Jouer sur d'autres pianos que le sien

[Oupsi]

Bonjour,
Quelques réunions musicales en vue... et donc la perspective de jouer sur d'autres pianos que le mien. Je me demandais si les pianistes qui ont une plus grande expérience de ces moments ont une sorte de check-list au moment de se mettre au piano, pour une adaptation très rapide de leur jeu en fonction du piano? Est-ce qu'il y a des choses à savoir, à garder à l'esprit, à se dire pour ne pas être trop dérouté et surtout pour ne pas sur-réagir à ces différences entre pianos?

En général dans ces réunions je joue sur des pianos mille fois meilleurs que le mien. Ce n'est pas toujours plus facile, contrairement à ce que je pensais d'abord, et la difficulté me paraît encore plus cruelle dans du Bach, du Haydn ou du Mozart qu'avec une oeuvre romantique.

[Line-Marie]

J'essaie de jouer sur d'autres pianos que les miens et peu importe la qualité du piano. Mais ce n'est très facile de trouver un autre piano.
et je trouve que j'arrive mieux à jouer Bach ou Haydn sur n'importe quel piano que la musique de Chopin ou Debussy, à cause de la précision de la pédale. ..

[Lee]

Je n'ai pas une plus grande expérience mais j'interviens quand même.

Une bonne chose à faire : te jeter sur le piano (avant tout le monde ) et jouer un autre morceau qui a quelques ressemblances avec le morceau que tu va jouer, plus ou moins legato, staccato, pédale, ff, pp, gammes, arpèges, montés, etc.

Est-ce que tu t'es déjà habituée au piano de ton prof malgré les différences ? Sinon, avant et après le prochain cours, tu pourras peut-être faire une petite liste de ce qui te gêne ou t'a gêné, pour avoir cette liste en tête pendant l'essaie du piano et pour se souvenir les adaptations que tu fais / as fait.

J'ai trouvé cet article sur ce qui se passe (en gros) dans le cerveau avec un nouveau piano.
http://trainingthemusicalbrain.blogspot ... e-yet.html

[Line-Marie]

merci Oupsi d'ouvrir ce post très intéressant et Lee , merci pour ce lien. Je vais relire tranquillement, l'anglais n'étant pas ma langue maternelle !

[Okay]

J'ai trouvé cet article sur ce qui se passe (en gros) dans le cerveau avec un nouveau piano.
http://trainingthemusicalbrain.blogspot ... e-yet.html

L'article est en soi très intéressant, mais il donne pour seul conseil d'essayer beaucoup de pianos, afin d'habituer son cerveau moteur aux types de différences qu'on peut rencontrer.


C'est une bonne idée de mettre au point une check-list. Je n'en ai pas vraiment pour ma part, et ce serait pas mal d'y réfléchir un peu. Pour dégrossir un peu, voilà quelques éléments auxquels j'attache de l'importance.
Ce qui compte le plus est à mon avis la facilité à contrôler le piano. En quelque sorte, c'est sa "docilité" dans sa réponse aux différentes nuances qu'on peut lui demander. Il est bon de savoir si le piano claque, et surtout dans quelle mesure on va galérer ou non pour aller chercher les piano/pianissimo (sans trous, inégalités, faux-accents, etc). Ensuite vient l'impression de dureté/mollesse des attaques, en gros on sent ça on jouant quelques traits u bouts de gammes (de préférence dans le grave) sans trop articuler, et on voit assez vite si on va devoir se battre contre la mécanique ou si l’inertie du clavier nous rend la vie plus facile (comme ça devrait être le cas). Enfin, j'attache de l'importance au double échappement pour les pianissimo (est-ce que le piano reste précis si je ne joue pas au fond du clavier ?) et la capacité du clavier à rebondir lorsqu'on joue avec les bras (octaves, accords).

Je pense qu'on peut dire qu'il y a une certaine manière de jouer d'emblée qui va minimiser les problèmes et garantit presque une adaptation sans accidents. Cependant, elle saura difficilement tirer le meilleur de chaque piano. En résumé, il s'agit de bien soigner toutes les attaques, toujours aller chercher le fond du clavier, et bien rester près des touches (ne pas trop lever les doigts).

[Oupsi]

Les difficultés que j'ai le plus souvent quand je joue sur des pianos que je ne connais pas, de la plus grave à la moins grave quant à ses effets sur mon jeu:

* il me semble que ça sonne terne (sans que je sache si ça sonne terne ou pas pour de vrai).
* c'est tellement précis que l'irrégularité de la "distance" entre deux sons me saute aux oreilles et me déstabilise complètement.
* je ne sais pas du tout comment écouter la pédale et la mets donc n'importe comment .
* je n'entends pas bien comment croît le crescendo et comment décroît le diminuendo, je fais tout ça avec mes doigts.
* je ne sais pas toujours si le piano chante ou pas.

