Culture musicale
- Marie-france
- Messages : 2762
- Enregistré le : mer. 16 févr., 2005 13:17
Culture musicale
Je vois que beaucoup d'entre vous prennent le temps et aiment lire des ouvrages sur tel ou tel compositeur. J'admire votre culture, et regrette de ne pouvoir ni savoir de quoi vous parlez, ni pouvoir en discuter!
Pour ma part, (je ne veux froisser personne surtout) je ne me suis jamais intéressée à cela, mais j'ai toujours été attirée par les sons, ces petites notes qui me parlent, les harmonies entre elles, un bel accord, un morceau bouleversant, mais que ce soit l'histoire de cette musique, ou comment vivait et dans quel contexte tel ou tel compositeur a écrit telle ou telle oeuvre, ne m'a jamais attirée.
Je voudrais donc vous demander si de connaître le contexte d'une oeuvre modifie en quelque sorte la façon dont vous allez l'interpréter.
Si cela s'entend dans le toucher, dans l'approche...
Sachez que lorsque j'étais au conservatoire, jamais notre professeur ne nous faisait de commentaires sur le contexte d'une oeuvre, (ou une fois seulement, je me souviens, sur un prélude de Debussy).
Est-ce pour cela que cela m'a semblé sans grande importance pour l'exécution?...
Pour ma part, (je ne veux froisser personne surtout) je ne me suis jamais intéressée à cela, mais j'ai toujours été attirée par les sons, ces petites notes qui me parlent, les harmonies entre elles, un bel accord, un morceau bouleversant, mais que ce soit l'histoire de cette musique, ou comment vivait et dans quel contexte tel ou tel compositeur a écrit telle ou telle oeuvre, ne m'a jamais attirée.
Je voudrais donc vous demander si de connaître le contexte d'une oeuvre modifie en quelque sorte la façon dont vous allez l'interpréter.
Si cela s'entend dans le toucher, dans l'approche...
Sachez que lorsque j'étais au conservatoire, jamais notre professeur ne nous faisait de commentaires sur le contexte d'une oeuvre, (ou une fois seulement, je me souviens, sur un prélude de Debussy).
Est-ce pour cela que cela m'a semblé sans grande importance pour l'exécution?...
Moi je trouve ça très interessant au contraire, de savoir dans quel état d'esprit tel compositeur à écrit telle oeuvre. Par exemple, j'ai cru lire que la 1ère Ballade de Chopin a été écrite alors qu'il était fou amoureux d'une femme (c'est très original je sais
), elle doit être interpretée avec passion...

Modifié en dernier par Sol le sam. 22 oct., 2005 9:44, modifié 1 fois.
- Marie-france
- Messages : 2762
- Enregistré le : mer. 16 févr., 2005 13:17
Oui, c'est clair que Chopin ça reste assez évident musicalement... Mais bon je pense que cette démarche doit être personnelle, et si on veut vraiment être sûr de ne rien laisser passer d'une oeuvre, un petit coup de Google et c'est reglé
, mais dans la plupart des cas je ne pense pas que cela soit indispensable non plus loin de là...

-
- Messages : 633
- Enregistré le : sam. 18 juin, 2005 23:44
A propos de la 1° ballade et selon Schumann, c'est "Conrad Wallenrod", l'ouvrage de Mickiewicz relatant les combats menés par les chevaliers de l'ordre teutoniques contre les païens qui aurait inspiré Chopin (source: Pianiste magazine n°35).
Selon le "Guide de la musique de piano et de clavecin", Fayard, "Chopin la dédia au baron de Stockausen, ambassadeur de Hambourg à Hanovre".
A propos de la référence aux écrits de Mickiewicz : "peut-on cependant imaginer que Chopin ait songé un instant à mettre en musique des scènes odieuses, si étrangères à sa nature? Préférons, avec Liszt, voir ici "une odyssée de l'âme de Chopin"."
