Qu'est-ce qui fait l'unité d'une sonate?
Qu'est-ce qui fait l'unité d'une sonate?
Bonjour,
Une vaste question que je me pose ce soir : qu'est-ce qui fait l'unité d'une sonate à travers ses différents mouvements?
En réalité je pourrai étendre à toutes les formes de suites. Ainsi, étudiant la suite Bergamasque (depuis déjà un paquet de mois et pour encore tout un tas), je commence à en chercher et découvrir des bribes d'unité. La connaissance du deuxième mouvement éclaire différemment le premier, que je vais devoir reprendre en profondeur pour l'ajuster à ma nouvelle vision. Mais passons, je veux continuer cette exploration par moi-même. Aussi ma question de ce soir ne portera que sur les sonates.
Comment s'articulent les différents mouvements? Pourquoi sont-ils ensemble et pas plutôt organisés en ensemble avec des mouvements d'autres sonates du même compositeur?
Un peu nébuleux sans doute. Mais je me doute bien que vous allez savoir disserter sur le sujet. Merci d'avance.
Une vaste question que je me pose ce soir : qu'est-ce qui fait l'unité d'une sonate à travers ses différents mouvements?
En réalité je pourrai étendre à toutes les formes de suites. Ainsi, étudiant la suite Bergamasque (depuis déjà un paquet de mois et pour encore tout un tas), je commence à en chercher et découvrir des bribes d'unité. La connaissance du deuxième mouvement éclaire différemment le premier, que je vais devoir reprendre en profondeur pour l'ajuster à ma nouvelle vision. Mais passons, je veux continuer cette exploration par moi-même. Aussi ma question de ce soir ne portera que sur les sonates.
Comment s'articulent les différents mouvements? Pourquoi sont-ils ensemble et pas plutôt organisés en ensemble avec des mouvements d'autres sonates du même compositeur?
Un peu nébuleux sans doute. Mais je me doute bien que vous allez savoir disserter sur le sujet. Merci d'avance.
Re: Qu'est-ce qui fait l'unité d'une sonate?
Le Wikipedia en anglais est plus clair et informative qu'en français, si ce n'est que pour les schémas, les partitions et les exemples avec des enregistrements :
https://en.wikipedia.org/wiki/Sonata_form
https://en.wikipedia.org/wiki/Sonata_form
“Wrong doesn't become right just because it's accepted by a majority.” - Booker Washington
- Kât
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Re: Qu'est-ce qui fait l'unité d'une sonate?
Trop occupés à faire les tests MBTI (
), les Pmistes ont laissé ce topic passer inaperçu !
Je ne suis pas bien placée pour répondre à pareille question, évidemment, cependant quand tu écris:
Pourquoi sont-ils ensemble et pas plutôt organisés en ensemble avec des mouvements d'autres sonates du même compositeur?
Je dirai, sans doute pour les mêmes raison que différents chapitres d'un livre d'un même écrivain ne sont pas interchangeables entre tout ses livres (la formulation n'est pas très claire, pardon)
De mon point de vue d'auditrice, une sonate raconte une histoire. Je n'aime pas entendre les mouvements d'une sonate sans rien qui les "raccorde" entre eux, sans que cela soit "conduit". Il doit y avoir une progression dramatique (dramatique au sens de théâtre) Sinon, effectivement, cela peut ressembler à plusieurs pièces juxtaposées entre elles de façon quasi fortuite. Il me semble qu'arriver à dérouler cette histoire doit être un enjeu capital pour le pianiste, pour arriver à "saisir" son auditoire.
Bon ce ne sont que des élucubrations de béotienne du samedi soir
, je laisse la parole à ceux qui pourront t'apporter de vraies réponses! 

Je ne suis pas bien placée pour répondre à pareille question, évidemment, cependant quand tu écris:
Pourquoi sont-ils ensemble et pas plutôt organisés en ensemble avec des mouvements d'autres sonates du même compositeur?
