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Exercice de haute voltige : comparer plusieurs pianos chez 3 vendeurs différents dans la même après-midi.
Pour avoir une comparaison relative.
Et... pour fixer un choix ???
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Vous n'allez sûrement pas me croire, mais en ce moment je craque un peu concernant mon choix de piano, et je me déciderais volontiers pour un modèle si je savais lequel, et même je signerais volontiers le chèque qui va avec !
Donc exercice imposé de ce jour : 3 boutiques, et des tests en essayant de comparer en relatif, avec en plus un ousider jamais examiné :
FAZIOLI.
Et pour corser la chose, je vais finir par le moins bon (à mes oreilles), le
YAMAHA S4BB : s'il passe l'épreuve, c'est qu'il est bon, assez bon pour moi (phrase toute relative, le seul piano dont je saurais tirer une note juste me semblant être un diapason).
Donc direction
PIANOSPHERE dans le 15ème, la rive gauche pour les provinciaux, rive des artistes donc.
Arrivée 14h15 ; belle boutique assez classieuse ma foi, propre et belle. Bon accueil, on prévient de mon arrivée, et le maître des lieux vient à ma rencontre.
Il me présente les modèles, un
FAZIOLI 183, deux
FAZIOLI 212, et dans une pièce au fond, un auditorium avec un
FAZIOLI 278, qu'il me conseille d'essayer pour la comparaison.
Il me laisse, et je procède à mes essais, en commençant par le petit modèle.
FAZIOLI 183
Mamma mia, quel instrument ! Même un si petit modèle, un choc.
Des sons clairs et précis, on a l'impression d'entendre chaque note individuelle dans les accords. Le milieu de l'APPASSIONATA a davantage de notes qu'à l'habitude, c'est curieux !
Une tenue de son phénoménale, on dirait presque que le son augmente après le choc du marteau, qu'il ne va jamais s'arrêter. Et avec lui ses harmoniques, riches, claires. Des graves aux aigus, en plus.
Une dynamique de premier ordre également, les fff ont un volume de canon, et les ppp sont un gazouillis étouffé.
Les sons amples, la 4ème gnossienne de SATIE passe comme une merveille,
Le toucher est très bon, un peu trop "élastique" à mon goût et les touches un peu "lourdes", mais le jeu rapide passe bien, les trilles également.
Le seul reproche que je peux lui faire sont des aigus un peu acides, pas à la hauteur des autres registres.
Un accord de DoM m'a semblé bizarre également (il battait avec une fréquence très faible, peut-être 1,5 à 2 Hz), bien qu'on m'ait dit que les instruments étaient bien préparés.
FAZIOLI 212
Même qualités et même défauts que le petit, avec plus d'ampleur encore, mais le petit n'est pas ridicule loin de là.
FAZIOLI 278
Là c'est différent par contre ! Des basses à tomber par terre, le piano de concert dans toute sa beauté. En plus les aigus sont moins acides, et le toucher est très bon, optimal même. Il semblerait que le fait qu'il soit joué a un peu rodé les jeux, c'est l'impression que ça donne au moins, et donc une précision de jeu de première.
De très beaux instruments donc, qui méritent le détour c'est clair, ils gagnent à être connus. On peut ne pas aimer, c'est certain, trop de brillant et de clarté peuvent fatiguer, en plus ils n'ont pas l'air de pardonner grand chose de par leur son "chirurgical", mais même s'ils ne sont pas à son goût, on ne peut en aucun cas dire que ce sont de mauvais instruments, jamais !
Pour ma part, ce qui me chagrinerait le plus c'est qu'ils sont à maintenir au top par de fréquents réglages, sinon ils semblent plus "fragiles" et selon ce que j'en ai lu ils perdent facilement de leur beauté si on ne les entretien pas au mieux.
Retour du maître de céans. Il m'explique quelques-unes des particularités, me demande comment j'ai trouvé les instruments. Nous sommes d'accord pour dire qu'il est heureux que certaines personnes comme M. FAZIOLI soient de tels passionnés. Le Monde aurait encore une chance de survie s'il y avait davantage de personne comme celà dans tous les domaines (quoique je doute qu'il puisse exister un FAZIOLI chez les traders, mais bref).