Ceci dit, d'après Guy Sacre in "La musique de piano", Laffont : "Ces ballades "racontent", c'est entendu [...]. Mais que racontent-elles? Nous le saurons jamais, Dieu merci. La manie des programmes et des feuiletons est étrangère à Chopin ; la littérature n'a jamais été son fort [...]. Les tentatives faites, après Schumann et Liszt pour "lire" dans ces quatre morceaux (NDLR: les ballades) des transpositions des poèmes de Mickiewicz, ne peuvent qu'avorter ; elles forcent des analogies que Chopin n'a jamais avouées. [...] ces musiques ne valent que leur pesant de notes ; il est inégalable, et peu de mots en vérité, quand ce seraient ceux d'un plus grand poète encore, en seraient dignes."
Personnellement, quand j'apprécie un morceau, j'ai envie d'en savoir plus sur le compositeur et éventuellement les circonstances de l'écriture de la pièce, sans forcément que cela influence mon écoute ou mon interprétation.
Selon le "Guide de la musique de piano et de clavecin", Fayard, "Chopin la dédia au baron de Stockausen, ambassadeur de Hambourg à Hanovre".
A propos de la référence aux écrits de Mickiewicz : "peut-on cependant imaginer que Chopin ait songé un instant à mettre en musique des scènes odieuses, si étrangères à sa nature? Préférons, avec Liszt, voir ici "une odyssée de l'âme de Chopin"."
Ceci dit, d'après Guy Sacre in "La musique de piano", Laffont : "Ces ballades "racontent", c'est entendu [...]. Mais que racontent-elles? Nous le saurons jamais, Dieu merci. La manie des programmes et des feuiletons est étrangère à Chopin ; la littérature n'a jamais été son fort [...]. Les tentatives faites, après Schumann et Liszt pour "lire" dans ces quatre morceaux (NDLR: les ballades) des transpositions des poèmes de Mickiewicz, ne peuvent qu'avorter ; elles forcent des analogies que Chopin n'a jamais avouées. [...] ces musiques ne valent que leur pesant de notes ; il est inégalable, et peu de mots en vérité, quand ce seraient ceux d'un plus grand poète encore, en seraient dignes."
Personnellement, quand j'apprécie un morceau, j'ai envie d'en savoir plus sur le compositeur et éventuellement les circonstances de l'écriture de la pièce, sans forcément que cela influence mon écoute ou mon interprétation.
- Franz Liszt
- Messages : 1974
- Enregistré le : dim. 04 avr., 2004 19:56
- Mon piano : FEURICH 162 / Wendl & Lung 122
- Localisation : Suisse
A la préface de la version Cortot il s'agirait plutôt des maures et de la peste en espagne...La 2ème Ballade correspondrait au Lac des Willis, dont les nymphes ont été tuées par les cosaques, les 2 suivantes sont nettement plus difficiles à attribuer. (tombeau de Mickiewicz à Cracovie, très instructif)
Totalement fan de la 2ème Ballade de Chopin...
Cette question Marie France, est à certains égards, très personnelle, mais tout à
fait essentielle si on s'intérroge sur le sens d'une passion comme la nôtre.
Il y a l'aspect des connaissances (histoire, discours sur l'esthétique etc.) et partant,
ce qu'on appelle la culture musicale des oeuvres. Ont peut la cultiver plus ou moins,
c'est une question de choix, de cursus ou de possibilité pratique. Rien n'est indispensable.
Et il y a un autre plan plus subtil qui a rapport avec la mémoire, au sens collectif et intemporel,
on pourrait dire aussi un héritage, voire des traditions.
On ne joue pas Mozart ou Beethoven n'importe comment du moment qu'on suit la partition.
Il y a des traditions, elle sont des manifestations de cette mémoire - du moins chez les
vrais artistes de l'interpretation. C'est pas qu'une question d'école.
A mon petit niveau j'ai absoluement besoin d'appréhender le contexte de certaines oeuvres
non pas forcément pour en perfectionner l'approche, mais précisement parce que si
elles m'interpellent, c'est que je me sens attaché à leur temps, leur conjoncture,
l'élan de leur instant, et me sens un peu partie prenante, directement concerné indistinctement
par la musique et son contexte. Illusion peut-être...
