoi le courant ne passe plus.
(je suis démasquée c'est moi le Mohican... j'ai parfois la terreur qu'une sorte de Fahrenheit 451 sans combustion visible mais juste par l'effet sournois de l'indifférence menace ce que j'aime...)
Bien sûr qu'il y a d'autres savoirs et d'autres compétences extrêmement complexes qui surgissent un peu partout et qui formeront le monde de demain. Je me demande simplement quelle est la forme d'art qui accompagnera ce processus, j'aimerais avoir le temps d'en avoir au moins l'intuition. Et quel univers sonore étreindra les enfants de demain comme une "musique ineffable" pleine de promesses pour eux.
D'ailleurs c'est peut-être ça qui manque à l'enseignement de la musique, pour revenir au sujet, il manque de donner aux enfants la sensation que la musique classique peut être "de leur monde", et pas "un autre monde", mais ça je ne sais pas comment cela se donne. C'est d'ailleurs probablement ce que cherchaient à réaliser toutes ces pédagogies ludiques, avec l'élève au centre du processus d'apprentissage etc. Pourquoi se sont-elles fourvoyées?
Parfois j'ai l'impression que les enfants réagissent comme si on les avait trompés: "tu m'avais dit que c'était facile!" On leur promet que c'est facile, or bien sûr cela ne l'est pas.
Une chose est sûre, l'enfant et l'adolescent d'aujourd'hui sont pratiquement souverains dans la décision de ce qu'ils veulent ou ne veulent pas apprendre. Ils ne sont pas idiots, certes, mais quand un apprentissage requiert du temps, où trouveront-ils la certitude de parier sur ce temps long?
(je suis démasquée c'est moi le Mohican... j'ai parfois la terreur qu'une sorte de Fahrenheit 451 sans combustion visible mais juste par l'effet sournois de l'indifférence menace ce que j'aime...)
Bien sûr qu'il y a d'autres savoirs et d'autres compétences extrêmement complexes qui surgissent un peu partout et qui formeront le monde de demain. Je me demande simplement quelle est la forme d'art qui accompagnera ce processus, j'aimerais avoir le temps d'en avoir au moins l'intuition. Et quel univers sonore étreindra les enfants de demain comme une "musique ineffable" pleine de promesses pour eux.
D'ailleurs c'est peut-être ça qui manque à l'enseignement de la musique, pour revenir au sujet, il manque de donner aux enfants la sensation que la musique classique peut être "de leur monde", et pas "un autre monde", mais ça je ne sais pas comment cela se donne. C'est d'ailleurs probablement ce que cherchaient à réaliser toutes ces pédagogies ludiques, avec l'élève au centre du processus d'apprentissage etc. Pourquoi se sont-elles fourvoyées?
Parfois j'ai l'impression que les enfants réagissent comme si on les avait trompés: "tu m'avais dit que c'était facile!" On leur promet que c'est facile, or bien sûr cela ne l'est pas.
Une chose est sûre, l'enfant et l'adolescent d'aujourd'hui sont pratiquement souverains dans la décision de ce qu'ils veulent ou ne veulent pas apprendre. Ils ne sont pas idiots, certes, mais quand un apprentissage requiert du temps, où trouveront-ils la certitude de parier sur ce temps long?
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Re: L'enseignement au conservatoire
Mais le fait de dire que c'est facile n'est absolument pas un "argument de vente". En général les enfants qui progressent beaucoup ont conscience de faire quelque chose d'assez difficile qui demande de la persévérance. Moi ça a commencé à me passionner quand mon second professeur m'a laissé entendre que c'était plus difficile que ce que j'avais l'habitude faire assez facilement, mais m'a aussi fait connaître immédiatement les satisfactions qu'on pouvait en tirer (le plaisir n'était pas remis à un avenir lointain et improbable). Il est plus agréable de jouer très bien et musicalement un petit prélude de Bach ou une courte pièce de Schumann et d'y trouver un sens expressif (métaphorique essentiellement quand on est jeune : le calme, la sérénité, la rage, l'impression d'entendre une "description" des mouvements planétaires etc. pour ne citer que ce que je me rappelle) que de l'ânonner avec dureté et ennui.
Ce que je reproche à l'enseignement actuel, c'est l'absence de recherche de sens. On ne peut plus compter simplement sur un argument d'autorité pour faire faire à des élèves des choses qu'ils trouvent dénuées de sens. Mais il ne faut pas faire perdre de temps à ceux qui trouvent peu de sens dans la musique et qui en trouvent ailleurs. Et puis comme en dessin, c'est l'occasion d'un apprentissage de la nature de l'art, qui nécessite à la fois intention, réalisation et expression, et pas seulement l'intention comme on a tendance à le croire quand on débute.
Ce que je reproche à l'enseignement actuel, c'est l'absence de recherche de sens. On ne peut plus compter simplement sur un argument d'autorité pour faire faire à des élèves des choses qu'ils trouvent dénuées de sens. Mais il ne faut pas faire perdre de temps à ceux qui trouvent peu de sens dans la musique et qui en trouvent ailleurs. Et puis comme en dessin, c'est l'occasion d'un apprentissage de la nature de l'art, qui nécessite à la fois intention, réalisation et expression, et pas seulement l'intention comme on a tendance à le croire quand on débute.
Re: L'enseignement au conservatoire
Non mais oui, vous avez raison, il faudrait une méthode pour apprendre
- à lire les notes
- à former l'oreille
- à découvrir l'instrument
- à jouer du Bach et du Schumann dès le début
- à découvrir la musique en général
- à apprendre la théorie et l'histoire de la musique
- à être musical et à interpréter dès les premiers morceaux
- à découvrir le jazz et les musiques du monde
- à aimer le contemporain
- etc...