Je lui parle d'une personne du forum qui a acheté un 278 d'occasion
... il me dit que son technicien vient juste de partir chez lui ! Le monde des pianistes amateur est petit.
Il me remet de la documentation. Je le remercie pour cet accueil et pour ce bon moment.
Changement de rive de la Seine, et direction
MAGNE maintenant, pour la suite.
Accueil de Mme MAGNE, que j'avais prévenue également de ma venue.
Elle me montre le nouveau
BOSENDÖRFER 200, et m'indique ou se trouve maintenant le
STEINGRAEBER 205, à savoir près de son petit frère le
STEINGRAEBER 168. Elle commence à me connaître, donc très rapidement elle me laisse. Et en avant.
BOSENDÖRFER 200
C'est vraiment un bel instrument quand même ! Certes la longueur de son est moindre que les
FAZIOLI, mais elle est loin d'être ridicule. Les notes sont moins sculptées, mais le son est beau, riche coloré, chaud. Les aigus sont très bons, meilleurs que les
FAZIOLI (sauf le modèle de concert), il y a moins d'ampleur entre les fff et les ppp mais tout de même c'est d'une belle facilité. La pédale est très facile, meilleure, et le toucher est très bon, je dirais même parfait pour moi, il est léger est réactif, précis, direct.
Les registres sont très homogènes, des graves aux aigus. Que du très bon, que du fameux.
STEINGRAËBER 205
Bel instrument, mais le son est plus dépouillé, moins chaud, plus clair et moins chantant que son collègue autrichien. Le toucher est un peu plus lourd et plus élastique, mais extrêmement précis également.
Bonne longueur de son, registres égaux, rien à reprocher donc.
Pour moi, il est tout de même moins bon que le
BOSENDÖRFER 200, qui cumule tous les avantages ou presque par rapport aux tout meilleurs : un peu moins net et longueur de son un peu en retrait de
FAZIOLI, mais tout le reste n'a pas de comparaison dans cette gamme de piano de 2m00 ± 10 cm, même un
STEINWAY B ne me fait pas meilleure impression.
Pour comparer, je teste un peu le
STEINGRAËBER 168, comme il est à côté de son grand frère. Il n'est pas mal du tout finalement, même qualités et défauts que son aîné, juste les basses qui sont plus confuses et empâtées, mais ce n'est pas trop méchant en vérité, le
STEINGRAËBER 205 étant déjà de très haut niveau.
Je vais vers Mme MAGNE, lui indique que vraiment pour moi cet autrichien est une pure merveille. Puis nous discutons de choses et d'autres. je lui demande ce qui est livré avec le
BOSENDÖRFER 200. Elle me montre alors le contenu d'un gros carton, qui comprend une très belle banquette de concert avec le nom de la marque sur le côté, une très belle housse de protection, un couvre-clavier, et un joli coffret qui comprend un liquide pour effacer les traces de doigts du vernis, un chiffon de dépoussiérage spécial, ainsi que des caches pédales et quelques bricoles encore !
Ca fait bien fini, tout ça, en tout cas.
Je lui dis que je sais également que le
STEINGRAËBER 205 va être remplacé dans quelques jours.
Mme MAGNE me dit ensuite qu'il y a peu de temps on lui a parlé de PIANOMAJEUR, car les personnes en question venaient conseillées par des avis donnés ici ! Elle me signale également avoir vu mon petit post, puisqu'elle me cite l'épisode où j'ai raconté qu'elle m'a présenté un bon de commande en sortant. Le monde est vraiment petit (et PM est grand !)
Bon, je suis reconnu. Tant pis.
Je la salue, lui indiquant que je souhaiterais acheter mon piano samedi prochain, et lui donc "peut-être à après-demain, avec mon épouse".
Encore un peu de marche à pied et de métro, et me voilà maintenant chez
NEUBOUT
J'entre, M. NEUBOUT père est là, ainsi que son épouse, gens charmants s'il en est.
Je vois également une connaissance, le technicien qui est en charge des instruments de concert
YAMAHA, que je salue en passant, il me dit qu'il passera me voir.
M. NEUBOUT m'ouvre la boutique, et me laisse comme d'habitude. Je me sens assez à l'aise et en terrain connu chez pas mal de revendeurs parisiens, c'est un des résultats de mes nombreux allers et venues.