Quand j'écoute ou joue du Fauré ou du Debussy, je retrouve un vécu famillier.
- Faut dire que par les hasard du jeu des générations, ma mémoire familliale et chargée de
ces époques : mon grand père était à peine plus jeune que Debussy, et artiste lui-même.
J'ai autour de moi plein d'objet ou de photos qui "parlent" cette musique avec un accent commun.
Ce que j'ai appris en musicologie ou en lisant n'a fait que cultiver cette implication personnelle.
Ceci pour dire qu'on peut envisager le problème dans l'autre sens :
la musique est un temps différé qui garderait, véhiculerait l'empreinte d'un vécu ;
on ne peut y être pleinement receptif qu'au prix d'une posture de receptivité chacun par rapport à sa propre histoire individuelle.
Jouer serait alors une sorte de recherche d'un temps perdu... peut importe d'ailleurs
l'authenticité de la restitution, mais sans l'idée de recherche et surtout l'enjeu personnel
qu'on met dans cette recherche, cette réminiscence, qu'y aurait-il à trouver ?
Du subjectif pur ? c'est l'illusion qui a cours, mais je n'y crois pas.
Ceci n'est d'ailleurs pas sans rapport avec la manière d'écouter les enregistrements, ces
"mémoires prothétiques" mais je peux pas développer celà ici.
En ce sens, le bon maître est celui ou celle qui eveille chez le disciple le sentiment
de l'urgence et de l'enjeu de l'interpretation en puisant dans les références de la mémoire
qu'elle soit technique ou annecdotique, collective ou individuelle, factuelle ou mythique.
Bon sang, dans quel délire je me suis encore lancé ce soir !
fait essentielle si on s'intérroge sur le sens d'une passion comme la nôtre.
Il y a l'aspect des connaissances (histoire, discours sur l'esthétique etc.) et partant,
ce qu'on appelle la culture musicale des oeuvres. Ont peut la cultiver plus ou moins,
c'est une question de choix, de cursus ou de possibilité pratique. Rien n'est indispensable.
Et il y a un autre plan plus subtil qui a rapport avec la mémoire, au sens collectif et intemporel,
on pourrait dire aussi un héritage, voire des traditions.
On ne joue pas Mozart ou Beethoven n'importe comment du moment qu'on suit la partition.
Il y a des traditions, elle sont des manifestations de cette mémoire - du moins chez les
vrais artistes de l'interpretation. C'est pas qu'une question d'école.
A mon petit niveau j'ai absoluement besoin d'appréhender le contexte de certaines oeuvres
non pas forcément pour en perfectionner l'approche, mais précisement parce que si
elles m'interpellent, c'est que je me sens attaché à leur temps, leur conjoncture,
l'élan de leur instant, et me sens un peu partie prenante, directement concerné indistinctement
par la musique et son contexte. Illusion peut-être...
Quand j'écoute ou joue du Fauré ou du Debussy, je retrouve un vécu famillier.
- Faut dire que par les hasard du jeu des générations, ma mémoire familliale et chargée de
ces époques : mon grand père était à peine plus jeune que Debussy, et artiste lui-même.
J'ai autour de moi plein d'objet ou de photos qui "parlent" cette musique avec un accent commun.
Ce que j'ai appris en musicologie ou en lisant n'a fait que cultiver cette implication personnelle.
Ceci pour dire qu'on peut envisager le problème dans l'autre sens :
la musique est un temps différé qui garderait, véhiculerait l'empreinte d'un vécu ;
on ne peut y être pleinement receptif qu'au prix d'une posture de receptivité chacun par rapport à sa propre histoire individuelle.
Jouer serait alors une sorte de recherche d'un temps perdu... peut importe d'ailleurs
l'authenticité de la restitution, mais sans l'idée de recherche et surtout l'enjeu personnel
qu'on met dans cette recherche, cette réminiscence, qu'y aurait-il à trouver ?
Du subjectif pur ? c'est l'illusion qui a cours, mais je n'y crois pas.