Je dirai, sans doute pour les mêmes raison que différents chapitres d'un livre d'un même écrivain ne sont pas interchangeables entre tout ses livres (la formulation n'est pas très claire, pardon)
De mon point de vue d'auditrice, une sonate raconte une histoire. Je n'aime pas entendre les mouvements d'une sonate sans rien qui les "raccorde" entre eux, sans que cela soit "conduit". Il doit y avoir une progression dramatique (dramatique au sens de théâtre) Sinon, effectivement, cela peut ressembler à plusieurs pièces juxtaposées entre elles de façon quasi fortuite. Il me semble qu'arriver à dérouler cette histoire doit être un enjeu capital pour le pianiste, pour arriver à "saisir" son auditoire.
Bon ce ne sont que des élucubrations de béotienne du samedi soir


Re: Qu'est-ce qui fait l'unité d'une sonate?
Je ne suis pas sage, je prends toujours à la carte, j'aime rarement (ou jamais) une sonate. (Bizarrement les concertos sont l'envers, j'aime le tout.)
Tant pis si j'offusque les compositeurs dans leur tombes...
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Re: Qu'est-ce qui fait l'unité d'une sonate?
Tiens c'est vrai ça, moi aussi j'aime rarement une sonate dans son entier.
Peut-être aussi qu'on prend de mauvaises habitudes à en entendre et à en jouer des parties séparées comme si justement rien ne les reliait.
Ce n'est pas tout à fait pareil en musique baroque par exemple, il me semble que l'ensemble a davantage de sens. Mais d'un autre côté les différentes parties sont généralement plus courtes et il est donc plus facile de découvrir le tout (si je compare par exemple avec les sonates de Beethoven, dont je connais certaines entièrement...cf le terrible enchainement du 2e et 3e mvt de l'Appassionnata... mais la plupart par fragments) . Je ne m'étais jamais posé la question sous cet angle. Pourtant c'est important car le compositeur, lui, a pensé un ensemble ou au moins une direction.
Peut-être aussi qu'on prend de mauvaises habitudes à en entendre et à en jouer des parties séparées comme si justement rien ne les reliait.
Ce n'est pas tout à fait pareil en musique baroque par exemple, il me semble que l'ensemble a davantage de sens. Mais d'un autre côté les différentes parties sont généralement plus courtes et il est donc plus facile de découvrir le tout (si je compare par exemple avec les sonates de Beethoven, dont je connais certaines entièrement...cf le terrible enchainement du 2e et 3e mvt de l'Appassionnata... mais la plupart par fragments) . Je ne m'étais jamais posé la question sous cet angle. Pourtant c'est important car le compositeur, lui, a pensé un ensemble ou au moins une direction.
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Re: Qu'est-ce qui fait l'unité d'une sonate?
Si je ne m'abuse, il me semble que la question de Caralire porte sur l'unité de la sonate (en plusieurs mouvements) et non sur la forme-sonate dont il est question sur ce lien et qui correspond à la forme du premier mouvement de la sonate classique.Lee a écrit :Le Wikipedia en anglais est plus clair et informative qu'en français, si ce n'est que pour les schémas, les partitions et les exemples avec des enregistrements :
https://en.wikipedia.org/wiki/Sonata_form
Caralire, ta question très est intéressante et j'avoue avoir du mal à y répondre (même juste pour moi-même). La réponse de Kât est probablement la bonne, mais en même temps, à quoi est-ce qu'on reconnaît l'histoire ? En plus, le compositeur a dû la raconter en respectant des règles très strictes de structure et de succession de mouvements, règles qui me semblent beaucoup plus contraignantes que les règles d'écriture du théâtre ou du roman. Dans le cas des suites (de danses) de l'époque baroque, je ne pense pas qu'il s'y raconte la moindre histoire. Dans la sonate classique par contre… quand on pense à Beethoven ou Schubert, ça semble plus probable. Je dirais que l'histoire sous-jacente doit être une histoire d'émotions, une suite d'émotions reliées entre elles (ça me paraît évident dans les sonates de Chopin). C'est peut-être la même chose pour les suites composées plus récemment ?
Et ça me dépasse qu'on puisse écouter seulement un mouvement d'une sonate. Même si je ne puis l'expliquer, ça forme clairement un tout pour moi, même si tous les mouvements ne me touchent pas également.
