Préludes Debussy

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mathieu1983
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Préludes Debussy

Message par mathieu1983 »

En avançant dans l'âge,j'arrive (enfin) à apprécier certaines pièces que je trouvais complètement obsolètes il y a quelques années...c'est ce qui s'appelle "ouvrir ses oreilles" j'imagine :) ...

Debussy est un compositeur que j'affectionne tout parculièrement,même si pas mal de ses oeuvres me sont encore inaccessibles (je prends l'exemple de Canope et Feuilles mortes,issus des préludes)
Est-ce grave docteurs ???

-Quels sont pour vous,les plus beaux préludes ? ceux que vous aimez jouer ou écouter et par qui ?
-Question technique pour Voiles:quel est votre doigté pour la 1 ere mesure en tierces ?? pour ma part,je pose le 1er accord (mi-sol), puis je quitte le clavier en liant avec la pédale (je sais que c'est les mauvais pianistes qui font ça :( ) sur le suivant (ré_fa) avec 1-5 pour faire en partant de ré-fa:1-5 2-4 1-3 1-2


Merci pour vos réponses
Ventdouest
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Enregistré le : dim. 30 déc., 2012 22:28

Re: Préludes Debussy

Message par Ventdouest »

Aaahhh Debussy... mon compositeur de prédilection...

J'ai joué la cathédrale engloutie (présentée au bac, et qui a été le premier morceau que j'ai repris après mon interruption de 30 ans...), mais aussi des pas sur la neige, insondable peinture du désespoir humain, la fille aux cheveux de lin, la puerta del vino, plus espagnole que l'Espagne...

Et il n'y a pas que les préludes. L'hommage à Rameau (1er cahier d'images), une des plus belles idées mélodiques du compositeur, m'a valu mon unique succès public à ce jour (au lycée, hein, pas à Pleyel...).

Mon préféré est peut-être ce qu'a vu le vent d'ouest (d'où le pseudo). Mais là, je n'ai pas le niveau pour l'attaquer. Quant à feux d'artifices, pffff.... bien obligé de le laisser à d'autres. La Campanella est une promenade, à côté... Dire que certains accusent Debussy de "statisme" !

Voilà pour mes préférés. Interprète : sans surprise la référence, Gieseking. J'y reviens toujours après avoir écouté d'autres versions (qui peuvent être intéressantes).

Pour Canope, on est en plein dans la conception debussyste du "son en soi". Il faut cesser de voir la suite d'accords comme un enchaînement, et les prendre un par un.
Coupe ton disque, assieds-toi au piano, joue chaque accord un par un, très lentement, éventuellement en le répétant, pour le déguster isolément, sans te préoccuper de celui qui précède ou suit. Et l'esprit du Maître va s'épanouir en toi...

Chez Debussy, chaque accord est un prélude en concentré.
Le plus fort, c'est qu'il y arrive avec l'accord harmoniquement le plus banal, l'accord parfait.

Sinon, pour Voiles, je vois plusieurs doigtés possibles, mais pas le tien...

Le plus immédiat : 3-5 2-4 1-3 3-5 2-4. Peut-être pas le plus équilibré du point de vue des déplacements de la main. Faut voir.
Moins évident à première vue, mais peut-être pas mal : 1-5 2-4 1-3 2-4 1-3 (avec des variantes possibles).
Je n'ai jamais joué cette pièce, donc si un contributeur plus expérimenté que moi a un meilleur doigté à proposer, il est le bienvenu.

Amha, la liaison à maintenir absolument (sans quitter le clavier, pédale ou pas), c'est celle entre la première tierce et les suivantes. Après, dans les triples croches, on peut profiter de la vitesse pour escamoter un peu les liaisons, quitte à mettre une demi-pédale (mais léger, hein!). Mais dans l'interprétation seulement, le travail technique du morceau, lui, se fait sans pédale.

Dans le principe, je ne voit pas d'objection à utiliser la pédale pour faire les liaisons lorsque c'est impossible. Il en est de la liaison sans pédale comme des pouces sur les touches noires : ce sont des interdits pour baroqueux. Les compositeurs modernes ne s'occupent plus de savoir s'il y a assez de doigts pour jouer toutes les notes, alors en garder pour lier... Bien obligé d'utiliser la pédale dans ces conditions. Une pièce comme la cathédrale engloutie est injouable sans pédale.

Ce qui ne veut pas dire qu'on enfonce le champignon dès la première note pour ne le relâcher qu'à la fin du morceau ! Au contraire, il faut avoir encore plus de discernement et de technique que dans un morceau romantique. Pédale, demi-pédale, vibrato de pédale, pas forcément corrélé au rythme... il y a des ouvrages entiers sur le sujet.

