J'ai trouvé dans un magazine littéraire grec (numéro spécial sur la musique classique) le texte suivant qui m'a tellement plu (on dirait du Borges) que je n'ai pu m'empêcher de vous le traduire (désolé pour la mauvaise qualité de la traduction) :
<i><u>L'expression</u> (de Mario Benedetti, auteur uruguaïen)
Milton Estoba était un enfant prodige. À l'âge de 7 ans il a joué la sonate n° 3 op. 5 de Brahms et à 11 ans il a donné une série de concerts dans les plus importantes capitales d'Europe et d'Amérique, applaudi par le public et les critiques.
Néanmoins, quand il a atteint les 20 ans il a commencé à changer. Il accordait dorénavant une importance démésurée à l'expression pompeuse et sophistiquée de son visage, à son front froissé et à d'autres traits de ce type qu'il appelait lui-même «son expression».
Peu à peu, Estoba est devenu un spécialiste des «expressions». Il en avait une pour la Sonate pathétique, une autre pour la Fille aux cheveux de lin, une autres pour les Polonaises. Avant chaque concert il répétait devant le miroir, mais son public dévoué pensait que ces expressions étaient spontanées et les accueillait par des applaudissements frénétiques.
Le premier signe inquiétant est survenu à un concert qui avait lieu un samédi. Le public a remarqué qu'une chose bizarre était en train de se produire et les applaudissements ont trahi sa surprise. Estoba avait interprété Ce qu'a vu le vent d'Ouest avec l'expression du Rondo alla turca.
La catastrophe arriva six mois plus tard. Le diagnostic médical était : amnésie partielle. Partielle, car elle ne s'appliquait qu'aux partitions. En moins de 24 heures Milton Estoba a oublié à jamais tous les Nocturnes, les Préludes et les Sonates de son immense répertoire.
Fait extraordinaire, il n'a oublié aucune des expressions pompeuses et sophistiquées par lesquelles il accompagnait ses interprétations. Il n'a jamais pu redonner de concert de piano mais il a une consolation. Jusqu'à aujourd'hui, tous les samédis, ses amis les plus fidèles se réunissent chez lui pour assister à un récital muet d'«expressions». Et tout le monde s'accorde à dire que son chef d'œuvre est l'Appassionata.</i>
"L'expression" de Mario Benedetti (de retour de va
"L'expression" de Mario Benedetti (de retour de va
Es gab eine Zeit, wo ich nur ungern über Schubert sprechen, nur Nächtens den Bäumen und Sternen von ihm vorerzählen mögen. [R. Schumann, 1838]