Reste que je ne me pose pas du tout la question quand j'écoute une sonate (ou quoi que ce soit). C'est curieux d'ailleurs, moi qui analyse tout ! Mais la musique vit pour moi dans un royaume parallèle, qui s'est ouvert à moi très jeune, avant l'école, un royaume strictement non verbal où je me plonge quand j'en écoute. Mais ça pose problème quand vient le temps de jouer une sonate au piano ! Là il faut quand même comprendre, je pense, et je ne suis pas fortiche de ce côté...

- Marie-france
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Re: Qu'est-ce qui fait l'unité d'une sonate?
Un début de réponse peut-être pour Caralire, extrait du livre de Boucourechliev "Le langage musical", qui évoque (entre autres) ce problème de l'unité de la sonate:
"... La sonate instaure une dialectique tonale -- à long terme de surcroît -- qui, pour paraître plus subtile que la tonalité unique de la suite, en prétendu "progrès" par rapport à celle-ci, affaiblit son pouvoir unificateur. Les écarts tonaux sensibles des mouvements centraux de la sonate (adagio, scherzo), bien qu'ils soient harmoniquement apparentés à l'ensemble, du moins en théorie, brouillent le sentiment tonal, et le mouvement final, destiné -- à très long terme -- à fermer le cycle dans la même tonalité qu'au début, ne suffit pas à garantir la cohérence du schème. Tout au plus peut-on dire que ce schème est, grosso modo, une métaphore de cadence (tonique - autre ton - retour à la tonique, ou tension - détente - tension - détente): mais toutes les oeuvres tonales sont, nous l'avions dit, des métaphores de cadence...
Si déjà sur le plan tonal l'unité de la sonate apparaît comme suspecte, que dire de cette unité sur le plan thématique et sur les plans de la découpe, de la vitesse, du caractère général des mouvements entre eux? Les rapports à ce niveau apparaissent comme de pure contingence et de juxtaposition. Et pourtant malgré toutes ces défaillances d'unité objective, la sonate est bien perçue comme une oeuvre, comme un corps. La question n'est pas close...."
Puis il explique que l'intérieur même des mouvements est par contre très cohérent... mais que cela ne résout pas "... le problème de l'unité générale, comme corps, de la sonate...." et d'expliquer que " ... l'on ne peut comparer la sonate à une pièce de théâtre, car dans celle-ci les mêmes personnages évoluent d'un acte à l'autre alors qu'en musique, il s'agit, d'un mouvement à l'autre, de personnages nouveaux, absolument étrangers les uns aux autres par le profil, la thématique, le caractère etc..."
Et c'est là que ça se corse. Boucourechliev "... s'aventure dans les eaux dangereuses aux confins de la notion de forme comme phénomène unitaire..." et remet en cause la notion "... de "globalité" comme condition primordiale de l'existence d'une forme, et même dépasser les notions de forme "finie", de forme "fermée...."
Pour la suite, caralire, tu peux lire ce livre très intéressant. Il faudrait moi-même que je le relise d'ailleurs.
"... La sonate instaure une dialectique tonale -- à long terme de surcroît -- qui, pour paraître plus subtile que la tonalité unique de la suite, en prétendu "progrès" par rapport à celle-ci, affaiblit son pouvoir unificateur. Les écarts tonaux sensibles des mouvements centraux de la sonate (adagio, scherzo), bien qu'ils soient harmoniquement apparentés à l'ensemble, du moins en théorie, brouillent le sentiment tonal, et le mouvement final, destiné -- à très long terme -- à fermer le cycle dans la même tonalité qu'au début, ne suffit pas à garantir la cohérence du schème. Tout au plus peut-on dire que ce schème est, grosso modo, une métaphore de cadence (tonique - autre ton - retour à la tonique, ou tension - détente - tension - détente): mais toutes les oeuvres tonales sont, nous l'avions dit, des métaphores de cadence...
Si déjà sur le plan tonal l'unité de la sonate apparaît comme suspecte, que dire de cette unité sur le plan thématique et sur les plans de la découpe, de la vitesse, du caractère général des mouvements entre eux? Les rapports à ce niveau apparaissent comme de pure contingence et de juxtaposition. Et pourtant malgré toutes ces défaillances d'unité objective, la sonate est bien perçue comme une oeuvre, comme un corps. La question n'est pas close...."
