Chopin et l'opus 62
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Chopin et l'opus 62
Bonjour à tous,
J'ai décidé d'ouvrir ce sujet après écoute ce matin du nocturne op.62 n°1 de Chopin par Trifonov (superbe interprétation au passage) et en ayant en tête deux analyses critiques diamétralement opposées:
Celle de Cortot qui estime que cet opus n'est "pas le meilleur" de Chopin et G. Sacre qui en substance dit que Cortot n'a rien compris et que ce diptyque est un véritable chef d'oeuvre.
Ce que je constate, c'est qu'ils ne sont pratiquement jamais joués, en tout cas par les amateurs et notamment ici.
J'ai redécouvert le piano après 20 ans d'arrêt en dénichant un vieux disque où figuraient cet opus 62 que j'ai écouté en boucle pendant des années, alors j'ai une approche particulière avec ces nocturnes, mais j'avoue qu'aujourd'hui j'ai plus de mal à l'écoute, surtout avec le premier qui ne me touche pas autant que d'autres (27-1, 48-1, 55-2).
J'aurais voulu connaître votre opinion sur ces nocturnes, s'agit-il selon vous de chefs d'oeuvres ou d'oeuvres mineures de Chopin ?
J'ai décidé d'ouvrir ce sujet après écoute ce matin du nocturne op.62 n°1 de Chopin par Trifonov (superbe interprétation au passage) et en ayant en tête deux analyses critiques diamétralement opposées:
Celle de Cortot qui estime que cet opus n'est "pas le meilleur" de Chopin et G. Sacre qui en substance dit que Cortot n'a rien compris et que ce diptyque est un véritable chef d'oeuvre.
Ce que je constate, c'est qu'ils ne sont pratiquement jamais joués, en tout cas par les amateurs et notamment ici.
J'ai redécouvert le piano après 20 ans d'arrêt en dénichant un vieux disque où figuraient cet opus 62 que j'ai écouté en boucle pendant des années, alors j'ai une approche particulière avec ces nocturnes, mais j'avoue qu'aujourd'hui j'ai plus de mal à l'écoute, surtout avec le premier qui ne me touche pas autant que d'autres (27-1, 48-1, 55-2).
J'aurais voulu connaître votre opinion sur ces nocturnes, s'agit-il selon vous de chefs d'oeuvres ou d'oeuvres mineures de Chopin ?
Re: Chopin et l'opus 62
Il y a une ou deux versions de chaque nocturne dans le fil Chopin par les PMistes (un joli nocturne d'Okay, et ma version, pas très inspirée mais qui a le mérite d'existeroiseau.prophète a écrit : Ce que je constate, c'est qu'ils ne sont pratiquement jamais joués, en tout cas par les amateurs et notamment ici.

J'aime beaucoup ces deux nocturnes, notamment leur fin, où je retrouve toute la subtilité de Chopin.
J'avoue que je ne comprends pas l'avis de Cortot. Ces derniers opus, que ce soit des nocturnes, des valses ou autre, c'est du Chopin "accompli", qui a dépassé le stade parfois un peu "épidermique" (je ne trouve pas de meilleur terme) pour revenir à une musique plus posée. Ces oeuvres y ont peut être perdu en spontanéité, mais elles y ont gagné en profondeur (je trouve).
Après, les goûts et les couleurs...
Re: Chopin et l'opus 62
Pas le temps d'élaborer aujourd’hui, mais chefs-d’œuvres absolus, quintessence du dernier Chopin. A ranger avec la Barcarolle, la 4e ballade, la 3e sonate, etc.
Re: Chopin et l'opus 62
Et s'il n'existe que ces oeuvres en tonalités mineursoiseau.prophète a écrit :d'oeuvres mineures de Chopin


“Wrong doesn't become right just because it's accepted by a majority.” - Booker Washington
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Re: Chopin et l'opus 62
Pour moi, ce sont de merveilleux chefs d'oeuvre, le cycle qui me touche le moins est l'opus 15 (malgré le sublimissime n°2).