YAMAHA S4BB
Première impression : le clavier est un peu plus lourd qu'à mon souvenir ! Est-ce la fatigue de la journée ? Il est certes extrêmement précis et fin, mais un peu élastique à mon goût, au niveaux des pianos que j'ai essayé aujourd'hui sauf le
BOSENDORFER un ton au-dessus !
Curieux, mais dans l'absolu ce n'est pas excessivement grave, je me suis convaincu depuis quelques temps qu'un clavier un poil lourd pour un piano de travail permettait de travailler un peu plus ou pour le moins pas moins bien qu'un clavier plus léger. Et, par comparaison avec un
SHIGERU KAWAI SKV et un
SCHIMMEL que je teste pour comparaison, le toucher est meilleur de mon point de vue.
Le son est plus "standard", pas vilain loin de là, mais il ne tient pas la comparaison avec l'élite. Par rapport au
YAMAHA C3 qui est à côté, les aigus sont plus nobles, la tenue de son est plus propre et nette, mais on reconnait la même famille d 'instrument. La tenue de son est très bonne, la pédale également, les aigus sont très bons, les basses pas mauvaises mais moins riches et moins chaudes que les meilleurs.
Je m'attendais à ces écarts, ce qui m'a un peu déçu sur le coup c'est le clavier, mais il est tout de même très bon.
Le préparateur que je connais vient me voir, je lui pose plein de questions : est-ce que les
YAMAHA vieillissent plus vite que d'autres pianos, sont-ils rapidement moins bons ? Il me dit que pas à sa connaissance, et que de bonnes tables bien entretenues voire réparés chantent encore bien au bout de décennies, il me cite des
PLEYELS de la grande époque qu'ils ont restaurés par comparaison avec un dont la table a été changée assez récemment, il n'y a pas photo les "authentiques" sont bien plus chantants.
Il me signale également que la mécanique est bien mieux finie sur les modèles de la série de concert, les casimirs sont mieux ajustés, les jeux mieux maîtrisés et donc les compromis plus faciles à faire ; l'idéal selon lui est le
YAMAHA CFIIIS, magnifique à tous égards.
Par contre il sait que chez STEINWAY il y a "obligation" à changer les modèles de concert au bout de quelques années pour que le son soit digne de l'image de la marque, et donc qu'il y a effectivement un age optimum.
Il me laisse. Je finis de tapoter, joue assez longuement quelques pièces pour me faire les doigts, je sens que déjà le clavier me correspond un peu mieux, il y a de l'espoir. Mais je ne passe pas trop bien le jeu très rapide ce soir, la journée a été rude !
Je vais retrouver M. NEUBOUT, qui s'était absenté et revient juste.
Nous discutons, je lui dis que je regrette que YAMAHA soit aussi avare de renseignements précis sur leur série de concert, à part le fait qu'ils soient finis à la main et qu'il y a des doubles roulettes et un porte partition différent (choses fondamentales pour un pianiste en effet), il n'y a pas beaucoup de précisions techniques dans leur documentation ou sur leur site.
M. NEUBOUT se lance alors dans une description de la manière dont sont fabriquées les tables, avec un authentique menuisier à l'ancienne (et un seul !) qui choisit les planchettes d'épicéa de Roumanie (comme les anciens
PLEYELS) une à une, les appaire selon leur son propre (graves, aigu... en face des cordes de même registre), puis que contrairement aux séries A ou C dont les tables sont pressées sur une forme les cambrures des tables des séries "S" sont faites "au ciel", c'est à dire avec des baguettes qui appuient depuis un plafond rigide sur la table pour la mettre ne forme selon la tradition, l'emplacement des baguettes et leur flexion influant sur la force appliquée pendant le collage des barres et donc permettant un réglage très fin !
Voilà des renseignements intéressants, la série "S" est donc vraiment une fabrication à l'ancienne, le mécanisme comme la table et probablement la ceinture (beaucoup plus épaisse que la série "C") ou le barrage..
Je remercie M et Mme NEBOUT, et prends congé;
Me voilà donc bien perplexe en final. Mais ça, vous y êtes habitués, pour ceux qui m'ont suivi pendant ces 30 pages.
Et plus que 48 h pour me décider, ça va être chaud !
BM
Je ne crains pas le suffrage universel, les gens voteront comme on leur dira.
A. de Tocqueville