J'en appelle à vos connaissances sur l'histoire des récitals.
Est-il exact que jusqu'à une certaine époque (à préciser) une oeuvre n'était pas forcément jouée dans sa totalité?
Ainsi le concertiste pouvait interpréter le 1er mouvement d'une sonate de Mozart, puis enchaîner avec un mouvement d'une sonate d'un autre compositeur et ainsi de suite sans qu'une oeuvre soit jouée dans sa totalité.
Une ou des parties improvisées pouvaient même s'intercaler dans un programme qui pouvait durer fort longtemps.
Gennaro Primoli a écrit :Est-il exact que jusqu'à une certaine époque (à préciser) une oeuvre n'était pas forcément jouée dans sa totalité?
Ainsi le concertiste pouvait interpréter le 1er mouvement d'une sonate de Mozart, puis enchaîner avec un mouvement d'une sonate d'un autre compositeur et ainsi de suite sans qu'une oeuvre soit jouée dans sa totalité.
Une ou des parties improvisées pouvaient même s'intercaler dans un programme qui pouvait durer fort longtemps.
Oui, c'est exact. Il faut regarder les programmes de concert au XIXe siècle. On peut en trouver un certain nombre sur Google Livres, notamment en précisant "salle Herz" ou "salle Erard" ou "salons Pleyel" et en se limitant au XIXe siècle, avec des critiques parues dans diverses gazettes musicales.
Même pour les concerts symphoniques, il y avait souvent des extraits d’œuvres, en sus d'une ou deux symphonies complètes. On a la chance d'avoir les programmes détaillés des concerts de la Société des Concerts du Conservatoire : http://hector.ucdavis.edu/sdc/
Il n'y a qu'à les lire, c'est très instructif sur la vie musicale.
Merci beaucoup jean-seb pour ce lien ! En parcourant les années, on se rend compte à quel point le goût du public évolue au fil du temps : des compositeurs comme Meyerbeer ou Cherubini étaient à l'époque considérés aussi légitimement que Mozart ou Beethoven, alors qu'aujourd'hui ils ont presque complètement disparu des programmes de concert
Passionnant! Merci Jean Seb. C'est émouvant de pouvoir lire les noms des chefs d'orchestre , des pianistes et autres solistes passés à la postérité. Je suis par contre très surprise que les concerti de Chopin ne sont jamais joués par cette société, alors que celui de Schumann ou Mendelsohn oui. Un peu de Liszt avec Ferrucio Busonni...
Les programmes étaient vraiment plus variés qu'aujourd'hui. Comme j'aimerais pouvoir entendre les oeuvres de Lili Boulanger. ...
une grande constante dans ces concerts: les symphonies de Beethoven.
J'ajoute pour Gennaro un extrait du Vocabulaire de la Musique romantique, de Christian Goubault (Minerve, 1997), à la rubrique "Programmes de concert" : http://cjoint.com/?DDdjpGT76Zp
Cela parle des concerts en général, car, si l'on se restreint au récital, il faut se rappeler que le mot est apparu dans ce sens en Angleterre en 1840 pour Liszt et qu'il a été utilisé de manière courante en France seulement vers la fin du XIXe siècle, même si la chose avait été connue en France, parfois sous d'autres noms comme "soliloque". Une formule pas toujours appréciée comme en témoigne cette critique parue en 1851 dans la Revue et Gazette musicale de Paris : M. Ferdinand Praeger, pianiste de Londres, est venu tâter le terrain musical de Paris. Il a paru devant un auditoire prié, invité par lui à venir l'entendre dans la salle Sax. Sa séance se composait de onze morceaux de piano, écrits par M. Praeger, et dits par lui à la suite l'un de l'autre, sans interpolation d'aucun autre solo instrumental, de romance ou de chansonnette. M. Praeger a voulu sans doute voir jusqu'où irait le dilettantisme français en fait de piano. Liszt a tenté jadis cette épreuve. C'était une fatuité musicale et pianistique qui lui était permise : il ne l'a pas recommencée cependant. M. Praeger a dû être content de l'accueil, de la patience et même des suffrages du public français. Nous lui conseillons de faire comme Liszt, de ne pas recommencer ce soliloque musical un peu trop prolongé.
La musique de ce Ferdinand Praeger attend encore d'être (re)découverte ; il y a des caisses entières de manuscrits à la disposition des chercheurs. http://libweb1.lib.buffalo.edu:8080/fin ... mu0046.xml
C'est marrant de constater que déjà à l'époque, les français avaient un problème avec le nom de ce pauvre Franz
CONCERT EXTRAORDINAIRE
Le Vendredi-Saint 17 Avril 1835,
à 8 h. ½ du soir
1. Symphonie en ut mineur de Beethoven, redemandée.
2. O Salutaris, chœur sans accompagnement, de M. Cherubini.
3. Solo de trombone, exécuté par M. Dieppo.
4. Ouverture d’Oberon, de Weber.
5. Concerto de piano, de Weber, exécuté par M. Listz.
6. Fragment de l’oratorio de Beethoven.
nox a écrit :C'est marrant de constater que déjà à l'époque, les français avaient un problème avec le nom de ce pauvre Franz
5. Concerto de piano, de Weber, exécuté par M. Listz.
Oh que oui. Voici par exemple Le Ménestrel du 24 mars 1844, avec la même faute et un intéressant point de vue sur l'état des pianos après le passage des pianistes virtuoses :
Le pire, c'est qu'il y a encore des gens, y compris dans le milieu musical, qui prononcent Litse et Haïnde (Liszt et Haydn) !
