Samson a écrit :Perplexe dans la mesure ou vous y présupposer que les relations entre pianistes sont problématiques par principe (je relève les notions de jalousie, culte de la personnalité, anonymat, mensonge, vanité...)
Est-il utile de brasser tant de noirceur d'entrée de jeu pour encenser ce forum qui est effectivement sympathique et souvent intéressant ?
Mon argument était qu'une communauté de pianistes aurait, a priori, par la nature-même de son objet, moins de chances de fonctionner, et que cela plaide d'autant plus en faveur de ce forum.
Mais il faut aussi comprendre ma situation : j'ai vécu en isolement complet du monde des pianistes, alors je me suis sans doute forgé une image de ces êtres si particuliers qui ne correspond nullement à la réalité. J'admets donc d'office qu'il y a des chances que mes opinions fassent de moi un extraterrestre parmi vous, opinions que je suis prêt à reconsidérer, voire à rejeter, mais pour cela il faut au moins que je les exprime. Au début de mon mail j'ai bien dit que je me considère comme alongé sur le divan du psy, et ce qui est évoqué sous de telles conditions n'a vocation ni d'être profond ni incontestablement vrai et vérifié. Simplement d'être sincère (comme je disais, "au risque d'être parfaitement ennuyeux").
Samson a écrit :Quand à la vision pyramidale de la communauté pianistique, et "la division entre ceux qui savent et les autres", là vous allez vous faire un enemi epistolaire en ma modeste plume !
Si ce forum a des qualités, c'est sans doute aussi parce les amateurs de pyramides, de catégories et autres systèmes de valeurs insidueux y sont jusque là bien tempérés.
Je me réjouis de ta réponse parce qu'elle semble sous-entendre qu'il y a des gens qui sont amateurs, c'est-à-dire qui aiment, les pyramides etles catégories, et des gens qui ne les aiment pas. Je n'avais jamais vu cela de cette manière. Pour moi l'existence de la pyramide était un fait, un peu comme la pyramide sociale. A la différence près quel'on peut dire "l'argent ne m'intéresse pas" et donc se placer en dehors de la pyramide sociale, mais dans le cas du piano, j'avais l'impression que la nature-même du type de musique nous plaçait automatiquement <u>dans</u> la pyramide. Liszt a tout fait pour être au sommet de la pyramide, donc quand je joue du Liszt j'hérite de cette intention de sa musique, non ?
J'aimerais bien que l'on discute sur ce sujet qui me paraît important, et je me réjouis d'avance d'avoir un ennemi épistolaire :-)
Samson a écrit :Maintenant vous lisant si tourmenté à l'issue de la lecture du bouquin de la médiatique louvoyeuse, je vous dirai que je suis peu étonné que de si creuses et si factices variations sauvagement conformistes puissent suciter quelque malaise...
Pour m'en débarasser, j'ai voulu céder ce livre à ma chienne : elle l'a très mal pris, j'ai cru qu'elle allait me mordre !
Tout en étant mon ennemi vous avez tout de même senti mon tourment plus que la plupart de mes amis (en dehors de ce forum, j'entends bien). J'avais l'intention de consacrer un autre sujet du forum à Hélène Grimaud, car j'ai eu de nombreux échanges de mél avec des amis sur ses méthodes. Il en résulte quelques arguments assez délirants que je pensais exposer une autre fois pour ne pas diverger de ce sujet.
Utricule a écrit :Bref, ça sonne bien, mais parfois on peut lire des choses dont notre point de vue diverge et être trop obsédé par l'enchaînement des lettres pour s'en rendre compte.
Je m'excuse auprès d'Utricule pour avoir mis trop de pensées disparates dans le même message. C'était un crime passionnel :-)
bibi a écrit :Sinon pour revenir aux pianistes, j'ai vraiment admiré les messages de Yannis et sur le fond , je suis assez d'accord avec lui , notamment sur les rapports entre pianistes . Sans aller chercher les grands concertistes entre eux, il suffit de constater que les pianistes en général cherchent toujours à faire mieux que l'autre et c'est vrai qu'il existe cet esprit de compétition, sans m^me parler des concours .
Mon argument n'était pas tellement le fait si oui ou non les pianistes étaient narcissiques ou en compétition, mais surtout sur le paradoxe entre cela et la véritable vocation de la musique qui est la communication entre le compositeur et l'interprète dans la création, un mode de vie qui nous fait évoluer et augmenter. Pour illustrer : prenons la D960 de Schubert. C'est, à mon avis, une oeuvre hautement spirituelle, qui a le potentiel d'apporter énormément à l'être humain. Mais quand je la joue, je suis partagé entre le plaisir (voire plus) de la jouer, et l'obligation de la jouer bien, mieux, encore mieux, à comparer ce que je fais avec les autres de la ... pyramide. Car si je la joue "à ma manière", je triche : ma manière a des défauts qu'il faut corriger, ces défauts me sont signalés par un prof, ou par l'écoute attentive de disques, je m'aligne (ou je m'obstine à inventer des bons arguments pour ne pas m'aligner) et je fais constamment attention à rester dans la bonne voie, etc. Je me place <u>vis-à-vis del'interprétation de l'oeuvre par les autres</u>, sous-entendu "les autres meilleurs que moi" (c'est-à-dire pratiquement tous). Et jamais je ne suis content car on peut toujours faire mieux, même si on ne sait plus quoi faire de plus, il doit <u>forcément</u> y avoir qqch à améliorer dans cette distance infinie qui nous sépare des "grands".
Pour résumer, je cherche un équilibre entre "regarde ce que font les autres, pourquoi moi je n'y arrive pas ?" et "la musique est un monde merveilleux, je m'y plonge". Ou peut-être une manière d'effacer de son esprit le premier mode de pensée et de ne garder que le deuxième, Samson avait l'air de pointer dans ce sens...
Yannis (toujours sur le divan...)