pianistes de haut vol

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Juanito
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Re: Un Grand

Message par Juanito »

J'ai enfin pu visionner la vidéo initiale du sujet. Je n'ai pas eu le temps de lire les débats qui suivent et qui ont l'air de voler très haut. Je me suis arrêté à "extra-terrestre" mais je suis sûr que j'ai plein de trucs à dire sur les déplacements, passant une certaine partie de ma vie en train ou en avion (haha).

Et bien oui des pianistes aveugles il y en a plein! Et on en a des bien de chez nous Madame!

En visionnant la vidéo, je me suis rappelé très nettement un souvenir d'enfant, devant ma télé, peut-être la première fois où je me suis dit qu'être pianiste ça devait vraiment être super coule.

Remarquez la position des mains collées au clavier et les mouvements de la tête (que j'ai longtemps chercher à reproduire dans la cave où mes parents avaient chaleureusement disposé le piano, à côté du bac à chat).

Ne riez, pas, c'est très sérieux, assez impressionnant finalement, et ça commence à 1:25:00

https://www.youtube.com/watch?v=oHcXMdel_Wo

(Le son pourra être astucieusement baissé)
Presto
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Re: pianistes de haut vol

Message par Presto »

J'ai édité le fil :wink:
Ce ne serait pas ton jet ?
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Juanito
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Re: pianistes de haut vol

Message par Juanito »

Bon j'ai lu la petite discussion "déplacement", et je suis d'accord avec... personne (haha! Ca c'est de la bonne provoc, non? )

(Et j'attaque)

D'abord je ne suis pas d'accord avec toi, Okay, quand tu parles de prise de risque. Il faut arriver à 0% de risque, mieux que l'aviation et le nucléaire réunis. Si ce n'est pas possible, c'est qu'on n'est pas mûr pour le morceau, ou qu'il faut jouer moins vite ou n'importe quoi dont on n'a pas conscience et qu'un oeil extérieur saura déceler. Mais le but ultime c'est zéro faute, tout le temps. Ca veut dire contrôle du début à la fin du déplacement. Attention, je ne dis pas qu'on en est capable, hélas! ce serait trop beau, mais c'est ce vers quoi il faut tendre. Attention aussi, contrôle ne veut pas dire pas de détente, bien au contraire! Mais si prise de risque il y a, il faut que ça soit un engagement personnel du pianiste lié à un moment précis, un choix. Ca ne peut pas être une technique.

Par contre dans ce qui tu dis Blue j'ai parfois l'impression que tu focalises sur la note d'arrivée, or c'est une erreur de penser à l'arrivée avant la fin. C'est le meilleur moyen de se précipiter, même un tout petit peu trop, pour aller là ou on veut aller, en oubliant 2 choses: détente de la main (des muscles, pas des nerfs!) qui doit avoir lieu dans un déplacement, et ... musique! (ah oui tiens, ce n'est pas un forum sur l'aviation?) C'est à dire, respiration, accents. Les déplacements n'ont rien à voir si l'accent est au départ où à l'arrivée par exemple, si le champ est sur la première, la deuxième ou la troisième note (tout est hélas possible dans les esprits torturés des grands compositeurs). Penser trop à la note d'arrivée produit à coup sûr: une accelération non nécessaire du tempo, un déplacement à la hâte non maîtrisé pouvant aller jusqu'à un crash sur l'ongle du 5ème doigt.

Du coup la bonne hauteur est donnée par tout ça: comment arriver à contrôler totalement son déplacement pour ne pas rompre le chant, en profiter ou pas pour respirer, se détendre la main, et pourquoi pas..... prendre du plaisir à faire son grand pianiste romantique tourmenté les mains levées s'abattant furieusement sur le clavier en prenant 200% de risque parce que c'est ce soir ou jamais :-D
Presto
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Re: pianistes de haut vol

Message par Presto »

Juanito a écrit : un déplacement à la hâte non maîtrisé pouvant aller jusqu'à un crash sur l'ongle du 5ème doigt.
:lol: en vols à très basse altitude pour échapper aux radars mais produire un maximum d'effets, comment faites vous les glissandis sans vous faire mal à la peau des ongles ? Et pis en terrain escarpé sur les touches noires ?
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Re: pianistes de haut vol

Message par BluePhoenix05 »