Puis il explique que l'intérieur même des mouvements est par contre très cohérent... mais que cela ne résout pas "... le problème de l'unité générale, comme corps, de la sonate...." et d'expliquer que " ... l'on ne peut comparer la sonate à une pièce de théâtre, car dans celle-ci les mêmes personnages évoluent d'un acte à l'autre alors qu'en musique, il s'agit, d'un mouvement à l'autre, de personnages nouveaux, absolument étrangers les uns aux autres par le profil, la thématique, le caractère etc..."
Et c'est là que ça se corse. Boucourechliev "... s'aventure dans les eaux dangereuses aux confins de la notion de forme comme phénomène unitaire..." et remet en cause la notion "... de "globalité" comme condition primordiale de l'existence d'une forme, et même dépasser les notions de forme "finie", de forme "fermée...."
Pour la suite, caralire, tu peux lire ce livre très intéressant. Il faudrait moi-même que je le relise d'ailleurs.
Re: Qu'est-ce qui fait l'unité d'une sonate?
Il y a aussi les formes de sonates cycliques où il y a des échos et liens thématiques et de motifs d'un mouvement à l'autre, je pense à la sonate pour piano et violon de Franck, ce qui veut dire que le compositeur a voulu donner une puissante et fluide unité à l’œuvre entière. Là on perçoit, a contrario, que cette unité en tant que telle n'était pas une nécessité musicale pour d'autres compositeurs, avant lui en tout cas pas en tant qu'absolu porté par un thème. Mais ça ne veut pas dire qu'il n'y ait pas d'unité, mais elle est peut-être portée par autre chose, et moins immédiatement sensible; les contrastes, les jeux plus abstraits au sein de la tonalité (dont l'auditeur ne perçoit peut-être que vaguement l'agencement) sont tout aussi féconds et font "oeuvre", peut-être, ou peut-être pas, je n'en sais rien, sans que ce soit un système complètement formalisable? Il faudrait être compositeur pour pouvoir le dire. Je me suis beaucoup posé la question, et pas seulement pour la sonate: pour les quatuors à corde aussi.
Je me demande, par exemple: si on fait écouter un mélimélo de 4 mouvements tirés de différents quatuors de Haydn (en respectant l'alternance de type allegro, andante, menuet et vivace) à quelqu'un qui ne connaît pas énormément ces quatuors, est-ce que la personne pourrait "sentir" que c'est un mélimélo?
Évidemment on pourrait faire la même expérience en prenant des mouvements de sonate de piano d'un compositeur que l'on ne connaît pas très bien.
Je me demande, par exemple: si on fait écouter un mélimélo de 4 mouvements tirés de différents quatuors de Haydn (en respectant l'alternance de type allegro, andante, menuet et vivace) à quelqu'un qui ne connaît pas énormément ces quatuors, est-ce que la personne pourrait "sentir" que c'est un mélimélo?
Évidemment on pourrait faire la même expérience en prenant des mouvements de sonate de piano d'un compositeur que l'on ne connaît pas très bien.
Re: Qu'est-ce qui fait l'unité d'une sonate?
dans la sonate de Poulenc pour flûte et pianio on retrouve aussi une cohérence avec des rappels de motifs, tout comme dans le 2e trio de Schubert où des réminiscences du 2e mvt apparaissent dans le 4e.
Dans l'epsrit du compositeur il y a bien un tout, mais je comprends la question initiale comme: comment ce tout se forme -t-il dans celui de l'auditeur en l'absence d'indices de ce type, en-dehors du fait que l'auditeur est peu à peu habitué, s'il l'écoute régulièrement, à entendre la sonate, chronologiquement, comme des parties se complétant, et donc à faire lui-même des liens ? ces liens préexistent-t-ils vraiment ou bien est-ce une construction artificielle ?
Dans l'epsrit du compositeur il y a bien un tout, mais je comprends la question initiale comme: comment ce tout se forme -t-il dans celui de l'auditeur en l'absence d'indices de ce type, en-dehors du fait que l'auditeur est peu à peu habitué, s'il l'écoute régulièrement, à entendre la sonate, chronologiquement, comme des parties se complétant, et donc à faire lui-même des liens ? ces liens préexistent-t-ils vraiment ou bien est-ce une construction artificielle ?
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Re: Qu'est-ce qui fait l'unité d'une sonate?