Ceci n'est d'ailleurs pas sans rapport avec la manière d'écouter les enregistrements, ces
"mémoires prothétiques" mais je peux pas développer celà ici.
En ce sens, le bon maître est celui ou celle qui eveille chez le disciple le sentiment
de l'urgence et de l'enjeu de l'interpretation en puisant dans les références de la mémoire
qu'elle soit technique ou annecdotique, collective ou individuelle, factuelle ou mythique.
Bon sang, dans quel délire je me suis encore lancé ce soir !
- Marie-france
- Messages : 2762
- Enregistré le : mer. 16 févr., 2005 13:17
Merci Samson pour cette réponse, car ta façon de voir les choses m'interpelle aussi. Tu dis:
Mais pour ma part, quand je joue, je suis hors du temps, et je ne vis pas l'oeuvre dans son contexte, mais dans ce qu'elle exprime, dans ce qu'elle va interpeler chez moi.
Mais que dire de Debussy (que j'adore)!
Sa musique reflète-t-elle sa vie? Son contexte historique?
Moi je n'y vois que des magnifiques couleurs pastel, dans un brouillard persistant sur son oeuvre!
C'est subjectif!
Je ne peux nier aussi qu'il y a une mémoire de mon enfance, où je n'écoutais que france musique, et, où la musique est restée gravée telle que je l'ai entendue et perçue. Ainsi, j'aurais tendance à restituer dans mon interprétation, une "mémoire", que je ne saurais nommer autre que musicale, et non explicative ou contextuelle. Celle de mes perceptions propres.
Bon, c'est compliqué tout ça, et je m'aperçois que tout le monde ne vit pas la musique de la même façon!
J'imagine (enfin ce n'est pas facile!) que l'on puisse avoir cette approche. Peut-être as-tu ainsi l'impression d'être au plus près de la musique.A mon petit niveau j'ai absoluement besoin d'appréhender le contexte de certaines oeuvres
non pas forcément pour en perfectionner l'approche, mais précisement parce que si
elles m'interpellent, c'est que je me sens attaché à leur temps, leur conjoncture,
l'élan de leur instant, et me sens un peu partie prenante, directement concerné indistinctement
par la musique et son contexte. Illusion peut-être...
Mais pour ma part, quand je joue, je suis hors du temps, et je ne vis pas l'oeuvre dans son contexte, mais dans ce qu'elle exprime, dans ce qu'elle va interpeler chez moi.
Justement! Du subjectif pur, probablement non, car je ne peux oublier certaines de mes connaissances qui provoquent une certaine inspiration chez moi, comme par exemple, (et ce qui suffit à justifier de toutes les interprétations de Bach, à mon avis), celui-ci a créé une musique spirituelle, qui doit donc être interprètée de manière spirituelle, mais aussi, emprunte de sobriété, de dénument. Où le sentiment existe dans sa grande profondeur.Ceci pour dire qu'on peut envisager le problème dans l'autre sens :
la musique est un temps différé qui garderait, véhiculerait l'empreinte d'un vécu ;
on ne peut y être pleinement receptif qu'au prix d'une posture de receptivité chacun par rapport à sa propre histoire individuelle.
Jouer serait alors une sorte de recherche d'un temps perdu... peut importe d'ailleurs
l'authenticité de la restitution, mais sans l'idée de recherche et surtout l'enjeu personnel
qu'on met dans cette recherche, cette réminiscence, qu'y aurait-il à trouver ?
Du subjectif pur ? c'est l'illusion qui a cours, mais je n'y crois pas.
Mais que dire de Debussy (que j'adore)!
Sa musique reflète-t-elle sa vie? Son contexte historique?
Moi je n'y vois que des magnifiques couleurs pastel, dans un brouillard persistant sur son oeuvre!
C'est subjectif!
Je ne peux nier aussi qu'il y a une mémoire de mon enfance, où je n'écoutais que france musique, et, où la musique est restée gravée telle que je l'ai entendue et perçue. Ainsi, j'aurais tendance à restituer dans mon interprétation, une "mémoire", que je ne saurais nommer autre que musicale, et non explicative ou contextuelle. Celle de mes perceptions propres.
