Merci beaucoup Jean-Luc de nous avoir partagé ta méthodologie.
Plusieurs éléments me parlent tout particulièrment :
Jean-Luc a écrit :une fois le morceau déchiffré et appris par coeur, avec les nuances et la pédale, et au tempo, laisser reposer pendant 3 semaines/1 mois sans jamais y penser. Travailler autre chose.
On peut monter du repertoire sans cette phase de décantation, mais pour que ça se fige dans la durée elle est simplement essentielle, il se passe pas mal de choses inconscientes pendant ce moment. En fait, il arrive toujours un moment où cette phase débute, puisqu'on finit bien par mettre le morceau de côté, cependant on perd parfois l'opportunité de le reprendre quelques semaines plus tard, et il repose indéfiniment. C'est l'erreur à ne pas faire, car on rate l'opportunité bénéficier de ce travail passif en attendant beaucoup trop longtemps, il faut attendre ni trop ni trop peu. La durée que tu indiques me semble très bien.
Jean-Luc a écrit :une fois que le morceau est bien revenu dans les doigts, alterner en permanence le travail lent, modéré et au tempo final
C'est peut-être le point le plus important de toute la liste. Tellement de musiciens travaillent en montant graduellement le métronome sans s'aventurer au tempo rapide, ou bien oublient de redescendre une fois qu'ils peuvent aller vite. On a déjà beaucoup parlé des toutes les excellentes raisons d'alterner les vitesses, non seulement jour après jour, mais on sein d'une séance de travail. Eviter de finir en mode lachage ou en mode microscope, mieux vaut terminer tranquillement sur le tempo modéré, comme tu le suggères ici :
Jean-Luc a écrit :terminer la session en jouant moderato et mezzo-forte ou forte pour assurer les articulations, sans pédale.
Jean-Luc a écrit :prendre des repères (en général il faut respecter le phrasé) pour qu'en cas de trous de mémoire, on ne reste pas complètement bloqué
Oui, c'est important de ne jamais concevoir un morceau comme un immense flux continu, même si la musique exprime ce flux du début à la fin. Dans la tête, c'est toujours une structure un poupées russes.
Jean-Luc a écrit :travailler autrement la mémoire en n'étant pas au piano, mais en visualisant mentalement le jeu sur le clavier (c'est très difficile) : penser à chaque note de chaque main, penser aux phrases, penser aux doigtés. Il faut que le morceau se déroule dans la tête exactement comme si on jouait réellement. Je le fais dans le métro ou dans la rue.
C'est le test ultime d'un morceau vraiment su dans les moindres détails. Parfois dans l'élan, beaucoup de choses passent au clavier alors qu'elles ne le "devraient pas", car elles passent grace à des automatismes qu'on n'a jamais proprement démontés. De manière très utile, lors de ce travail mental, de tels passages ne passent jamais et accrochent. On se heurte à un blocage mental, voire un mini-trou de mémoire, le cerveau n'a pas la totalité de l'instruction suivante à disposition. La il faut s'arrêter, rembobiner et trouver en soi la solution pour "constuire" la transition où ça a bloqué. Recommencer autant de fois que nécessaires, et ne prendre la partition qu'en dernier recours si après une dizaine de tentatives (plus lent, plus vite, mains séparées, juste les notes, rappeler la kinesthésie seule, partir de plus loin, etc) ça ne passe toujours pas. Si on se sort d'un tel blocage (ça demande un effort mental important, ne pas s'y tromper), le passage est alors gravé encore plus solidement qu'en l'ayant travaillé au piano.
Jean-Luc a écrit :au piano, commencer la session de travail comme si on était en situation : s'asseoir, se concentrer, faire le vide sans sa tête et penser aux premières mesures. S'imaginer vraiment en situation de "concert". Surtout ne pas s'interrompre ni se reposer si on a plusieurs morceaux prévus
- refaire le programme 3 ou 4 fois de suite, toujours sans se lever du piano et toujours au tempo, comme si on n'avait pas fini le programme
Oui, mais ne pas travailer comme ça à toutes les sessions de travail. Ce type de session là est à privilégier lorsque la date d'un passage en public approche. Lorsqu'on est plus en amont, certaines sessions sont surtout dédiées à ne rien laisser passer et s'arrêter au moindre problème. Attention néanmoins avec ce travail fin, il faut toujours relier avec ce qui vient avant et après le problème, sinon le travail ne fait que stigmatiser la zone de fragilité.
Jean-Luc a écrit :travailler de même sur un autre piano que le sien, le plus souvent possible.
Dans l'idéal et dans la mesure du possible, c'est très important. A celà je rajoute même qu'il vaut mieux être conscient de la spécificité de chaque piano : lourd, leger, eclatant, pateux, son prêt/à faire, coloré/mat, équilibre des registres, pédale précise ou non, dynamique du rebond dans le jeu staccato, enfoncement bien/mal réglé, etc. En gros ça permet de savoir quels risques on peut se permettre ou s'il faut vraiment faire gaffe (néccessité de jouer de très près, d'aller bien chercher le fond de la touche).