En fait je crois que c'est la question de l'unité d'une forme sonate à travers les 4 mouvements ne peut être étudiée qu'en détail et suppose une connaissance approfondie de chaque œuvre. Je ne connais aucun quatuor de Haydn assez bien pour dire tout de go ce qui fait son unité à travers ses mouvements . Est ce que je pourrais "sentir" qu'on a créé un nouveau quatuor de toutes pièces en juxtaposant 4 mouvement de 4 quatuors différents ? je ne le pense pas dans le cas de Haydn, mais pour d'autres auditeurs à l'esprit musical plus aiguisé ce serait peut-être évident.Oupsi a écrit :Je me demande, par exemple: si on fait écouter un mélimélo de 4 mouvements tirés de différents quatuors de Haydn (en respectant l'alternance de type allegro, andante, menuet et vivace) à quelqu'un qui ne connaît pas énormément ces quatuors, est-ce que la personne pourrait "sentir" que c'est un mélimélo?
Évidemment on pourrait faire la même expérience en prenant des mouvements de sonate de piano d'un compositeur que l'on ne connaît pas très bien.
Si je prends pour exemple une sonate que je connais, l'opus 2 n°3 de Beethoven par exemple, en ut majeur, je peux dire facilement que le thème de l'Adagio en mi majeur (dominante du relatif mineur d'ut au passage) utilise les même degrés de la tonalité que la cellule initiale de l'allegro (3-2-3-4-(3)-2 ; les 4 premières notes conjointes du scherzo ont encore une parenté nette avec la cellule en doubles croches de la première mesure de l'allegro, le trio du scherzo utilise des formules arpégées qui sont parentes de celles du pont du 1er mouvement ; pour le finale on trouve à la 3ème mesure le motif fa-mi-fa-mi-ré qui est une variante de ré-mi-ré-mi-fa-mi-ré. Et le début de ce mouvement réutilise la cellule initiale du scherzo une quinte plus bas. On peut pousser l'analyse beaucoup plus loin pour expliciter les parentés entre les mouvements. La question est de savoir quelle conscience peut en avoir l'auditeur, surtout lors d'une première écoute ; est ce que, en dehors des musicologues avertis, les auditeurs perçoivent même inconsciemment de tels rapprochements (qui font alors conclure à "l'unité de l'œuvre" écoutée). D'autre part si on avait mis à la place du scherzo celui de l'opus 2 n°2 (en le transposant en ut majeur), on aurait aussitôt reconnu l'utilisation (sous la forme d'un arpège brisé) du motif, rythmique cette fois, des 4 doubles croches qui forme le troisième temps de la première mesure de l'opus 2 n°3 ; bien malin celui qui aurait pu dire que c'était le scherzo d'une autre sonate.
Je pense que Beethoven était conscient de ces problèmes et qu'il y a répondu en créant des formes de plus en plus exigeantes et d'une seule coulée : les sonates pour piano (de même d'ailleurs que les quatuors à cordes) deviendront de plus en plus des sonates "enchaînées" d'un bout à l'autre, il est par exemple quasi impossible de séparer le mouvement lent de la Waldstein, de l'Appassionata ou de la sonate des Adieux du finale, ou d'extraire un mouvement de l'opus 101 ou de l'opus 110. La forme cyclique dont tu parles a été une des solutions les plus radicales mise en œuvre après Beethoven pour assurer l'unité de ces œuvres.
- Kât
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Re: Qu'est-ce qui fait l'unité d'une sonate?
En l'écoutant ce soir dans le train, j'ai repensé à ce topic en me faisant la réflexion que j'avais un mal de chien à pouvoir supporter l'arrivée du 3e mouvement de la sonate D959 de Schubert, après la désolation poignante du 2e, une de ses pages à la mélancolie la plus insondable pour moi...
Les frivoles premières notes du 3e mouvement, après ce qui a précédé, me paraissent d'autant plus insupportables. Je sais qu'on est chez Schubert, et qu'on y marche tantôt dans les fleurs, tantôt dans la neige, mais j'ai vraiment du mal avec l'enchaînement de ces deux mouvements, au point de mettre sur pause et de reprendre l'écoute plus tard...