Bizarrement, la dernière difficulté est subjectivement la moins grave pour moi, parce que d'une certaine manière je "parie" que ça chante, disons ça ne me déstabilise pas, je vais vers le chant quoi qu'il arrive sans avoir besoin, à tort ou à raison, de preuve que ça chante. Pour les autres points, il me faudrait une preuve immédiate, que je n'arrive pas à percevoir rapidement, entre le stress du jeu en public et la nouveauté du piano ça passe à la trappe (et ça me rend un peu malheureuse); je ne sais pas comment faire pour rapidement "tester" ces choses là, s'il existe une sorte de méthode pour ça.

(edit je poste sans avoir lu le post d'Okay publié pendant que j'écrivais)

[Oupsi]

En lisant la réponse d'Okay je vois bien que le manque d'expérience fait que je ne sais pas d'où vient ce que je perçois, en plus de percevoir des choses de manière tellement floue que toute réaction est compliquée à outrance. En tout cas je vais essayer de profiter des prochaines réunions pour prêter attention à ces aspects là, c'est important quand même. Sur certains pianos, ça va tout seul, d'autres me donnent l'impression de vouloir me "chasser", "hors d'ici, Oupsi" me disent-ils, c'est pas sympa.

[Okay]

Est-ce que tu as pu mettre en évidence les marques qui étaient accueillantes et celles qui étaient hostiles ?
Même si la préparation compte pour beaucoup, certaines marques (ou groupes de marques) ont des spécificités fortes qui pourraient expliquer ceci ou cela ...

Souvent, il peut être vraiment ardu de dompter un piano qui répond bizarrement, combien de fois je me suis surpris à devoir changer mes gestes en me disant "je ne le fais qu'aujourd'hui sur ce piano, ce que je fais n'est pas naturel et sonnerait n'importe comment sur un autre piano".

J'ajoute aussi qu'il est du coup tres utile de savoir d'avance comment un "bon piano" est supposé se comporter, ce qui est souvent différent de notre piano habituel, mais devrait être le point de référence à partir duquel modifier sa façon standard de jouer. Les bons instruments ont en commun de nous donner l'impression d'être de notre côté, de nous bonifier.
J'ai participé il y a 6 mois à un concert amateur avec 6 pianistes de niveaux tres variés, que j'ai tous entendus répéter sur un droit pas évident du tout à faire parler. J'étais assez inquiet pour certains je dois dire. Le jour du concert, le Steinway a mis en lumière le meilleur de chacun dans des proportions assez inimaginables. Tout le monde semblait être devenu "bien meilleur" du jour au lendemain...

[jean-séb]

Oui, excellent sujet, qui aura le mérite de rassembler sous un seul titre des expériences qu'on a peut-être déjà évoquées de manière éparpillée dans le forum.
Je suis généralement très déstabilisé par un piano inconnu. Je suis tellement habitué à MON piano, qui répond à peu près comme je m'y attends, que j'ai beaucoup de mal avec un autre piano, soit qu'il me paraisse trop dur ou trop mou, soit qu'il me paraisse trop sonore, soit qu'il ne me permette pas de jouer pianissimo (la note ne sort pas). Comme par ailleurs ma seule et pauvre mémoire au piano est la mémoire kinesthésique, le moindre changement dans le ressenti de mes mains sur le piano me fait perdre toute cette mémoire et c'est naturellement la page blanche assurée (mais du coup je joue toujours avec partition, laquelle n'est pas forcément non plus placée à bonne hauteur sur un piano ennemi !). Bref, oui, jouer sur d'autres pianos que le mien est une expérience pénible mais que je suis content de pouvoir faire grâce notamment au forum, car je pense quand même qu'un peu d'entraînement aide, comme pour la gestion du trac.
Je précise qu'il fut un temps ou j'avais trois pianos très différents, à trois endroits différents : un Yamaha C3 chez moi, un vieux Gaveau demi-queue à la campagne, et un vieux Erard demi-queue puis un Kawai à mon bureau. Je passais très aisément de l'un à l'autre, car on s'habitue finalement à plusieurs pianos différents ; on s'adapte très bien et ces trois pianos m'étaient parfaitement connus.
Ce qui est difficile, c'est l'adaptation immédiate, sur le champ, à un autre piano. Je me rappelle pas si cela me paraissait plus facile quand j'avais ces trois pianos sosu les mains car je n'avais au fond pas beaucoup d'occasions de jouer encore ailleurs. Mais en bonne logique, je crois que ça devait l'être.

