Petite précision : la plupart des oeuvres du cahier d'AMB ne sont pas de JSB lui-même. Il a juste fait une sorte de "compil" de pièces pour débutant. Cela pour dire que, si ce cahier constitue un bon recueil de pièces "pour apprendre", le contenu musical n'est pas franchement convaincant (je sais : c'est une question de goût et une appréciation ABSOLUMENT subjective !).
Les vraies compositions du grand Bach ont cette qualité d'être en même temps de solides exercices pour les mains et des supports incroyablement élaborés pour l'étude théorique du contrepoint et des formes.
Prenons l'invention N°1 en Do majeur, à entendre elle donne une impression de simplicité tout à fait trompeuse, en réalité, ce qu'on entend n'est pas forcément ce qu'on écoute.
La pièce est bâtie sur un motif de 7 notes "Do Ré Mi Fa Ré Mi Do" qui est inclus dans un intervalle de quarte (c'est à dire à l'intérieur d'une seule position de la main). Bach va triturer ce motif de diverses manières :
L'inversion : Le motif peut s'écrire, en intervalles : I-II-III-IV-II-III-I ; à la mesure 3, main droite, à partir de la deuxième note, on a La Sol Fa Mi Sol Fa La, IV-III-II-I-III-II-IV ce qui est les intervalles inverses du motif principal (retranchez les intervalles originels de 5 et vous avez l’inversion).
Le rétrograde : en jouant le motif à l’envers (de la fin vers le début) on a I-III-II-IV-III-II-I. On retrouve cela à la mesure 3 à partir de la quatrième note : Mi-Sol-Fa-La-Sol-Fa-Mi, et le truc littéralement hallucinant c’est que dans les mesures 3 et 4, on peut entendre l’enchaînement de 4 inversions ou bien de 3 rétrogrades, selon ce qu’on écoute… La transposition musicale d’une illusion d’optique.
Un livre intitulé « GODEL ESCHER BACH - Les brins d'une guirlande éternelle » de Hofstadter développe les similitudes entre Bach, le peintre Escher et le mathématicien Gödel (qui démontra qu’on ne peut pas tout démontrer…). Le peintre Escher adorait les illusions d’optique : sur certains de ses tableaux, on voit des escaliers et selon le point de focalisation de l’œil, on les voit du bas ou bien du haut.
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http://home.comcast.net/~eschermc/Heaven_and_Hell.jpg
De la même manière qu’on entend, selon ce qu’on écoute, les inversions ou les rétrogrades dans les mesures 3 et 4 de l’invention BWV 772.
On peut s’amuser à trouver dans la partition les 47 apparitions du motif sous les quatre formes : motif de base, inversion, rétrograde, rétrograde de l’inversion.
Quelqu’un propose d’étudier cette invention ainsi :
- MS, chaque voix (bon exercice de lecture à vue). On peut s’amuser à augmenter la vitesse ce qui fait un exercice bien plus joli que du Hanon.
- Passer à ME de la fin vers le début (en jouant « à l’endroit », évidemment !!!), en ajoutant la mesure précédente à chaque coup.
- Essayer d’inverser les mains/voix (première voix à gauche et deuxième à droite) en transposant par octaves.
Vous pouvez aussi essayer de retrouver l'inversion du motif que JSB a glissé, comme un clin d'oeil, dans la fugue en Do BWV 846 et dans une des variations Goldberg (je ne sais plus laquelle mais je vous dirais un jour si je retrouve)…