Le tout sans faire de solfège de préférence, c'est ennuyeux.
surtout une fois que vous l'aurez présentée ici, brevetez-là, et proposez la à tous les conservatoires.
Je suis certain que vous avez toutes les qualités requises pour remettre en cause ce système désuet mis en place par des vieilles barbes diplômés mais incompétents. S'ils ne font pas tout ça, c'est évidemment qu'ils n'y ont pas pensé.
- à lire les notes
- à former l'oreille
- à découvrir l'instrument
- à jouer du Bach et du Schumann dès le début
- à découvrir la musique en général
- à apprendre la théorie et l'histoire de la musique
- à être musical et à interpréter dès les premiers morceaux
- à découvrir le jazz et les musiques du monde
- à aimer le contemporain
- etc...
Le tout sans faire de solfège de préférence, c'est ennuyeux.
surtout une fois que vous l'aurez présentée ici, brevetez-là, et proposez la à tous les conservatoires.
Je suis certain que vous avez toutes les qualités requises pour remettre en cause ce système désuet mis en place par des vieilles barbes diplômés mais incompétents. S'ils ne font pas tout ça, c'est évidemment qu'ils n'y ont pas pensé.
Modifié en dernier par nox le mer. 05 sept., 2012 20:45, modifié 1 fois.
Re: L'enseignement au conservatoire
Sur la beauté, l'attrait, l'intérêt de la difficulté, tu prêches une convaincue, mais justement, ne n'est plus tellement au coeur de l'enseignement, en tout cas de l'énoncé explicite des méthodes d'enseignement. C'est pourquoi il y a tromperie. On cherche à enseigner quelque chose de difficile en faisant "comme si" c'était facile, parce qu'on a peur que la difficulté détourne les élèves de la musique. En quoi on manque de respect envers l'élève, déjà, pour commencer, et ensuite envers la musique, ensuite, si je peux me permettre.
Quand au problème du sens, c'est peut-être lié à cette même problématique, la volonté de mâcher les choses, des les décomposer en modules, de donner des "outils" et non un sens, un contenu, une vraie traversée. En français, discipline que j'adorais au lycée, je ne comprends plus rien, mais alors rien, aux devoirs que l'on donne aujourd'hui dans les classes de seconde ou première. J'ai essayé d'aider une lycéenne et j'ai vite renoncé, je n'aurais réussi qu'à l'embrouiller tant les fondamentaux sur lesquels reposait sa manière de travailler étaient différents des miens.
Quand au problème du sens, c'est peut-être lié à cette même problématique, la volonté de mâcher les choses, des les décomposer en modules, de donner des "outils" et non un sens, un contenu, une vraie traversée. En français, discipline que j'adorais au lycée, je ne comprends plus rien, mais alors rien, aux devoirs que l'on donne aujourd'hui dans les classes de seconde ou première. J'ai essayé d'aider une lycéenne et j'ai vite renoncé, je n'aurais réussi qu'à l'embrouiller tant les fondamentaux sur lesquels reposait sa manière de travailler étaient différents des miens.
Re: L'enseignement au conservatoire
Là, le sujet est le conservatoire J'ai pris quelques années des cours dans une petite association. Je me souviens d'une audition où j'étais la seule à jouer une morceau classique Pour en avoir discuter avec des profs : clairement les enfants/ados/adultes viennent en cours pour s'amuser. La plupart n'ont pas revu leur morceau de la semaine ou juste avant de venir en cours. Donc aller aux choses faciles, qui leur plaisent et ne demandent pas trop de travail. Et pourquoi pas après tout ? (en plus, il vaut mieux aller dans le sens de la demande, sinon perte d'élèves)clalyd a écrit :Je me permets d'intervenir pour éveiller votre attention sur la situation inverse, je viens d'être embauchée en CDI dans une petite structure associative culturelle mais je dois dire que je suis assez mal à l'aise du fait que dès que l'on parle de musique classique, on a l'impression maintenant de faire partie des profs ringards... Je ne suis pas contre de faire travailler du jazz ou de la musique de variétés (bien que je n'ai pas eu la formation pour cela) mais j'ai beaucoup d'élèves débutants sans grande technique et je trouve les textes de variétés très pauvres harmoniquement et sans grand intérêt pianistique...
Re: L'enseignement au conservatoire
Nox, je ne sais pas contre qui tu t'énerves, là, mais en ce qui me concerne, en tant que Mohicane patentée, je me remets tellement en cause que je me vois déjà empaillée dans le musée des curiosités de jadis et de naguère...
En tout cas il ne s'agit pas d'enseigner la musique sans solfège (il me semble que personne ne défend cette idée ici). On s'interroge simplement sur comment rendre cet enseignement plus attrayant, puisque l'enfant du 21e siècle ne ressemble pas forcément à celui du 19e ou 20e, pour plein de raisons (plus grande autonomie de décision, plus grande sollicitation de modes d'expression plus nombreux et diversifiés, etc. etc), et compte tenu du fait que l'enseignement lui-même a connu une évolution, avec bien des interrogations également qui ne sont pas inintéressantes, la chose n'est pas immuable.
En tout cas il ne s'agit pas d'enseigner la musique sans solfège (il me semble que personne ne défend cette idée ici). On s'interroge simplement sur comment rendre cet enseignement plus attrayant, puisque l'enfant du 21e siècle ne ressemble pas forcément à celui du 19e ou 20e, pour plein de raisons (plus grande autonomie de décision, plus grande sollicitation de modes d'expression plus nombreux et diversifiés, etc. etc), et compte tenu du fait que l'enseignement lui-même a connu une évolution, avec bien des interrogations également qui ne sont pas inintéressantes, la chose n'est pas immuable.