Bon, c'est compliqué tout ça, et je m'aperçois que tout le monde ne vit pas la musique de la même façon!
J'ai peu de choses à rajouter à ce qu'a dit Samson, si ce n'est un point que je trouve très important. On a très fortement tendance à voir l'histoire de la musique comme une continuité avec un "avant" et un "après" et d'oublier que chaque compositeur vivait sa vie comme LE seul présent (comme nous-même n'avons aucune idée de ce qui va arriver d'ici dix ans). Les historiens nous disent souvent que tel compositeur ou telle œuvre étaient révolutionnaires ou "en avance pour leur époque", mais comme ils sont déjà très loin de nous, on a du mal à réaliser ce que ça signifie.
La seule manière de pallier à cela est d'essayer de se mettre dans la peau du compositeur, dans la mentalité de son temps, dans le contexte historique et culturel de son époque. De faire abstraction de tous nos acquis sociaux, intellectuels, culturels, pour comprendre la signification de telle ou telle innovation ou découverte à l'époque où elle a eu lieu.
On a tendance à penser que les hommes et les femmes du passé étaient plus bêtes, plus naïfs que nous, puisqu'ils n'avaient pas de technologies, ils vivaient dans un système social qui nous paraît impossible, ils se laissaient manipuler par les réligions, etc. On oublie que le système de pensée de chacun se base sur son vécu, sur son contexte. Que l'on peut être intelligent, créatif, génial, dans un contexte donné. Que pour comprendre l'ampleur de cette intelligence, de ce génie, il faut se placer dans le même contexte.
Pour comprendre, par exemple, ce qu'il y a de grandiose avec les dernières Sonates de Schubert, et leur absence de temporalité, leur quête de l'infini, il faut se mettre dans la peau d'un Viennois du début du XIXe, pour qui la musique était un divertissement avant tout, ou alors, et cela était bien nouveau, l'excentricité d'un certain Beethoven qui mettait de la passion promythéenne dans ce qu'il faisait, qui se laissait influencer par les Allemands du Sturm und Drang, la révolution française et plein de courant obscurs et contraires au status quo viennois. Et Schubert qui, n'ayant pas l'obsession révolutionnaire de Beethoven, ose utiliser la forme de la Sonate pour étaler son for intérieur. Qui piétine les conventions, qui abaisse les boucliers psychologiques. Pour comprendre cet acte de courage et de génie, sur lequel plus tard on mettra l'étiquette "romantisme naissant", il faut se mettre dans la peau de cet homme.
Donc, ma conclusion : il est <b>indispensable</b>, pour sa propre expérience de contact avec les grands maîtres, de connaître intuitivement, et chacun à sa manière, le monde dans lequel ils ont vécu. Je ne sais pas si cela peut ou doit influencer la manière dont on joue. Je ne sais même pas si c'est quantifiable. On peut faire un test : prendre un grand pianiste qui ne connaît rien sur la vie d'UnTel, lui demander d'apprendre un morceau, l'enregistrer, ensuite lui donner à lire un texte sur la vie du compositeur, et ré-enregistrer le lendemain le même morceau, et le comparer. Y aura-t-il une différence ? Je ne sais rien. je ne sais même pas si cette différence serait significative pour quoi que ce soit.
Mais quand on aime quelqu'un, on veut apprendre des choses sur lui. Une relation se construit aussi sur la connaissance et la compréhension réciproques. J'aime Schubert, je veux le connaître et le comprendre. Je joue, j'écoute, je lis. Je pense que cela est naturel.
La seule manière de pallier à cela est d'essayer de se mettre dans la peau du compositeur, dans la mentalité de son temps, dans le contexte historique et culturel de son époque. De faire abstraction de tous nos acquis sociaux, intellectuels, culturels, pour comprendre la signification de telle ou telle innovation ou découverte à l'époque où elle a eu lieu.