[DIDIER25]

Dans ce domaine qui finalement relève de l'"ergonomie" du piano, je suis bluffé par les derniers Yamaha C2X et C3X. Ils semblent vraiment "tomber" facilement sous les doigts. Tout parait plus simple à jouer et à faire sonner (pour peu qu'ils soient bien préparés). J'ai aussi eu la chance de jouer une fois un demi-queue Fazioli, même sentiment. A l'inverse, le tout petit pianiste que je suis n'est jamais parvenu à jouer correctement sur un Bösendorfer. Je crois qu'il faut du métier….. Dans les pianos droits, j'ai toujours trouvé les Sauter agréables ainsi que les C Bechstein. Je n'ai pas eu de difficulté avec les Schimmel, mais je suis habitué à cette marque. Mais je crois que la préparation du piano, le réglage de la mécanique sont les facteurs principaux qui peuvent permettre de se sentir "à l'aise" sur n'importe quel piano. Okay, tu cites Steinway à juste titre, mais dans cette marque plus encore que d'autres il faut le suivi d'un technicien très compétent. Je connais des Steinway de conservatoires qui, faute d'avoir été confiés à des facteurs de renom, sont devenus des vrais instruments de supplice !….

[Lee]

Lee a écrit:
J'ai trouvé cet article sur ce qui se passe (en gros) dans le cerveau avec un nouveau piano.
http://trainingthemusicalbrain.blogspot ... e-yet.html

L'article est en soi très intéressant, mais il donne pour seul conseil d'essayer beaucoup de pianos, afin d'habituer son cerveau moteur aux types de différences qu'on peut rencontrer.

C'est vrai mais comme il explique la procédure du cerveau, ça me rassurait (probablement faussement) que "ça se fait tout seul".
Je n'avais pas l'impression d'avoir été déroutée par les différences de piano étant jeune, serait-il parce que le cerveau était plus adaptable jeune ou parce que les pianos aux Etats-Unis varient moins ? Je ne sais pas. Je me rends compte de deux sortes de piano qui me dérangent maintenant, que je n'ai pas touché auparavant : les touchés molles d'un mauvais silencieux ou les pianos cotonneux.

[tech_piano]

Le plus important, c'est d'avoir photographié durant votre travail des sensations sûres, notamment en terme de toucher.

Si vous pouvez compter sur ce que vous sentez en fond de clavier, alors vous adapter prendra quelques secondes, car c'est à partir du fond de clavier que tout se contrôle, et non pas à partir de l'énergie qu'on met à enfoncer les touches.

Enfin, à partir de là, vous arriverez à faire sonner n'importe quelle guimbarde, même les pires et les moins bien réglées (dont je tairais le nom ), car votre écoute n'aura plus beaucoup de chemin à faire, pour retrouver le lien avec vos sensations par le toucher.

[marc d]

Il est très important que le pianiste joue sur d'autres pianos que le sien. Cela lui fera, bien souvent, prendre conscience des limites de son 1er instrument, et surtout de connaitre d'autres horizons sonores, qui lui donneront un nouvel élan. Plus on essaye de pianos différents et plus on sera capable d'en déceler les qualités ou défauts . Personnellement, il m'arrive parfois de tester dans la même journée une cinquantaine de modèles différents, sans que cela me pose problème. N'hésitez pas à franchir les portes des points de vente pour se "faire la main" !

[Oupsi]

Réponses très intéressantes.

Si j'essaye d'élaborer cette petite liste de vérification (qui pourrait d'ailleurs aider à lutter contre le stress du jeu en public; au lieu de faire des exercices psychomachins pour améliorer l'état de la pianiste, se concentrer une ou deux minutes sur l'état du piano c'est peut-être plus utile) (ce qui n'empêche pas de respirer etc.).

Donc: quelques traits au fond du clavier; quelque octaves; quelques trilles. aller écouter dans toutes les zones du clavier (histoire de ne pas être surprise par les basses ou les aigus). Un peu de legato, un peu de staccato. Quelques accords avec pédale. Ah, les touches noires, la sensation peut varier d'un piano à l'autre, donc les essayer aussi. Le tout vraiment en peu de temps, c'est une vérification, pas une préparation technique. Etre dans une disposition d'esprit à prendre des décisions rapides. Genre Churchill devant une carte d'état major. Vous voyez d'autres choses importantes?

[Lee]

Peut-être une gamme normale, chromatique si tu as le temps ?