C'est sympa de parler mais jouons maintenant...
http://www.youtube.com/user/andante5133
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Re: Chopin et l'opus 62
J'ai écouté les trois interprétations sur le fil Chopin et je les ai trouvées superbes
Par contre l'une des raisons pour lesquelles qu'elles soient rarement jouées tient probablement à leur difficulté d'exécution et d'interprétation car ça à l'air "éprouvant"
Par contre l'une des raisons pour lesquelles qu'elles soient rarement jouées tient probablement à leur difficulté d'exécution et d'interprétation car ça à l'air "éprouvant"
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Re: Chopin et l'opus 62
Effectivement ces deux nocturnes sont magnifiques mais relativments longs et d'une difficulté technique (agitato n°2 par exempl) qui fait que nombre d'amateurs dont je fais partie malheureusement ne les abordent pas.
Re: Chopin et l'opus 62
En fait je trouve que la principale difficulté n'est pas tant technique (l'agitato du numéro 2 demande un peu de travail, mais - comme toujours avec Chopin - c'est très intuitif pianistiquement), que sur le plan de l'interprétation en effet.
C'est un Chopin qui, comme je l'ai dit, a quelque part perdu en spontanéité, mais pour gagner tellement plus...Il ne se livre plus aussi facilement, on ne peut plus se contenter d'apprécier au fur et à mesure qu'on joue pour ajuster son interprétation "en direct". Ca demande de la construction, du recul. Notamment sur le premier, quel travail d'horloger sur les deux premières pages ! Donc oui, "éprouvant".
Mais quel monde s'ouvre à nous ce faisant...Quand on a gravi la montagne, en regardant le monde de là-haut on se dit que malgré toute la fatigue, ça valait le coup. Incontestablement.
C'est un Chopin qui, comme je l'ai dit, a quelque part perdu en spontanéité, mais pour gagner tellement plus...Il ne se livre plus aussi facilement, on ne peut plus se contenter d'apprécier au fur et à mesure qu'on joue pour ajuster son interprétation "en direct". Ca demande de la construction, du recul. Notamment sur le premier, quel travail d'horloger sur les deux premières pages ! Donc oui, "éprouvant".
Mais quel monde s'ouvre à nous ce faisant...Quand on a gravi la montagne, en regardant le monde de là-haut on se dit que malgré toute la fatigue, ça valait le coup. Incontestablement.
Re: Chopin et l'opus 62
Je pensais un peu la même chose sur ce côté moins direct, ou moins spontané, mais je ne suis plus tout aussi convaincu.
Les textures, la forme, et les chromatismes rajoutent une sacré couche de complexité par rapport à la plupart des nocturnes moins "murs". C'est assez indéniable.
Mais il me semble qu'une interprétation réussie doit pouvoir exprimer toute la fraîcheur dans cette musique, lui conférer son caractère solaire d'évidence, tirer l'auditeur sur un chemin inédit via une conception forte et claire. Jamais l'auditeur doit se dire que c'est une musique complexe, mais plutôt une musique touchante et riche. Autrement dit, préserver l'horizontalité. C'est très difficile. En somme, ce que fait passer Trifonov dès qu'il touche à un piano..
Les textures, la forme, et les chromatismes rajoutent une sacré couche de complexité par rapport à la plupart des nocturnes moins "murs". C'est assez indéniable.
Mais il me semble qu'une interprétation réussie doit pouvoir exprimer toute la fraîcheur dans cette musique, lui conférer son caractère solaire d'évidence, tirer l'auditeur sur un chemin inédit via une conception forte et claire. Jamais l'auditeur doit se dire que c'est une musique complexe, mais plutôt une musique touchante et riche. Autrement dit, préserver l'horizontalité. C'est très difficile. En somme, ce que fait passer Trifonov dès qu'il touche à un piano..
Re: Chopin et l'opus 62
Ah, oui je vois ce que tu veux dire (enfin, je pense). C'est-à-dire que si cette musique se livre moins facilement au pianiste, elle doit être restituée à l'auditeur sans que cet écueil lui soit visible. C'est au pianiste de dénouer l'écheveau et de rendre à cette musique toute sa spontanéité.
