Mais ce dont tu parles (travailler correctement, évoluer dans le bon sens), c'est à ça que je pense que sert le pro ! A accompagner le musicien dans son développement. A avoir une oreille extérieure. A faire prendre du recul. Tout ça c'est essentiel, on est d'accord.nox a écrit :eh ben Ca donne pas envie d'être prof.(Nem) a écrit :Dans ma petite tête, les conservatoires et les profs devraient donner plus d'outils (kinés, méthode feldenkrais/alexander et compagnie, méthodologie, etc.) aux musiciens et les laisser plus libres. Donc au fond donner plus d'opportunités pour les élèves de développer des choses tout seul en insistant moins dessus, en se contentant d'aider et de contrôler le résultat. Bref, ça va assez loin.
En tout cas je pense que c'est illusoire de se dire qu'on peut progresser seul techniquement et musicalement. Il ne suffit pas de travailler dans son coin, il faut travailler correctement, évoluer dans le bon sens. Et pour ça il faut avoir du recul sur là où on va, sur le chemin à parcourir.Donc quand toi tu joues, tu ne ressens rien ??(Nem) a écrit : Pour l'expression des sentiments, ben c'est un truc que je ne comprends pas trop. C'est une vision un peu romantisée de la musique, je trouve, le fait que l'on mette tout en haut le fait d'exprimer ses sentiments personnels. Que sont mes petits sentiments en face de chefs d'oeuvres éternels ? J'ai tendance à croire (là encore c'est AMHA) que le rôle du musicien c'est plus de produire des sensations, des sentiments forts chez les gens que de se laisser lui même submerger.
Un musicien pour moi c'est plus un éspèce de sorcier qui joue avec les sens des gens, plutôt qu'un type effondré sur son clavier parce que Chopin ça lui fait penser à son petit chien qui vient de mourir.
Tu penses que tu peux induire des sentiments purement à partir de ton intellect, sans passer par tes émotions propres ? "tiens si je joue ça comme ça, d'après mes calculs, ça devrait être tristounet"Oui et non, le système est artificiel, mais la musique exprimée ne l'est pas. Cf la référence de jean-séb plus haut sur l'influence potentielle de la musique classique sur les animaux(Nem) a écrit : Ben si par tonal, tu entends musique où l'on utilise des cadences et des fonctions harmoniques, c'est tout ce qu'il y a de plus artificiel et conditionnel.
Quand je joue, je ressens tout un tas de truc, mais pas de tritesse ou autre. Je ne pense pas trop à vrai dire, il y a juste la musique quoi. C'est tout. Pour moi c'est assez abstrait, ce sont plutôt des formes, des directions, des énergies, des couleurs, des différentes attaques. Tout un univers, c'est passionant. Mais j'ai beaucoup de mal à penser en terme de sentiment, ou même de mots. C'est totalement abstrait et détaché de la réalité, c'est ce qui est beau je trouve.
Je regardais, avec mes yeux de profane, une exposition sur le renouveau de l'Art au XVIIIème siècle au musée de Besançon, et ce qui m'a fasciné c'était les points de vue (comme une fenêtre sur la perception et aussi la culture, l'époque du peintre), les couleurs, les formes, les jeux de tensions, etc. Pas une seule fois une idée de sentiment ne m'est venue à l'ésprit, pourtant ça m'a beaucoup touché. A la limite, on pourrait parler de superpositions très riches de perceptions, de stimulations et de sentiments, mais c'est assez intraduisible. En musique c'est pareil.
Quel sentiment pour cette pièce ? : http://www.youtube.com/watch?v=IFmwO37IyIo ou celle-ci (rien à voir, 400 ans de différence) http://www.youtube.com/watch?v=I_MmCv08PVE ? (Tristan Murail, Tellur. Puis Gesualdo, O Vos Omnes.) Ca me semblerait terriblement réducteur de mettre des sentiments là dessus. Ca les dépasse et les fait passer pour des simplifications du réel absurdes.
Mais je ne suis pas vraiment du genre calculateur en fait, plutôt l'inverse. Ca m'a demandé des efforts d'arrêter d'apprendre par coeur très vite et d'arrêter aussi de tout (y compris niveau technique) faire à l'intuition à la guitare. Et j'ai encore beaucoup de progrès à faire (normal). Pareil pour la distance que l'on prend à vis à vis de la musique et de l'instrument. D'ailleurs il n'y a rien que je méprise plus que les musiciens qui ont l'air de faire la cuisine ou des mots croisés quand ils jouent une pièce (non seulement au niveau des expressions physiques mais aussi dans la musique où tout est fait avec beaucoup de compétence et... c'est tout).
Je crois que c'est juste un problème de mots et de définitions, en fait, cette discussion.
edit : à nox, vis à vis de Schonberg. Ce que tu dis me fait penser à une citation d'Elliott Carter qui disait, en substance, que Schonberg c'était du Brahms. Il n'a au fond changé que le language harmonique, mais avait une conception très classique du contrepoint, de l'instrumentation, etc. Je précise que je n'ai jamais étudié en détail une partition de Schonberg, j'ai juste écouté quelques trucs, je ne suis pas franchement un expert en la matière.
Tant qu'à faire autant citer Varèse qui est allé plus loin dans la démarche "on repart de zéro" je pense.
Et puis de toute façon, Schonberg, il n'a créé qu'un courant dans la musique du vingtième siècle, qui se caractérise justement par une multitude d'écoles, de courants, de compositeurs détâchés de tout (Cage, Partch, Moondog), etc. Je trouve que c'est assez peu pertinent d'associer Schonberg à toute la musique dîte contemporaine, même si manifestement il a eu un retentissement énorme.
Pareil pour l'atonalité. Je ne sais pas si ça a vraiment déjà voulu dire quelque chose. Messaien (tu connais sans doute 10x mieux que moi), c'est atonal ? Schnittke ? La dichotomie tonale vs. atonale était déjà obsolète à la fin du XIXème siècle avec Liszt et Wagner (sans parler des gens comme Fauré et Dukas, ou Ives) AMHA. Qu'un language soit trop dissonant ou trop mouvant, ou trop saturé pour être agréable, ça n'a pas forcément grand chose à avoir avec le fait qu'il soit atonal en soi, non ?
Scelsi c'est pas franchement super dissonant. Ni tonal.
Mais là je dérape sur un autre débat sur la musique contemporaine. Ceci dit ça a à voir avec l'enseignement en conservatoire qui est resté très pompier (c'est pas une nouveauté en même temps).