Les frivoles premières notes du 3e mouvement, après ce qui a précédé, me paraissent d'autant plus insupportables. Je sais qu'on est chez Schubert, et qu'on y marche tantôt dans les fleurs, tantôt dans la neige, mais j'ai vraiment du mal avec l'enchaînement de ces deux mouvements, au point de mettre sur pause et de reprendre l'écoute plus tard...
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Re: Qu'est-ce qui fait l'unité d'une sonate?
J'ai souvent éprouvé le même sentiment chez Tchaïkowski ou Malher où, dans leur symphonies, après un adagio sublime, survient souvent un mouvement un peu trivial et guilleret. Ou parfois, c'est à l'intérieur d'une seule et même œuvre que je déplore le contraste, comme dans l’Élégie de Fauré dont le thème central me paraît bien trop banal après les abimes de tristesse où m'ont plongé les premières notes de l’œuvre.Kât a écrit :En l'écoutant ce soir dans le train, j'ai repensé à ce topic en me faisant la réflexion que j'avais un mal de chien à pouvoir supporter l'arrivée du 3e mouvement de la sonate D959 de Schubert, après la désolation poignante du 2e, une de ses pages à la mélancolie la plus insondable pour moi...
Les frivoles premières notes du 3e mouvement, après ce qui a précédé, me paraissent d'autant plus insupportables. Je sais qu'on est chez Schubert, et qu'on y marche tantôt dans les fleurs, tantôt dans la neige, mais j'ai vraiment du mal avec l'enchaînement de ces deux mouvements, au point de mettre sur pause et de reprendre l'écoute plus tard...
Inversement, dans la Sonate au Clair de Lune, de Beethoven, le mouvement central que je trouvais assez quelconque quand j'étais jeune, joue parfaitement son rôle de transition entre les premier et troisième mouvements si différents et si beaux.
- JPS1827
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Re: Qu'est-ce qui fait l'unité d'une sonate?
C'est vrai que l'unité des sonates de Schubert me paraît souvent problématique. On a vraiment du mal à imaginer une interprétation de ce scherzo de la D959 qui soit une transition crédible entre la désolation du 2ème et le thème pacifié du finale (repris du mouvement lent de la D 537). Dans la D 960 le 3ème mouvement n'est pas "frivole" mais beaucoup plus ambigu dès la première écoute, c'est le finale qui tombe un peu "comme un cheveu sur la soupe". La D958 en ut mineur souffre aussi d'un certain éparpillement thématique.Kât a écrit :En l'écoutant ce soir dans le train, j'ai repensé à ce topic en me faisant la réflexion que j'avais un mal de chien à pouvoir supporter l'arrivée du 3e mouvement de la sonate D959 de Schubert, après la désolation poignante du 2e, une de ses pages à la mélancolie la plus insondable pour moi...
Les frivoles premières notes du 3e mouvement, après ce qui a précédé, me paraissent d'autant plus insupportables. Je sais qu'on est chez Schubert, et qu'on y marche tantôt dans les fleurs, tantôt dans la neige, mais j'ai vraiment du mal avec l'enchaînement de ces deux mouvements, au point de mettre sur pause et de reprendre l'écoute plus tard...
J'ai l'impression que Schubert conçoit la sonate comme une suite, bien plus que ne le fait Beethoven, qui cherche vraiment à faire évoluer la forme vers plus d'unité (il est même volontiers mystificateur à ce sujet, puisqu'il écrit en tête du 14ème quatuor : "fait de pièces et de morceaux volés ça et là", tout en demandant de ne pas faire de pause entre les mouvements, rompant ainsi avec l'habitude fréquentes à l'époque d'intercaler des airs entre les mouvements d'une même oeuvre). La recherche de l'unité structurelle intéresse moins Schubert. La différence de forme entre une sonate de Schubert et la succession des 4 impromptus opus D935 (qui évoque vraiment une possible sonate en fa mineur) n'est pas évidente d'ailleurs.
Re: Qu'est-ce qui fait l'unité d'une sonate?
Bonjour à tous,
Grâce à Kât qui a remonté ce fil, je l'ai relu en intégralité, en particulier la réponse de JPS qui m'avait échappée.
Je vous remercie beaucoup, tous, pour vos réponses argumentées et vos réflexions personnelles. C'était très intéressant de vous lire et vos messages se complètent tous très bien, depuis le point de vue expert du musicologue à celui intuitif de l'auditeur.