C'est ça ?
Il y a à peu près deux mois, j'ai voulu mettre ces deux nocturnes sur mon établi de travail. J'ai passé un temps fou sur les deux premières pages du premier nocturne, pour à la fois travailler très en détail, mais sans perdre la direction globale et ce chant qui est omni-présent. N'étant pas arrivé à quelque chose de satisfaisant, j'ai laissé tomber pour l'instant (mais "I'll be back !")
C'est ça ?
Il y a à peu près deux mois, j'ai voulu mettre ces deux nocturnes sur mon établi de travail. J'ai passé un temps fou sur les deux premières pages du premier nocturne, pour à la fois travailler très en détail, mais sans perdre la direction globale et ce chant qui est omni-présent. N'étant pas arrivé à quelque chose de satisfaisant, j'ai laissé tomber pour l'instant (mais "I'll be back !")
Re: Chopin et l'opus 62
Oui c'est exactement ce que j'essaie de dire, et tu décris bien du coup la difficulté qu'on rencontre beaucoup dans ce dernier Chopin. On peut vite se noyer dans les raffinements et les textures, et perdre en effet la ligne directrice, qui est en fait limpide.
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Re: Chopin et l'opus 62
Avez-vous lu les notes sur chopin d'André Gide ?
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Re: Chopin et l'opus 62
Je ne peux pas en parler précisemment puisque je ne l'ai pas travaillé et que vaguement déchiffré mais j'ai l'impression que la diffIcUlté dans cet agitato une fois la tefchnique digitale acquise est d'en faire une longue phrase cohérente, faire resortir la totalité des lignes sans céder au manièrisme qui ferait trop détailler certaines séquences au détriment d'autres.nox a écrit :En fait je trouve que la principale difficulté n'est pas tant technique (l'agitato du numéro 2 demande un peu de travail, mais - comme toujours avec Chopin - c'est très intuitif pianistiquement), que sur le plan de l'interprétation en effet.
Pas très clair peut-être...
Re: Chopin et l'opus 62
Comme d'autres ici je trouve ce dernier opus absolument sublime. Le nocturne en mi particulièrement (mais je suis aussi très sensible à la douceur et à l'émerveillement sonore du premier) m'a toujours complètement bouleversé. Cette mélodie paisible, comme réconciliée, au milieu de laquelle l'épisode agité (quels saisissants contrepoints!) résonne comme quelque chose de révolu, je l'ai toujours entendue comme un adieu amical mais un peu lointain, déjà adressé depuis l'autre côté du rivage. La fin est d'une beauté surnaturelle.
Re: Chopin et l'opus 62
A te lire, l'indélicatesse des éditeurs à numéroter les nocturnes au delà du n°18 m'est encore plus intolérable !
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Re: Chopin et l'opus 62
Cet opus de Chopin est très étonnant. Le 1er des deux nocturnes est quand même beaucoup plus souvent joué que l'opus 62 n°2. Du reste, il est souvent très bien joué malgré sa difficulté, et on comprend le mot de Guy Sacre à propos de Cortot (qu'il se garde bien de nommer), quelque chose comme "à ne pas ranger dans les nocturnes les plus inspirés de Chopin, écrit ce critique d'habitude mieux inspiré lui-même ; on jubile, etc." De fait ce nocturne reste d'une écoute accessible.
