Sokolov à Toulouse mardi 3 mai

[Trottinette]

Sokolov est passé à la Halle aux Grains mardi dernier. Première partie Schumann. Je n'ai pas vraiment d'analyse technique fine à faire, mais tout ce que je peux dire c'est qu'il nous a véritablement parlé à travers cette musique. Il nous pris par la main et emmenés dans son monde pour nous raconter une histoire captivante de bout en bout. D'ailleurs j'ai été complètement ébahie par l'intensité et la force qu'il arrive à instiller dans des notes très douces. Certaines sont à peine audibles, et pourtant, on n'entend qu'elles. Deuxième partie : Chopin. C'est une affaire de goût personnel, mais j'aime un petit peu moins. Le public tousse, s'agite : je ne suis sans doute pas la seule. Et pourtant, grâce à son 'interprétation très sobre et pourtant expressive, les "tics d'écriture" de Chopin dont je ne suis pas fan s'effacent petit à petit, et la personnalité propre et l'originalité de chaque morceau ressortent. Il arrive même à nous faire écouter la marche funèbre comme si on ne l'avait jamais entendue avant.
6 rappels devant un public reconnaissant en finissant avec un Debussy qui nous emmène dans un univers différent du reste du programme : la petite goutte de jus de citron qui relève un plat... délicieux.

[Abegg63]

Bonjour en lisant votre message j'ai retrouvé les sensations que j'avais éprrouvé il y a quelques années en allant l''écouter à Paris et chez nous à Clermont même si le programme était différent. NNous avions eu une suite de BACH exceptionnelle et 7 bis ainsi qu'une valse de CHOPIN mille fois entendue et pourtant redécouverte : un élégant murmure qui a envoûté le public. J'ai l'enregistrement de la marche funèbre que je trouve absolument superbe. Je suis une inconditionnelle de SOKOLOV pourtant je ne suis pas fan de ses études de CHOPIN.

[sergueiSLES]

Quelle chance…
Sokolov est un pianiste qui peu effectivement surprendre voire choquer certains auditeurs par ses choix d'interpretation.
Mais plus on l'écoute, plus ces choix deviennent des évidences par leur justesse, leur luminosité, leur simplicité.
Son enregistrement de la sonate de Chopin est l'un des plus bouleversant que je connaisse.
Il y a sans doute des interprétations plus brillantes ou plus dynamiques des études, mais plusieurs de l'opus 25 sont toute de même remarquables et l'ensemble ne dépare quand même pas une discothèque.
Mes favorites: les sonates de Schubert (en particulier la D 960) par lui sont un moment d'intense poésie.
Bref, c'est surement quelqu'un à aller écouter en concert, car il est un peu fantasque et il se retire parfois plusieurs mois du circuit sans prévenir…

[Abegg63]

Entièrement d'accord

[rachmaninoff]

Quel regret de n'avoir pas pu assister à ce concert, Sokolov dans la 2e Sonate de Chopin, en live ce doit être immense...
Je n'ai plus qu'à espérer qu'il garde ce répertoire encore quelque temps à son actif !

[Moderato Cantabile]

Trottinette : ravie de savoir que nous avons partagé ces moments inoubliables !
Pour ma part j'ai encore plus aimé la seconde partie et j'ai quelque doute sur le fait que le public se soit plus agité .... car pour ce qui est de tousser , ils avaient commencé dès le début !
Et en fait, au delà de la beauté indicible de la musique de Sokolov , je crois bien que c'est cela qui m'a marquée : tous ces gens (environ 2000 personnes quand même !!) qui , ayant réservé leurs places des mois à l'avance, viennent enfin écouter cet immense artiste et ne peuvent s'empêcher de tousser à tout bout de champ , y compris aux moments les plus délicats (les fameux pianissimi ... ). C'est agaçant , très agaçant , cela me fait même sursauter presque à chaque fois !!
Mais bien sûr ce qui m'a le plus marquée c'est quand tout cela s'est arrêté, quand le miracle s'est produit ....
Sokolov a commencé à jouer cette sublime sonate n°2 comme une musique nouvelle qu'on n'aurait encore jamais entendue et les gens toussaient par-ci par-là, puis il a attaqué le 3ème mouvement , la Marche funèbre, et là soudain le silence s'est fait . Un silence incroyable , une tension, un recueillement : plus un bruit dans la Halle , juste le son bouleversant du piano qui s'élevait dans cette salle immense et 2000 personnes retenant leur souffle pour ne pas en perdre une note , 2000 personnes en totale communion avec la musique de Chopin et la magie de Sokolov ...
La beauté inouïe de ce moment-là , j'espère ne jamais l'oublier !

[Moderato Cantabile]

Je ne croyais pas que Toulouse réussirait à égaler Paris dans le nombre de rappels et j'ai été très touchée par la grande générosité de Sokolov qui nous a donné encore 6 rappels comme au TCE en novembre dernier .
Deux Schubert (Moments musicaux 2 et 3), deux Mazurkas (op 63 n 3 et op 50 n 3) , le fameux Prélude op 28 n 4 et donc Canope en tout dernier .
Ce en quoi , à mon avis , il ne s'éloignait pas vraiment de Chopin , ni du thème de la dernière oeuvre ....

Rachmaninoff : j'avais bien espéré te voir à la sortie . Quel dommage que tu n'aies pas pu venir !!
Tu ne m'as d'ailleurs pas dit si tu avais finalement pu rencontrer Martha en janvier .... ?

[rachmaninoff]

Rachmaninoff : j'avais bien espéré te voir à la sortie . Quel dommage que tu n'aies pas pu venir !!
Tu ne m'as d'ailleurs pas dit si tu avais finalement pu rencontrer Martha en janvier .... ?