Juanito a écrit : Il faut arriver à 0% de risque, mieux que l'aviation et le nucléaire réunis. Si ce n'est pas possible, c'est qu'on n'est pas mûr pour le morceau, ou qu'il faut jouer moins vite ou n'importe quoi dont on n'a pas conscience et qu'un oeil extérieur saura déceler.
Assez d'accord.
Juanito a écrit :j'ai parfois l'impression que tu focalises sur la note d'arrivée, or c'est une erreur de penser à l'arrivée avant la fin. C'est le meilleur moyen de se précipiter, même un tout petit peu trop, pour aller là ou on veut aller[...]Penser trop à la note d'arrivée produit à coup sûr: une accelération non nécessaire du tempo, un déplacement à la hâte non maîtrisé pouvant aller jusqu'à un crash sur l'ongle du 5ème doigt.
Pas d'accord, le "tempo" des gestes n'est pas relié au tempo musical. Quand on prépare, il n'y a pas de "crash" comme tu dis ; c'est pour l'éviter qu'on prépare justement, pour se téléporter pile au bon endroit sans aucun freinage d'urgence. On peut éventuellement élider la phase d'arrêt plus tard.
Juanito a écrit : détente de la main (des muscles, pas des nerfs!) qui doit avoir lieu dans un déplacement
Oui, avoir la main tendue bloque ou ralentit le déplacement.
Juanito a écrit : Les déplacements n'ont rien à voir si l'accent est au départ où à l'arrivée par exemple, si le champ est sur la première, la deuxième ou la troisième note
Il y a une composante commune. L'attaque peut varier (une fois qu'on a préparé la note, on peut l'attaquer comme on veut), ce qui peut aussi différer, je pense, c'est la combinaison "arrivée+départ sur la note" à étudier. Il ne faut pas voir que des notes isolées ni que des déplacements entre notes.
Quelques traductions de poèmes chinois à ma sauce
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Okay
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Re: pianistes de haut vol

Message par Okay »

Oui, pas du tout d'accord non plus avec l'idee qu'anticiper mène à l'accélération. On pourrait aussi présumer que ne pas anticiper fait hésiter ou se tromper. Quand on joue je pense que la tête doit toujours avoir de l'avance, sinon notre jeu est assez statique, on joue comme si on accolait des petits fragments, ça tue la narration, qui est probablement l'élément le plus saillant d'une interprétation.
L'anticipation permet justement de ne pas crisper, car elle évite de faire un geste de dernière minute dans l'urgence car non mentalement amorcé.

Zéro faute ne veut pas dire zéro risque, par contre zéro risque ne veut pas dire zéro faute ! Franchement un pianiste qui ne prend pas du tout de risque, c'est un pianiste tout le temps dans le contrôle, et personnellement ça m'ennuie souvent.
D'autre part, la prise de risque peut paradoxalement améliorer la précision, car le geste est relâché, et s'il a été travaillé il a toutes les chances d'être précis. Le contrôle peut au contraire créer des imprécisions par la crispation (plus mentale que physique - les dégâts du syndrome du "je me dis une mesure avant qu'il ne faut pas que je me plante sur ce déplacement alors je vais faire très attention") qu'il génère, et en tout état de cause rendre le jeu moins allant, moins naturel.
Et puis je préfère un pianiste qui prenne des tas risques et se plante quelques fois, qu'un pianiste immaculé qui m'ennuie.
Presto
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Re: pianistes de haut vol

Message par Presto »

pour résoudre la question je propose un duel via youtube à la manière du XVIIIe s sur le 2e mouvement de la Fantaisie de Schumann 8)
Messieurs, levez le gant !
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Juanito
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Re: pianistes de haut vol

Message par Juanito »

Presto tant qu'une solution diplomatique et un réglèment à l'amiable restent possibles, ils seront toujours à privilégier!

Et puis quitte à faire un concours de haut vol, je suggère plutôt celui de levé de coude dans un troquet un de ce quatre :-D

En ce qui concerne toujours ces histoires de déplacements, quand je parlais de note d'arrivée, je crois que mon propos parlait plus d'une erreur consistant à se focaliser uniquement sur la note d'arrivée, au détriment du décollage et de l'atterrissage. Evidemment qu'il faut penser à toute la séquence, qu'il faut prévoir, penser à l'avance, et surtout bosser si on y arrive pas, mais un erreur fréquente est quand même "d'accélérer quand on a peur". C'est normal, tout le monde fait ça, en parlant, en voiture.. Quand quelque chose nous met mal à l'aise, on veut que ça se termine vite. Si donc un déplacement fait peur - et il fait forcément peur au moins aux débutants que nous sommes/avons tous été - la tendance naturelle est de se focaliser sur l'atterrisage, et d'y aller plus vite que prévu (zut zut zut captain, le do!, je vois pas le do!, b... il est où ce p... de do) C'est là que la capitaine intervient en disant: keep cool my boy, je prends les commandes, il est là ton do, et tu feras mieux la prochaine fois (je commence à être fatigué des métaphores aérienne tendance deuxième guerre mondiale, mais on n'a guère le choix sur ce sujet).
Mais évidemment, une fois ce fait intégré, on pense à la note finale bien sûr, ainsi qu'à tout le reste. Mais il faut peut-être passer par ces phases pour arriver à maîtrise son geste. Finalement c'est ça: il s'agit d'un geste plus que de jouer des notes. Or un geste - au basket, en peinture, en danse - ça se travaille, ça se maîtrise... Et ça se rate ! tout en sachant qu'il faut tout faire pour ne pas le rater.