Le deuxième est beaucoup plus problématique, du moins pour moi, car j'estime n'en avoir jamais entendu aucune interprétation qui lui rende justice. Je viens de réécouter les deux enregistrements de Rubinstein (1949 et 1965) et malgré de beaux passages, je persiste à trouver les modulations de la première partie raides et peu expressives, le passage central mieux réussi et la fin en doubles croches complètement inexpressive, c'est encore pire dans l'enregistrement de 1965 (et je suis plutôt un inconditionnel de Rubinstein habituellement) ; j'avais écouté Arrau il y a longtemps avec à peu près la même impression. J'ai l'impression que dans ce nocturne l'interprète laisse toujours ses passagers sur le quai… Et pourtant, quand on le déchiffre en prenant son temps, on est beaucoup plus convaincu par la beauté de ces enchaînements harmoniques hardis. Le meilleur souvenir que j'en ai est l'enregistrement d'Harasiewicz repris dans le coffret Brilliant Classics (mais je ne l'ai pas sous la main maintenant). Cette œuvre est déjà très proche de Fauré et il faut vraiment s'efforcer de la rendre intelligible à l'auditeur sous peine de le perdre dans un dédale. C'est un peu le même problème qu'avec l'opus 55 n°2 : quelle que soit la qualité du son, du phrasé, du rubato, ça peut rester incompréhensible pour qui ne connaît pas l'œuvre.
Je pense que jouer ces deux nocturnes à la suite sans décevoir le public reste un challenge qui demande beaucoup de travail au musicien qui veut s'y lancer.
Le deuxième est beaucoup plus problématique, du moins pour moi, car j'estime n'en avoir jamais entendu aucune interprétation qui lui rende justice. Je viens de réécouter les deux enregistrements de Rubinstein (1949 et 1965) et malgré de beaux passages, je persiste à trouver les modulations de la première partie raides et peu expressives, le passage central mieux réussi et la fin en doubles croches complètement inexpressive, c'est encore pire dans l'enregistrement de 1965 (et je suis plutôt un inconditionnel de Rubinstein habituellement) ; j'avais écouté Arrau il y a longtemps avec à peu près la même impression. J'ai l'impression que dans ce nocturne l'interprète laisse toujours ses passagers sur le quai… Et pourtant, quand on le déchiffre en prenant son temps, on est beaucoup plus convaincu par la beauté de ces enchaînements harmoniques hardis. Le meilleur souvenir que j'en ai est l'enregistrement d'Harasiewicz repris dans le coffret Brilliant Classics (mais je ne l'ai pas sous la main maintenant). Cette œuvre est déjà très proche de Fauré et il faut vraiment s'efforcer de la rendre intelligible à l'auditeur sous peine de le perdre dans un dédale. C'est un peu le même problème qu'avec l'opus 55 n°2 : quelle que soit la qualité du son, du phrasé, du rubato, ça peut rester incompréhensible pour qui ne connaît pas l'œuvre.
Je pense que jouer ces deux nocturnes à la suite sans décevoir le public reste un challenge qui demande beaucoup de travail au musicien qui veut s'y lancer.
Re: Chopin et l'opus 62
C'est fou, je n'avais jamais entendu parler de ce pianiste... qui a remporté le concours Chopin 1955.JPS1827 a écrit : Le meilleur souvenir que j'en ai est l'enregistrement d'Harasiewicz
Re: Chopin et l'opus 62
J'ai un peu le même sentiment, je ne connais aucune interprétation qui m'emporte totalement. Mais je crois que c'est un peu toujours le cas avec les oeuvres pour lesquelles j'ai une affinité particulière, et que je joue beaucoup intérieurement. Il faudrait vraiment que j'essaie de le monter pour voir ce qui en sort. Vraiment pas sur que le résultat soit à la hauteur de mes rêvasseries...JPS1827 a écrit :Le deuxième est beaucoup plus problématique, du moins pour moi, car j'estime n'en avoir jamais entendu aucune interprétation qui lui rende justice.
Tu as très certainement vu sa bonne bouille sans le savoir, c'est maintenant un pilier du jury du concours!Okay a écrit :C'est fou, je n'avais jamais entendu parler de ce pianiste... qui a remporté le concours Chopin 1955.
Re: Chopin et l'opus 62
JPS1827 a écrit :Le meilleur souvenir que j'en ai est l'enregistrement d'Harasiewicz repris dans le coffret Brilliant Classics (mais je ne l'ai pas sous la main maintenant).

https://youtu.be/N7VB3hIPkL8
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