Bonjour
J'avais posté il y a quelques semaines (en début d'année il me semble) un post pour le choix de mon piano dans la rubrique "instrument". Celui-ci étant (enfin) arrivé chez moi, je réfléchis désormais à la meilleure façon de reprendre le piano. Bon, je réfléchis et travaille en même temps quand même.
J'ai appris avec une "tata piano" (j'ai 35 ans) vers 6/7 ans , mais cet apprentissage ne fut pas du tout académique dans une famille où l'on ignore la musique (on m'avait inscrit à des cours de piano sur les conseils d'une orthophoniste consultée parce que mon écriture d'enfant n'était pas belle à voir) : Méthode rose, solfège basique et velléitaire plutôt que volontaire, malgré des dispositions, je n'ai pas vraiment progressé, j'ai vite bifurqué sur la musique de variété et son chiffrage "anglais" qui me permettait de plaquer des accords sans lire le solfège, simplement en lisant AM7, ou AM7/D me parlait beaucoup plus que la portée.
Je me suis donc dirigé vers la facilité au détriment d'un enseignement du classique dont j'ignorais jusqu'à l'existence. Ce n'est que vers l'âge de 20 ans que je suis tombé amoureux de la "grande musique" classique. C'est venu avec les études, ie la culture générale.
Et j'ai alors appris la fantaisie impromptu pour aller la jouer devant un prof de CNR de Marseille concertiste à ses heures.
La première fois qu'il me vit, donc, il me fit remarquer que j'avais une bonne vélocité, mais que j'articulais beaucoup trop et que je jouais beaucoup trop forte, en conséquence de quoi mes doigts se crisper au bout de quelques mesures. Pour jouer vite, disait-il, il faut faire disparaître la technique : lorsqu'elle se voit trop, c'est qu'elle n'est pas maitrisée. Regarde Horowitz (à l'époque il n'y avait pas internet, alors regarder Horowitz, c'était impossible) il donne le sentiment de ne pas bouger ses doigts sur le clavier. C'est que la technique est maitrisée, elle disparait par conséquent. En effet, à quoi ça sert de remonter les doigts deux cm au dessus des touches ? Il faut de l'énergie pour remonter les doigts aussi haut, et cette énergie que tu mets à les remonter, elle te fait dépenser deux fois plus que ce que tu devrais. Autrement dit, quelque chose de difficile devient très difficile. C'est pourquoi tu dois attaquer les touches de beaucoup plus près."Avec lui, j'ai fait plus que des progrès : j'ai découvert le piano et la musique (dans la mesure où j'ai appris à vraiment écouter). Au bout d'une année, je me suis découragé et j'ai continué dans la voie des études en abandonnant le piano : quand on a joué plusieurs heures par jour en espérant en faire son métier et qu'on se rend compte que ça ne sera pas possible, il est très difficile d'envisager l'activité piano comme un simple "hobby". J'ai donc arrêté de jouer, et même d'écouter jusqu'à un certain point. Toutes les personnes que je croisais me disaient qu'il n'y avait aucun avenir dans la musique classique pour ceux qui ne sont pas des dieux du clavier. J'avais par ailleurs horreur de cette conception du musicien comme celui qui fait une performance quasiment sportive et qui est en concurrence avec d'autres musiciens sur une échelle hiérarchique. Car le résultat de cette conception, c'est l'intrusion de l'esprit de compétition dans l'art, là où il devrait en être exclu (je ne suis pas naïf, l'esprit de compétition au sens de désir de reconnaissance est partout, ce que je dénonce, c'est qu'il est le pivot du système actuel).
D'autre part, la technique a pris l'ascendant sur la musique. Ainsi, il est difficile aujourd'hui de reconnaitre un pianiste en écoutant un disque, alors qu'on reconnait Horowitz ou Kempff ou Cortot au bout de 4 mesures. Qu'on écoute les Etudes opus 10 et 25 jouées par Coctot, avec leur cortège de fausses notes, et qu'on les compare aux créations contemporaines, épurées mais sans fausse note, et que trouve t'on, sinon qu'il y a tout simplement plus de musique chez Cortot que chez les autres ? Evidemment, j'ai pris Coctot, mais Samson François, dont la technique n'est pas toujours au rendez-vous (notamment dans les Etudes) est plus symptomatique encore. Chez un grand Beethovenien comme Kempff, c'est encore plus vrai : il se moque de la virtuosité pour la virtuosité, il n'est qu'au service de la musique. Il est pour moi le meilleur interprête du Presto de la sonate Clair de lune. Il détache les grandes architectures thématiques et les fait entendre d'une manière unique, qui fait redécouvrir la partition à tous ceux qui n'auraient entendu ce torrent qu'au tempo habituel.
Mais je m'éloigne largement de mon sujet.
