Aaah...la virtuosité...le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle a toujours fait couler beaucoup d'encre
Pour ma part, je trouve extrêmement réducteur de considérer la virtuosité comme un simple étalage de technique: vélocité, endurance, accords de quinze sons à un tempo effréné..., et j'en passe!
Il y a une très nette nuance -à mon sens- entre l'esbroufe qui peut aisément se résumer à des prouesses purement techniques (comme celles qui opposaient jadis Liszt à Thalberg....attention, je n'ai pas dit que Liszt n'était qu'un technicien, j'ai au contraire une grande admiration pour le génie musical avant-gardiste de ce compositeur!);
et la virtuosité qui est l'art de transcrire une multitude de notes en
musique.
Mais pour cela, inutile de les aligner parfaitement au tempo indiqué si elles n'ont aucune âme individuelle.
Et inversement, même avec un toucher magnifique et une grande présence, une oeuvre transfigurée par des changements de tempo ou des arrangements s'éloignera par la même occasion des intentions musicales du compositeur, et même si elle pourra rester très
belle à l'oreille, ce ne sera plus
la musique de Chopin
(J'ai remarqué que c'était un compositeur particulièrement victime de l'appropriation personnelle des interprêtes! Je ne vais pas m'étendre sur le sujet, étant donné que le débat peut être sans fin entre les partisans d'une interprêtation minutieuse des volontés de l'auteur et ceux prônant une restitution personnelle...cela dit, on met toujours un peu de soi-même quand on joue, c'est un fait indéniable!)
On arrive donc ici à une distinction cruciale entre musique et beauté. La musique est-elle nécessairement belle?
Prenez par exemple les préludes de Lutoslwaski ou certains quatuors de Bartok (construits totalement en fonction du nombre d'or). Leur langage est particulièrement ardu -surtout lorsqu'on est habitué à Mozart!- et honnêtement, il ne s'approche pas vraiment ce qu'on peut qualifier de "beau"...Les ayant étudié en détails, je peux pourtant vous jurer qu'ils méritent leur place parmi les chefs-d'oeuvre de la
musique, mais peut-être pas parmi ceux de la
beauté.
Je veux dire par-là que la musique est avant tout une aptitude à transmettre un message, une émotion: peu importe le langage employé! Vous pouvez dire quelque chose en italien -une langue particulièrement chantante et mélodieuse- ou en suédois -qui est plus guttural-, l'essentiel c'est le message transmis. Après certains préfèreront l'italien, tout comme une majorité de personnes préférent Chopin à Ohana. Mais le suédois et Ohana n'en restent pas moins dignes d'interêt et d'écoute...
Toutes mes excuses pour cette longue digression! Pour en revenir au sujet initial, la virtuosité au sens de technique pure, c'est totalement absurde et inintéressant (sauf pour glorifier son ego...mais c'est bien là le malheur de l'homme!)
Par contre, la virtusosité au sens suprême de Musique, c'est atteindre une dimension quasi-divine.
Maintenant, libre à vous de me contredire!
