Ashiro a écrit :... il joue certe vraiment bien une oeuvre, mais, pour moi, ce n'est celle de Mozart, c'est la sienne même si ça ressemble au Mozart....il doit se contenter d'appliquer ce que le compositeur veut et pas plus.
Il me semble que c'est beaucoup plus compliqué que ça. Lorsqu'on écoute/regarde/lit une oeuvre, on est au moins 3 impliqués dans le processus : L'auteur, l'interprète, le public.
Le simple mot interprète est déjà révélateur que ce qui est servi au public n'est pas l'oeuvre, mais quelque chose qui est déjà passé par la subjectivité de l'interprète. Le public reçoit l'oeuvre avec sa propre subjectivité.
Tous ceux qui se sont déjà intéressé à la sémiologie et à son fameux triangle concept/signifiant/signifié (
http://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9miologie et
http://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9mio ... la_musique ) ou simplement ont essayé de communiquer savent qu'il n'est pas si simple de transmettre du sens avec précision.
Il n'est pas grave que certains s'érrigent comme gardiens du temple ou à l'inverse comme avant gardistes, il y a largement de la place pour tous. Ce qui est plus génant c'est qu'il s'installe une forme de vérité officielle, quel que soit le domaine, en philo comme en littérature, en médecine comme en psycho ou en économie, à normale sup comme en université, et il est peu probable que les concervatoires fonctionnent autrement. Les gens au pouvoir sélectionnent des petits nouveaux qui pensent comme eux, et en 20 ans personne qui désire faire une carrière ne peut plus penser autrement, jusqu'au prochain "saut épistomologique" ou au prochain "changement de paradygme" (comprendre "nouvelle mode de pensée"

)
Pour en revenir à la musique, il est agréable de constater que le temps est un excellent filtre, qui détruit surtout ce qui est de mauvaise qualité. C'est typiquement la réflexion du genre "Les anciens savaient construire à cette époque" lorsqu'on visite un vieux pont ou on essaie un vieil instrument. C'est parce que les mauvais ponts se sont effondrés, et les mauvais instruments ont été mis au rebut, et les quelques-uns qui nous sont parvenus sont les meilleurs.
Il est donc confortable d'apprécier Mozart ou Bach avec la certitude que se sont les meilleurs, mais ce n'est pas nous qui avons choisi, c'est le temps qui a fait son oeuvre de "sélection naturelle".
La manière dont nous avons été éduqués à recevoir l'art passe donc par le double filtre du temps et de la vérité officielle. Le risque, c'est de juger en écoutant une musique avant tout la conformité à un attendu. Sommes-nous aussi ouverts pour intégrer les nouveautés avec notre propre jugement que pour nous réjouir de la conformité de notre gout avec la vérité officielle du groupe social auquel nous nous identifions ?
Pour en revenir à Mozart, si l'orthodoxie était vraiment de mise, si la fidélité millimétrique était réellement une qualité pour un interprète, nous ne serions pas ici à nous poser des questions. Il suffirait d'écouter sur un ordinateur la numérisation des partitions jouées sur des instruments modélisés. Et bien, ça ne fonctionne pas, l'oreille n'est pas satisfaite de la perfection mécanique.
Nous avons la chance d'avoir des compositeurs vivants, peut-être les Mozart et les Bach de demain, ceux qui seront encore connus dans 500 ans (ou peut-être plus connus/reconnus dans 500ans qu'aujourd'hui

), qui ont enregistré leurs oeuvres. Je pense à Nyman, Mertens, Glass et pas mal d'autres. Leurs intreprétations de leurs propres oeuvres donnent à chaque fois quelque chose de différent, et ils n'hésitent pas à arranger ou ré-arranger leurs partitions.
Bien sûr, celà leur permet de vendre plusieurs fois un même morceau, mais il y a peut-être là sujet à réflexion.
Bref, en conclusion, aucune interprétation humaine ne sera jamais fidèle, mais il faudrait aussi de demander fidèle à quoi.
Que de mots ! Voila qui est attaquer sévèrement l'année

. Bonne année à tous.