On a tendance à penser que les hommes et les femmes du passé étaient plus bêtes, plus naïfs que nous, puisqu'ils n'avaient pas de technologies, ils vivaient dans un système social qui nous paraît impossible, ils se laissaient manipuler par les réligions, etc. On oublie que le système de pensée de chacun se base sur son vécu, sur son contexte. Que l'on peut être intelligent, créatif, génial, dans un contexte donné. Que pour comprendre l'ampleur de cette intelligence, de ce génie, il faut se placer dans le même contexte.
Pour comprendre, par exemple, ce qu'il y a de grandiose avec les dernières Sonates de Schubert, et leur absence de temporalité, leur quête de l'infini, il faut se mettre dans la peau d'un Viennois du début du XIXe, pour qui la musique était un divertissement avant tout, ou alors, et cela était bien nouveau, l'excentricité d'un certain Beethoven qui mettait de la passion promythéenne dans ce qu'il faisait, qui se laissait influencer par les Allemands du Sturm und Drang, la révolution française et plein de courant obscurs et contraires au status quo viennois. Et Schubert qui, n'ayant pas l'obsession révolutionnaire de Beethoven, ose utiliser la forme de la Sonate pour étaler son for intérieur. Qui piétine les conventions, qui abaisse les boucliers psychologiques. Pour comprendre cet acte de courage et de génie, sur lequel plus tard on mettra l'étiquette "romantisme naissant", il faut se mettre dans la peau de cet homme.
Donc, ma conclusion : il est <b>indispensable</b>, pour sa propre expérience de contact avec les grands maîtres, de connaître intuitivement, et chacun à sa manière, le monde dans lequel ils ont vécu. Je ne sais pas si cela peut ou doit influencer la manière dont on joue. Je ne sais même pas si c'est quantifiable. On peut faire un test : prendre un grand pianiste qui ne connaît rien sur la vie d'UnTel, lui demander d'apprendre un morceau, l'enregistrer, ensuite lui donner à lire un texte sur la vie du compositeur, et ré-enregistrer le lendemain le même morceau, et le comparer. Y aura-t-il une différence ? Je ne sais rien. je ne sais même pas si cette différence serait significative pour quoi que ce soit.
Mais quand on aime quelqu'un, on veut apprendre des choses sur lui. Une relation se construit aussi sur la connaissance et la compréhension réciproques. J'aime Schubert, je veux le connaître et le comprendre. Je joue, j'écoute, je lis. Je pense que cela est naturel.
Es gab eine Zeit, wo ich nur ungern über Schubert sprechen, nur Nächtens den Bäumen und Sternen von ihm vorerzählen mögen. [R. Schumann, 1838]
-
- Messages : 633
- Enregistré le : sam. 18 juin, 2005 23:44
Je suis d'accord avec ce que tu dis Yannis (sauf "puisqu'ils n'avaient pas de technologies" : la catapulte, pourtant ancienne, n'est-ce pas de la technologie, par exemple?).
La meilleure façon de faire disparaître ce sentiment de supériorité des gens vivants sur ceux qui les ont précédé est de fonder la comparaison sur un pnénomène invariable. Et le piano est un excellent moyen! Cet instrument a finalement peu changé depuis 200 ans. Et, par exemple, si l'on peut être tenté de faire preuve de condescendance par rapport aux français du 18è siècle, qui ne prenaient pas de photos et ne voyageaient jamais en avion... on rigole beaucoup moins quand on se compare à Chopin au piano...
Une belle leçon face au moderno-centrisme qui sévit en permanence (et même au 18è S d'ailleurs...).
La meilleure façon de faire disparaître ce sentiment de supériorité des gens vivants sur ceux qui les ont précédé est de fonder la comparaison sur un pnénomène invariable. Et le piano est un excellent moyen! Cet instrument a finalement peu changé depuis 200 ans. Et, par exemple, si l'on peut être tenté de faire preuve de condescendance par rapport aux français du 18è siècle, qui ne prenaient pas de photos et ne voyageaient jamais en avion... on rigole beaucoup moins quand on se compare à Chopin au piano...
Une belle leçon face au moderno-centrisme qui sévit en permanence (et même au 18è S d'ailleurs...).