De mon côté je suis surtout familière des sonates de Beethoven, et encore pas toutes.
Ainsi j'ai travaillé adolescente la Pathétique en entier, sans jamais me poser la question d'une quelconque unité.
Je suis perplexe sur la sonate au clair de Lune. Le premier mouvement est tellement joué et rabâché partout qu'il en est devenu assez indigeste. J'aime assez le trio mais c'est vrai que je le trouve un peu perdu s'il est joué seul. Du coup il m'est arrivé souvent de n'écouter que le dernier mouvement. Ça se tient ainsi pour moi, mais je me rend bien compte que je l'apprécie mieux en conclusion de ce qui précède. En bref, il faudrait me forcer un peu à écouter le premier mouvement pour apprécier à sa juste valeur la suite.
Grâce à Kât qui a remonté ce fil, je l'ai relu en intégralité, en particulier la réponse de JPS qui m'avait échappée.
Je vous remercie beaucoup, tous, pour vos réponses argumentées et vos réflexions personnelles. C'était très intéressant de vous lire et vos messages se complètent tous très bien, depuis le point de vue expert du musicologue à celui intuitif de l'auditeur.
De mon côté je suis surtout familière des sonates de Beethoven, et encore pas toutes.
Ainsi j'ai travaillé adolescente la Pathétique en entier, sans jamais me poser la question d'une quelconque unité.
Je suis perplexe sur la sonate au clair de Lune. Le premier mouvement est tellement joué et rabâché partout qu'il en est devenu assez indigeste. J'aime assez le trio mais c'est vrai que je le trouve un peu perdu s'il est joué seul. Du coup il m'est arrivé souvent de n'écouter que le dernier mouvement. Ça se tient ainsi pour moi, mais je me rend bien compte que je l'apprécie mieux en conclusion de ce qui précède. En bref, il faudrait me forcer un peu à écouter le premier mouvement pour apprécier à sa juste valeur la suite.
- Kât
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Re: Qu'est-ce qui fait l'unité d'une sonate?
Oui tout à fait, quel que soit l'interprète, la transition est assez violente pour moi! En tant qu'auditeur, je me demande bien comment il faut appréhender cela, en tant qu'interprète ça doit être encore pire!JPS1827 a écrit : On a vraiment du mal à imaginer une interprétation de ce scherzo de la D959 qui soit une transition crédible entre la désolation du 2ème et le thème pacifié du finale (repris du mouvement lent de la D 537).
Je ne sais pas vraiment ce que c'est qu'une "suite" d'un point de vue formel, quelle en est la définition? Est ce l'absence de continuité thématique qui différencie la suite de la sonate?
La sonate clair de lune, j'avoue comme Caralire que je ne peux plus voir le 1er mouvement en peinture......comme je n'aime en général pas écouter les mouvements isolément, je ne l'écoute plus, mais je devrais peut être m'y remettre!
Re: Qu'est-ce qui fait l'unité d'une sonate?
mais oui...Kât a écrit :La sonate clair de lune, j'avoue comme Caralire que je ne peux plus voir le 1er mouvement en peinture......comme je n'aime en général pas écouter les mouvements isolément, je ne l'écoute plus, mais je devrais peut être m'y remettre!
tout comme j'ai redécouvert la Lettre à Elise un jour en voiture, à la radio, par Anne Queffelec, alors que vraiment j'aurais refusé de l'écouter autrement. On gagne toujours à se reprogrammer !
je te rassure je n'écoute que très rarement la Lettre que je trouve encore insupportable assez souvent...
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Re: Qu'est-ce qui fait l'unité d'une sonate?
IdemLa sonate clair de lune, j'avoue comme Caralire que je ne peux plus voir le 1er mouvement en peinture
Et je remets le sketch de Bernard Haller au cas où certains d'entre vous ne le connaitraient pas encore!
Oui, une pièce "à se flinguer"

https://www.youtube.com/watch?v=sNnngh1OegM
- JPS1827
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Re: Qu'est-ce qui fait l'unité d'une sonate?