Aujourd'hui, après près de 12 années passées sans piano, j'ai fait l'acquisition d'un schimmel tradition oval 124 avec silent. J'ai du temps. Depuis un mois, je joue environ 3 heures/jour. Je me suis fait un programme et j'ai aujourd'hui le même niveau qu'il y a 12 ans. En fait, je n'avais pas vraiment perdu (je n'ai pas passé 12 ans sans mettre les doigts sur un clavier : en vacance chez mes parents 2 semaines/ans, j'avais l'occasion de m'y mettre un peu, aujourd'hui je me rends compte que ce contact régulier était peut-être plus important que je ne croyais alors). Je crois même pouvoir dire que je joue beaucoup mieux qu'avant au bout d'un mois de pratique. J'aimerais avoir des conseils sur un programme de travail. A lire les débats ici et ailleurs, je constate que la pratique d'exercices techniques pour progresser ne semble pas du tout aller de soi pour nombres de pianistes. Jadis, j'avais entendu dire que Marta Arguerich se vantait de n'avoir jamais fait une gamme. Je n'y ai jamais cru. Pour moi, il s'agissait d'une coquetterie, d'une saillie bravache "je suis tellement géniale que je suis née pianiste". Comme si le travail était honteux ! Et à lire les débats sur les exercices, je ne sais plus quoi penser.
C'est d'autant plus ennuyeux que nous avons tous un temps à "dépenser" sur le piano, mais que ce temps est limité : si on le rapporte au nombre d'heures passées sur un piano dans une année, ça vaut vraiment le coup de trancher la question en amont :
faut-il se concentrer sur les morceaux ou chercher à connaitre le relief du clavier dans toutes les tonalités à travers gammes arpèges double note trémolos et octaves ?
Mon (ancien) prof avait mis l'accent (pour moi en tout cas) sur les exercices d'Isidore Philipp sur l'indépendance et la tenue. Notamment les derniers. Il me disait qu'une fois qu'on avait achevé l'étude de la technique, ce n'était plus nécessaire d'y revennir, on la retrouvait dans les morceaux.
Or, mon expérience sur le clavier me fait penser aujourd'hui qu'il y a exercice et exercice : Les 12 premiers du Hanon, par exemple, on peut y passer une heure par jour sans vraiment progresser. En revanche, lorsque je travaille les exercices de tenue de Philipp, j'ai la nette sensation d'avoir réalisé quelque chose qui donne à mes doigts des sensations entièrement neuves. Je me rends compte ainsi de l'importance cardinale de l'indépendance. Et on s'en rend compte en jouant par exemple une mesure avec les 3ème doigt jouant une ronde et les 1245 jouant double croche, ou en plaquant un accord de tierce ou de quinte avec 4 et 5 à la ronde et 1245 dans les combinaisons diverses à la double croche : c'est pas évident, si on ne fait pas attention, les 3ème et 4ème doigt ont tendance à se lever. Bref, au bout de 25 minutes d'exercices de tenue, je me sens plus délié.
Toutefois, si on répète les exercices qu'on connait, ça redevient mécanique comme le Hanon et on ne progresse plus. En somme, j'ai l'impression que plus on se donne du mal sur un exercice particulier, plus on en tire profit. Si on ne souffre pas, ça veut dire qu'on ne travaille pas (souffrir signifie ici non pas souffrir des doigts, évidemment, puisque ça c'est au contraire le signe qu'on travaille très mal, mais souffrir par la concentration, l'attention portée à ce qu'on fait).
Pour revenir au dilemme exo vs morceaux, si je reste avec l'exemple des exercices de tenue, ne vaut-il pas mieux apprendre les fugues du clavier bien tempéré ? Après tout, elles permettent elles aussi de connaitre le relief du clavier à travers les 24 tonalités, et en plus, à la différence de Philipp, ben ce sont des chef d'oeuvre !
Bref, si on consacre 2 heures / jour au piano, qu'est-ce qui vous parait le mieux :
-sur les deux heures, passer des séquences de 20 minutes sur plusieurs morceaux aux difficultés bien différentes (un Chopin, un Beethoven, un Mozart)
-sur les deux heures, passer 1 heures à faire de la technique tout en restant très concentré, et une heure sur un ou deux morceaux maximum ?
Exercices ou morceaux ?
Re: Exercices ou morceaux ?
Salut !Bref, si on consacre 2 heures / jour au piano, qu'est-ce qui vous parait le mieux :
-sur les deux heures, passer des séquences de 20 minutes sur plusieurs morceaux aux difficultés bien différentes (un Chopin, un Beethoven, un Mozart)
-sur les deux heures, passer 1 heures à faire de la technique tout en restant très concentré, et une heure sur un ou deux morceaux maximum ?
Qu'est-ce qui te paraît le mieux à toi ?

"Le piano numérique vient du piano acoustique, et mène à lui..."
DFU
DFU
Re: Exercices ou morceaux ?
Bonjour,
entre 20 et 30 minutes d'exercices purs et le reste de morceau ça paraît convenable.
Sinon les deux sont valables mais ça dépend de l'optique qu'on a. Faire un point technique ou faire de la musique ? A choisir votre première option me parait mieux maintenant, ayant déjà fait la seconde auparavant. Il faut varier.
entre 20 et 30 minutes d'exercices purs et le reste de morceau ça paraît convenable.
Sinon les deux sont valables mais ça dépend de l'optique qu'on a. Faire un point technique ou faire de la musique ? A choisir votre première option me parait mieux maintenant, ayant déjà fait la seconde auparavant. Il faut varier.
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