Belle transition pour parler du risque donc: puisqu'il s'agit d'un geste, on comprends bien la notion de risque. Au lieu de se jouer dans un petit périmètre, un grand déplacement change d'échelle. Or a risque égal, le changement d'échelle entraîne des conséquences plus importantes. Autant casser bol chez soi n'est pas grave, autant casser une cuve de centrale nucléaire l'est plus (il faut avoir la métaphore modeste quand on joue). Donc un déplacement raté ça se voit plus, surtout comme souvent dans le classique, qu'une fausse note dans un trait. Et le risque - par essence - est plus grand.

Dès lors c'est quoi un pianiste qui prend des risques et un pianiste immaculé? D'abord jouer de façon immaculé, ça existe: il suffit d'écouter des enregistrements studios, qui à l'heure actuelle sont sur-humains, puisque bricolés avec plusieurs prises, voire même plusieurs collages de petits bouts. Or c'est une musique que nous écoutons et que nous apprécions pour d'autres raisons que la performance individuelle: construction globale pour une intégrale par exemple, qualité du son extra-ordinaire, ou bien achat forcé pour cause de bourrage de crâne telerama/france musique/le monde 2. Mais il faut avoir conscience que c'est une musique électronique...

Reste donc la prise de risque pendant la performance individuelle, un concert. Et bien là, comme au basket, comme en peinture où le matériel coûte cher, comme en aviation au début du siècle, comme en alpinisme, il faut TOUT faire pour ne pas s'exposer. Il y a suffisamment de paramètres extérieurs qui conduisent naturellement à des prises de risques "non voulues": public, trac, trou de mémoire, portable qui sonne, morceaux qui ne ressemble absolument à ce qui était prévu, etc... Un concertiste passe sa vie à se mettre à l'abri de tout ça, et c'est s'il y arrive qu'il aura du succès. Car faire du risque une technique, un moyen de jouer: prévoir qu'on va prendre un risque, et que ce risque c'est ne serait-ce que 25%, c'est trop dangereux. Il faut travailler dans l'optique du 0%, sachant que de toute façon, on n'arrivera pas à mieux que disons 1%, sauf Michelangeli.

Après, on entre dans le domaine de l'interprétation, donc un peu du subjectif. C'est ce que je disais à la fin de mon dernier message, ou je parlais du plaisir de prendre un risque (de jouer au romantique, etc...) et au plaisir de voir des gens en prendre. Ca, ça existe. Mais je ne suis même pas certain que cela existe vraiment. De la même manière que des touristes voient des guides de hautes montagne suspendus à des parois verticales, pensant qu'il prennent des risques pour leurs vies alors qu'ils font leur métier avec un risque très souvent proche de zéro, on peut parfois prendre pour prise de risque chez des pianistes quelque chose qui est en fait un interprétation très engagée, mais très travaillée.

Pour moi le vrai risque il est là: pas dans la gestuelle ni même dans le tempo, mais dans l'engagement préalable avec lequel on va travailler un oeuvre. Ce n'est pas le jour du concert qu'on va changer de tempo parce qu'une muse nous le chuchotte à une oreille, c'est 6 mois avant qu'on va décider de jouer ce morceaux beaucoup plus rapidement que d'habitude (ou très lentement d'ailleurs: c'est très dur de jouer très lentement sans faire du au clair de la lune amélioré). Cette prise de risque là, elle n'est pas dans l'action, elle est beaucoup plus réfléchie que ça. Même si le public peut n'y voir que du feu, et penser que c'est aujourd'hui pour lui que le pianiste joue la deuxième rhapsodie de Liszt plus vite que sur son disque. Non, il l'a déjà travaillée dans tous les sens, deux fois plus vite au besoin...

Débat passionnant en tout cas. Pas bon du tout pour mon Scriabine du samedi, mais merci quand même :-D
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