Je me suis retrouvé à attendre sous la pluie, devant sa voiture dans laquelle elle signait partitions, CDs, vinyles, etc. Mais je voyais que ça l'embêtait, manifestement, alors je faisais la queue calmement, derrière les autres fans, sans vouloir brusquer les choses. C'était un peu gênant, je dois dire. Je m'étais même décidé à ne pas lui demander de signature, juste lui serrer la main, ça me suffisait amplement. Quand ce fut enfin à mon tour, j'ai vu la porte se fermer sous mon nez... Un peu déçu, je l'avoue

(et oui, j'assume totalement mon fanatisme pour Martha !)

[Trottinette]

car pour ce qui est de tousser , ils avaient commencé dès le début !

Alors je crois que j'étais tellement "dedans" que je ne les ai même pas entendus

[Eds]

J'hésitais à lancer un sujet sur ce concert dés le lendemain, je suis ravi de voir que nous étions plusieurs à y assister !
C'est intéressant, j'ai senti à peu près l'inverse de ce que tu dis, Trotinette.

Les Schumann ne m'ont pas pris du tout. J'étais intéressé, parfois surpris, mais j'avais du mal à voir les directions générales, et l'impression qui m'en reste est d'avoir été perdu dans une galerie de miniatures nostalgiques. Peut être que j'ai plus de mal avec cette musique de façon générale.

En revanche, la deuxième partie m'a plu. La marche funèbre était en effet un moment fort. Je n'aurais pas cru qu'on puisse la jouer de façon aussi originale sans tomber dans le trivial.
La sonate dan son ensemble, et les deux nocturnes, ne m'ont pas autant convaincu. Surtout le dernier moment de la deuxième sonate où je n'ai pas vraiment compris où il voulait en venir. Et j'ai trouvé qu'il forçait régulièrement le trait sur les idées par ailleurs originales et intéressantes qu'il pouvait avoir.
Mais il reste intéressant que Sokolov a toujours fait attention à apporter quelque chose de vivant et de personnel dans ses interprétations. Je n'avais jamais beaucoup aimé ses enregistrements, j'ai changé d'avis à son sujet.

J'ai aussi été surpris par la relation entre le pianiste et le public. Est-ce que je me trompe en disant qu'il y a eu dans ce cas quelque chose de particulier?

En tout cas, l'ensemble de la salle a exprimé très vite sa reconnaissance à Sokolov pour les rappels, ce qui a permis à la toute fin du concert que les applaudissements semblent superflus.
Sur les derniers morceaux on a donc pu écouté de longs moments de silence après l'extinction du son du piano.

Là où j'ai trouvé Sokolov génial, c'était sur le deuxième moment musical de Schubert (en la b majeur) et sur Canopée ( d'ailleurs j'ai parlé à la sortie de la salle avec des gens, et je n'ai pas pu nommer ce morceau...juste dire que ce n'était pas la cathédrale engloutie, il a fallu que je réécoute le deuxième live des préludes).
A ces moments j'ai eu vraiment l'impression de voir se créer des paysages larges, variés, surprenants et contrôlés.
Le troisième moment musical de Schubert était plus une friandise musicale pour la salle...je n'ai pas vraiment d'avis défini sur les autres morceaux de Chopin, plus proches du programme déjà joué.

J'aurais peut être du analyser tout ça plus plus tôt pour pouvoir en parler mieux, mais je suis content d'entendre les avis d'autres spectateurs!

[Oupsi]

C'est intéressant à quel point il y a presque autant de versions d'un concert que d'auditeurs! Chacun ressort de la salle avec le coeur plein de gratitude car il a reçu un trésor unique! Sokolov donne la double sensation d'être seul au monde avec la musique et de jouer pour "chacun" plus que pour "tous"; chacun se sent appelé, invité, mais surtout seul, avec force, et même avec joie. J'ai eu l'impression aussi d'une grande pureté. C'est difficile à expliquer et très impressionnant.

Pour ma part j'ai tout aimé passionnément de ce concert; j'ai été électrisée par la Fantaisie de Schumann. J'ai eu la sensation de vivre en même temps une chose et son souvenir, une chose et sa promesse; chaque idée était accompagnée de l'élan de l'idée, c'était d'une vie, d'une clarté, d'une tension incroyables. La sensation de perte était vertigineuse en effet par moments, mais c'était se perdre avec passion, avec la violence de l'arrachement ou la douceur apaisée de qui a déjà livré ses batailles. C'est peut-être ce qui a posteriori me laisse la sensation la plus profonde, la diversité de la palette romantique qui s'est exprimée à ce concert. Un romantisme musical et de pensée, une exploration sans paresse de choses parfois folles et impossibles et hors repères mais extrêmement précises, un romantisme de dialogue aussi, d'appels, de liens, de fraternité.

C'était la première fois que j'écoutais ce grand pianiste en concert. Je suis très heureuse d'avoir pu le faire. C'est une expérience très forte.

[oiseau.prophète]

Il faut également aller l'écouter jouer de la musique baroque pour ma part je ne m'en suis toujours pas remis

[Virgule]

Merci à vous tous pour ces beaux comptes-rendus. Oupsi, qu'est-ce que tu écris bien ! Ta description merveilleusement imagée et toute en émotion me fait revivre les concerts que j'ai eu la chance d'entendre à Québec, en 1997 et 1999 - et ravive ma tristesse ne plus entendre Sokolov depuis . Hélas il ne vient plus en Amérique et il me manque !