Je n'ai pas réussi à retrouver un impressionnant programme de récital d'Anton Rubinstein, avec une première partie dédiée à Couperin je crois, est-ce que ça te dit quelque chose, jean-séb ?
JPS1827 a écrit :Je n'ai pas réussi à retrouver un impressionnant programme de récital d'Anton Rubinstein, avec une première partie dédiée à Couperin je crois, est-ce que ça te dit quelque chose, jean-séb ?
Ça ne me disait pas grand chose mais je suppose -- Google aidant -- que tu fais allusion à sa série de sept récitals historiques, lors de sa tournée en Europe et en Russie en 1885-1886 : http://books.google.fr/books?id=D-0VX3A ... in&f=false
nox a écrit :De mon côté je suis surpris aussi de trouver si peu de concerts de Chopin et Liszt, je n'en ai trouvé qu'un pour chacun, en 1837 je crois
Où as-tu cherché ? Si, il y en a plein, mais c'est relativement fastidieux à retrouver. Il faut éplucher les gazettes dans Gallica ou Google Livres.
Ben, je prends au hasard 1909, et Liszt est programmé quatre fois : deux fois pour les Préludes, une fois pour le XIIIe psaume, et une fois pour le concerto en mi b. Et naturellement, il n'y a pas que 1919.
Pour Chopin, j'essaie plus méthodiquement : il est programmé en 1911 (concerto en mi m), en 1918 (Andante spianato et polonaise, par Cortot), en 1927 (concerto en fa) en 1930 (concerto en mi m et études), en 1953 et 1959 (concerto), etc.
oui je rejoins NOx. J'en ai fait la remarque plus haut... pas de concerto de Chopin ni de Liszt dans le cadre de cette socièté au XIXème siècle
Pour les concerts fleuves , il y aussi le pianiste Ricado Vines qui donnera 4 récitals immenses..
Quatre Concerts Historiques
Cet interprète de la musique de son temps, sera aussi celui qui va créer une nouvelle conception du récital de soliste. Contrairement à ses collègues dont les programmes de concerts étaient conçus de façon à faire valoir le soliste et non l'intérêt d'une œuvre, programmes "fourre-tout" : un mouvement d'une sonate, un morceau de virtuosité suivi d'un autre extrait, une transcription d'une œuvre orchestrale, toutes époques confondues dans un désordre indescriptible. Viñes est un des premiers sinon le premier à proposer en 1905, des programmes de concerts d'un genre totalement nouveau. Il va donner en effet quatre concerts offrant un panorama de la musique pour clavier du 16ème siècle au 20ème. Pour se faire il va passer des heures dans les bibliothèques afin de révéler au public les œuvres du passé. Il opère un choix dans ce qu'il y a de plus caractéristique pour chaque époque et chaque pays, ces œuvres sont totalement ignorées du public, seulement connus de quelques musicologues. Afin de jouer ce répertoire d'œuvres anciennes il trouve à la maison Érard un pianoforte du XVIIIe siècle qui a appartenu au chanteur, Henri Garat. Il prend conseil de ses amis Jean Marnold et La Laurencie sur l'interprétation de ces partitions. Il vit dans l’angoisse devant l'énormité du projet et le peu de temps dont il dispose pour le réaliser.
« Je ne vis qu’avec l’idée fixe de ces quatre concerts énormes que je vais donner et qu’il m’a fallu préparer tellement vite, ce à quoi personne ne croira, mais c’est presque une folie que je fais de donner ces concerts, ayant eu à apprendre – totalement nouveau pour moi – plus de la moitié des morceaux, quelque chose comme quarante, et dont, en octobre, je ne savais pas une note ! Que Dieu m’aide dans cette entreprise et pour fournir un tel effort ».
Son ami Dimitri Calvocoressi, établit une comparaison entre les quatre concerts de Viñes et les sept concerts qu’Anton Rubinstein a donné en 1886. :
« En ce qui concerne les maîtres consacrés, les deux séries de programmes ne s’écartent guère l’une de l’autre, sauf toutefois à l’égard de Franz Liszt dont Rubinstein joua bien seize pièces, mais pas un seul de ses nombreux chefs d’œuvres », par ailleurs il souligne que Viñes ne fit pas précéder " ses concerts par de retentissantes annonces et s’abstint de faire proclamer en de propices communiqués les succès ». Viñes bisse un certain nombre de pièces, il en joue même qui ne figurent pas au programme : « Voici, une belle leçon donnée aux amateurs de réclame qui nous envahissent et l’attitude d’un véritable, d’un grand artiste ».
Technique, passion, clarté, précision, intelligence, sensibilité, abnégation, autant de mots pour définir le serviteur d'un art indéfinissable : La Musique
jean-séb a écrit :Ben, je prends au hasard 1909, et Liszt est programmé quatre fois : deux fois pour les Préludes, une fois pour le XIIIe psaume, et une fois pour le concerto en mi b. Et naturellement, il n'y a pas que 1919.
Pour Chopin, j'essaie plus méthodiquement : il est programmé en 1911 (concerto en mi m), en 1918 (Andante spianato et polonaise, par Cortot), en 1927 (concerto en fa) en 1930 (concerto en mi m et études), en 1953 et 1959 (concerto), etc.