Dans une interview de Schiff (interview très intéressante, spéciale dédicace aux PMistes qui contestent la toute puissance de Bach, car Schiff nous explique en somme que ce compositeur est sans conteste le plus grand de tous

"Je ne comprends pas les jeunes pianistes de nos jours, qui à 12 ou 13 ans jouent les Variations Goldberg [...] sans avoir quasiment jamais joué d'autre pièce de Bach auparavant. On ne peut pas partir du sommet."
Il précise le chemin qui peut amener à ce sommet, en partant du petit livre d'Anna Magdalena, puis en passant par les inventions à 2, puis à 3 voix, et en continuant avec le clavier bien tempéré. On passe ensuite sur les "Clavier Übungen", que l'on désigne rarement sous cette appellation, mais qui correspond à :
Partie I : Six Partitas, BWV 825-830 (1726 - 1730)
Partie II : Concerto italien BWV 971 et Ouverture dans le style français (Ouverture nach französischer Art), BWV 831 (1735)
Partie III (surnommée Orgelmesse par Albert Schweitzer) : Prélude et fugue, BWV 552 ; Choralbearbeitungen, BWV 669–689 (1739) ; 4 Duos, BWV 802-805.
Clavier-Übung (sans numéro de partie) : Aria avec divers Variations, plus tard surnommées Variations Goldberg (BWV 988, 1741)
Ce cheminement se finit par l'Offrande musicale.
Depuis que j'ai entendu cette réflexion, je me suis plongé dans les inventions à 2 et 3 voix, et c'est un cahier que je rejoue régulièrement depuis.
Outre le plaisir purement pianistique, car ces inventions sont magnifiques, j'y trouve un réel plaisir didactique. Cela me donne l'impression de regarder derrière moi, pour consolider des acquis (ou des choses que je croyais acquises).
Je pense que c'est une réflexion saine, et qui doit être valable pour beaucoup de grands compositeurs (mais pas tous ! Bon courage pour faire la même démarche pour Brahms ou Schumann !).
Cela rejoint aussi une conviction personnelle, qui est que la patience est la plus grande des vertus dans l'apprentissage d'un instrument. Ou plutôt, inversement, que l'impatience est notre plus grand ennemi.
Qu'on soit amateur ou professionnel, à partir du moment où l'on cherche à progresser, il est important de regarder parfois derrière soi, pour se souvenir d'où on vient, et de savoir aussi où on veut aller.
Personnellement je rêve depuis longtemps de pouvoir jouer l'op.110 de Beethoven, ou la D960 de Schubert, mais je sais que je ne suis pas prêt pour ça.
Voilà, je ne sais pas si cette petite introspection amènera beaucoup de discussion, mais si cela peut profiter à d'autres, c'est avec plaisir que je la partage.