La sonate classique dérive de la suite de l'époque baroque, qui était un ensemble de danses parfois précédées par un prélude ou une ouverture. Outre les Suites anglaises et les Suites françaises, les Partitas de Bach sont des suites. Ultérieurement le terme "suite" a servi a désigner tout ensemble de morceaux ne rentrant pas dans la forme son, pouvant parfois être regroupés à partir d'une autre œuvre (cas des suites issues d'une musique de ballet ou d'un opéra).Kât a écrit :Je ne sais pas vraiment ce que c'est qu'une "suite" d'un point de vue formel, quelle en est la définition? Est ce l'absence de continuité thématique qui différencie la suite de la sonate?
Mais l'unité de la sonate au Clair de lune ne fait aucun doute, l'arpège rageur qui sert de motif thématique au final étant évidemment une exacerbation de la formule d'accompagnement du premier mouvement ; et c'est le finale qui est de "forme sonate" avec deux thèmes. On peut faire aussi des rapprochements entre le motif principal du second mouvement et le second thème du troisième.Kât a écrit :La sonate clair de lune, j'avoue comme Caralire que je ne peux plus voir le 1er mouvement en peinture......comme je n'aime en général pas écouter les mouvements isolément, je ne l'écoute plus, mais je devrais peut être m'y remettre!
Re: Qu'est-ce qui fait l'unité d'une sonate?
Merci pour ce rappel JPS, je partage aussi cette conclusion.JPS1827 a écrit :...Mais l'unité de la sonate au Clair de lune ne fait aucun doute, l'arpège rageur qui sert de motif thématique au final étant évidemment une exacerbation de la formule d'accompagnement du premier mouvement ; et c'est le finale qui est de "forme sonate" avec deux thèmes. On peut faire aussi des rapprochements entre le motif principal du second mouvement et le second thème du troisième.
Shani Diluka, interviewée (pour le grand public) sur Beethoven, explique, ici en langage simple, avec quelques exemples l'Op 27/2 et 57, comment même inconsciemment et donc sans savoir pourquoi techniquement, on a cette impression d'unité dans les œuvres de Beethoven.
https://www.youtube.com/watch?v=k5GsKceZRLM

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Re: Qu'est-ce qui fait l'unité d'une sonate?
" Qu'est- ce qui fait l'unité d'une sonate ?"
Le pianiste.
Au delà des questions d'écriture analytique, il me semble évident que c'est à l'interprète de trouver la cohérence de la sonate choisie.
Il est important de travailler tous les mouvements. Et c'est lorsqu'on ne peut pas s'empêcher d'enchaîner, lorsque le besoin impérieux du mouvement suivant nous entraîne, qu'on est sur la bonne voie.
Je dois jouer deux sonates de Haydn et en expliquer ma conception dans une semaine. Je dois dire que cette question d'unité est essentielle dans ma démarche.
L'une des sonates (en sol mineur) n'a que 2 mouvements et j'ai dû beaucoup chercher pour comprendre comment les enchaîner. Finalement, lorsque enfin j'ai ressenti le " besoin " du 2d mouvement j'ai compris le premier......
Il faut beaucoup enchaîner les mouvements de sonate, ce qu'on ne fait pas suffisamment en général.
C'est toute une approche, la sonate entière.
J'ai tellement envie de programmer l'opus 110 pour l'an prochain.....
Le pianiste.
Au delà des questions d'écriture analytique, il me semble évident que c'est à l'interprète de trouver la cohérence de la sonate choisie.
Il est important de travailler tous les mouvements. Et c'est lorsqu'on ne peut pas s'empêcher d'enchaîner, lorsque le besoin impérieux du mouvement suivant nous entraîne, qu'on est sur la bonne voie.
Je dois jouer deux sonates de Haydn et en expliquer ma conception dans une semaine. Je dois dire que cette question d'unité est essentielle dans ma démarche.
L'une des sonates (en sol mineur) n'a que 2 mouvements et j'ai dû beaucoup chercher pour comprendre comment les enchaîner. Finalement, lorsque enfin j'ai ressenti le " besoin " du 2d mouvement j'ai compris le premier......
Il faut beaucoup enchaîner les mouvements de sonate, ce qu'on ne fait pas suffisamment en général.
C'est toute une approche, la sonate entière.
J'ai tellement envie de programmer l'opus 110 pour l'an prochain.....
Sylvie Piano http://courspianocollectif.com/