Pour paraphraser Saint Ex (ou Valéry, je ne sais plus) : le jeu de pédales a atteint sa perfection non lorsqu'on ne peut plus en rajouter, mais lorsqu'on ne peut plus rien retrancher.

Et pour revenir à Voiles : la pédale, dans la première mesure, avec... mesure. Demi-pédale, vite relâchée, plus pour préparer l'oreille à la résonance générale, au climat d'ensemble que l'on veut conférer à l'oeuvre que pour faire passer ce &@!* d'enchainement de tierces. Et surtout pas pour s'économiser la liaison entre la première tierce et les suivantes.

En espérant avoir répondu, bon voyage dans le monde debussyste.
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Okay
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Re: Préludes Debussy

Message par Okay »

Mon préféré, si je dois en isoler un, serait "La terrasse des audiences du clair de lune", pour son côté envoûtant, et l'une de ses pièces aux plans sonores les plus riches
J'aime aussi énormément la danse de Puck (un feux-follet par Debussy) et Feuilles mortes.

Je propose souvent des doigtés qu'on peut trouver farfelus. Que penses-tu de celui ci pour le début de Voiles :
4-5, 3-5, 2-4, 1-3, 1-2.
Il a la bizarrerie de commencer le morceau sans l'assise d'un doigt fort. Mais l'immense avantage de ne pas passer le pouce.
Ça me semble important pour préserver le coulant du motif, comme joué par 2 flutistes qui le font naître d'un seul souffle. Si on peut à peine deviner le passage du pouce, c'est assez rédhibitoire.
L'idée est de tenir au début le legato par la partie inférieure (doigts forts), puis le 2 ou 3 dernières tierces par la partie supérieure (à nouveau doigts forts).
Ventdouest
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Re: Préludes Debussy

Message par Ventdouest »

Pour un doigté original, c'est un doigté original...
Effectivement, l'économie du passage du pouce est un argument majeur.

A l'essai, j'ai quand même du mal à me l'approprier : le 4-5 initial m'écartèle un peu les doigts (limite douleur si j'insiste) et du coup je n'arrive pas à donner l'assise suffisante à cette première tierce qui est quand même ce qui lance la pièce. Peut-être que, moi aussi, je devrais changer de main pour une plus grande...
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Okay
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Re: Préludes Debussy

Message par Okay »

As-tu essayé avec le 4 extrement arrondi/recourbé et le 5 détendu à plat ?
Il y a une position qui devrait régler le souci, qui peut se trouver en plaquant detendu et spontanement l'accord sol# do mi sol#, avec 1-2-4-5.
Ou bien en jouant juste la tiece avec la main et l'avant bras orientés vers la droite, le coude vers l'extérieur.

(j'insiste un peu car j'ai moi meme des extensions assez limitées)
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JPS1827
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Re: Préludes Debussy

Message par JPS1827 »

Le doigté d'Okay n' a rien d'original, il est parfaitement naturel et c'est celui que conseillait bon nombre de profs quand je faisais mes études. Une variante possible est de mettre 1-4 au lieu de 4-5 sur la première tierce, puis de descendre à partir de 5-3. Il est évident qu'il faut absolument éviter de tourner la main dans tous les sens pour cette petite descente. Il faut veiller au legato et surtout à l'égalité de la partie supérieure et jouer légèrement les notes inférieures. C'est un prélude facile à jouer sur le plan pianistique mais qui demande un gros travail de mise en place sur le plan sonore. André Quesne en avait donné une version soignée (que je n'arrive pas à retrouver) l'année dernière, tout comme pour Danseuses de Delphes.

Sinon, comme pour les préludes de Chopin, je pense qu'on ne peut rentrer dans le monde des préludes de Debussy qu'en en jouant plusieurs dans l'ordre où ils apparaissent. On peut les grouper par 3, par 4 , par 6 ou par 12 (un cahier entier) suivant son niveau et ses ambitions. Je trouve dommage de jouer quelques préludes éparpillés. Ainsi pourquoi ne pas jouer Danseuses de Delphes, Voiles, le vent dans la plaine (un peu plus difficile) en suivant, cela permet de vraiment saisir le début de ce premier livre, ou bien La cathédrale engloutie, la danse de Puck (demande du travail) et Minstrels. Pour des pianistes n'ayant pas une très grande expérience, un professeur me paraît indispensable pour ne pas se lancer dans ces œuvres de façon inappropriée.
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