Les concours de piano ont-ils encore un sens ?
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Les concours de piano ont-ils encore un sens ?
Bonjour à tous,
En suivant, en dilettante toutefois, le concours Chopin américain, puis le concours Chopin canadien, puis le concours Liszt, j'ai fini par éprouver une sorte de nausée, comme un repas qui comporterait un nombre infini de plats et cela a suscité chez moi l'interrogation suivante : tous ces concours servent-ils encore à quelque chose ?
Question provocatrice, certes, mais qui ne me semble pas dénuée de vérité à une époque où chaque ville, chaque institution a son concours de piano (je ne parle ici que de cet instrument mais la logique est probablement la même pour le chant ou le violon, quoiqu'en proportion du nombre de pratiquants évidemment).
On se retrouve avec des milliers de concours municipaux, nationaux et internationaux, et des dizaines de milliers de candidats qui se ressemblent de plus en plus, car l'originalité n'a pas souvent bonne presse dans ces concours (voir le cas Pogorelich en 1980). Et il faut bien dire qu'à présent l'écrasante majorité vient des pays asiatiques (60 millions de pianistes en Chine !!), ce qui "standardise" plus encore le jeu. Évidemment, la technique est bien là, et souvent il n'y a pas grand chose à reprocher sur ce plan là. Il y a même parfois de beaux moments et de belles découvertes.
Mais il y a déjà tellement de magnifiques pianistes en activité et dans la pleine possession de leurs moyens, et qui souvent "rament" pour trouver des concerts. Et comme on a la chance, contrairement au sport par exemple, que les pianistes puissent se produire jusqu'à leur dernier souffle, on a encore sur scène des pianistes qui étaient déjà connus dans les années 60 ! Et ce pour notre plus grand bonheur.
A force de "produire" des nouveaux pianistes partout et tout le temps est-ce qu'on ne fait pas qu'alimenter, au fond, la société de consommation, modèle auquel la musique classique avait échappé jusqu'à présent ? On sent que les producteurs sont en permanence en train de lancer une nouvelle star, comme dans la variété. Et que les concours sont souvent la rampe de lancement de ces nouvelles stars.
En 10 ans, combien de nouveaux pianistes présentés comme des nouveaux génies par Deutsche Grammophon ou EMI... qui, voyant que ça ne "prend" pas, abandonnent leur chouchou du moment pour en chercher d'autres ?
Il n'y a qu'à regarder les lauréats des grands concours internationaux de ces 20 dernières années. Très peu ont finalement été fêtés comme de grands pianistes, malgré tout le marketing qui allait avec. Ce sont tous de bons pianistes. Mais qui ait été véritablement lancé au firmament, je n'en vois qu'un, c'est Trifonov. Buniatishvili et Yuja Wang et même Lang Lang n'ont pas été connus par des concours, me semble-t-il.
Finalement ces concours servent le système, et peut-être certains pianistes, qui espèrent se faire connaître (quoique justement, submergés par le nombre, la chance est infime), mais je ne suis pas certain qu'ils servent le public, qui finit par ressembler à celui des stars de variété : toujours du neuf, lassitude au bout de quelques années. Il est triste que de magnifiques pianistes, aujourd'hui plus âgés, soient oubliés, sacrifiés sur cet autel. Quid de Jorge Luis Prats qu'on a célèbré il y a 10 ans et dont on n'entend plus parler ? Quid d'Alain Volondat ? Quid de Piotr Anderszewski ? Quid de Jean Efflam Bavouzet ? Quid de Duchable ? Qui de El Bacha ? De tous ces pianistes qui ont brillé et qui continuent de se produire, qui jouent magnifiquement mais dont on n'entend plus parler dans les médias ? N'oublions pas ces pianistes qui avaient certainement plus d'indépendance de jeu que toutes les jeunes générations très formatées aux concours, qui, par leur essence même, n'incitent pas ces jeunes à se créer un répertoire éclectique.
Alors les concours, oui, pourquoi pas mais posons nous la question 1) des critères : sur quoi pretend-on discriminer puisque le niveau technique est la plupart du temps au maximum chez tous les candidats ? Et en quoi les critères musicaux sont-ils pertinents pour classer ces pianistes ? La différence musicale implique t elle une hiérarchie ? 2) de l'utilité du surnombre au risque de tomber dans le consumérisme.
Si quelqu'un souhaite argumenter dans mon sens ou à l'inverse, il est le bienvenu.
En suivant, en dilettante toutefois, le concours Chopin américain, puis le concours Chopin canadien, puis le concours Liszt, j'ai fini par éprouver une sorte de nausée, comme un repas qui comporterait un nombre infini de plats et cela a suscité chez moi l'interrogation suivante : tous ces concours servent-ils encore à quelque chose ?
Question provocatrice, certes, mais qui ne me semble pas dénuée de vérité à une époque où chaque ville, chaque institution a son concours de piano (je ne parle ici que de cet instrument mais la logique est probablement la même pour le chant ou le violon, quoiqu'en proportion du nombre de pratiquants évidemment).
On se retrouve avec des milliers de concours municipaux, nationaux et internationaux, et des dizaines de milliers de candidats qui se ressemblent de plus en plus, car l'originalité n'a pas souvent bonne presse dans ces concours (voir le cas Pogorelich en 1980). Et il faut bien dire qu'à présent l'écrasante majorité vient des pays asiatiques (60 millions de pianistes en Chine !!), ce qui "standardise" plus encore le jeu. Évidemment, la technique est bien là, et souvent il n'y a pas grand chose à reprocher sur ce plan là. Il y a même parfois de beaux moments et de belles découvertes.
Mais il y a déjà tellement de magnifiques pianistes en activité et dans la pleine possession de leurs moyens, et qui souvent "rament" pour trouver des concerts. Et comme on a la chance, contrairement au sport par exemple, que les pianistes puissent se produire jusqu'à leur dernier souffle, on a encore sur scène des pianistes qui étaient déjà connus dans les années 60 ! Et ce pour notre plus grand bonheur.
A force de "produire" des nouveaux pianistes partout et tout le temps est-ce qu'on ne fait pas qu'alimenter, au fond, la société de consommation, modèle auquel la musique classique avait échappé jusqu'à présent ? On sent que les producteurs sont en permanence en train de lancer une nouvelle star, comme dans la variété. Et que les concours sont souvent la rampe de lancement de ces nouvelles stars.
En 10 ans, combien de nouveaux pianistes présentés comme des nouveaux génies par Deutsche Grammophon ou EMI... qui, voyant que ça ne "prend" pas, abandonnent leur chouchou du moment pour en chercher d'autres ?
Il n'y a qu'à regarder les lauréats des grands concours internationaux de ces 20 dernières années. Très peu ont finalement été fêtés comme de grands pianistes, malgré tout le marketing qui allait avec. Ce sont tous de bons pianistes. Mais qui ait été véritablement lancé au firmament, je n'en vois qu'un, c'est Trifonov. Buniatishvili et Yuja Wang et même Lang Lang n'ont pas été connus par des concours, me semble-t-il.
Finalement ces concours servent le système, et peut-être certains pianistes, qui espèrent se faire connaître (quoique justement, submergés par le nombre, la chance est infime), mais je ne suis pas certain qu'ils servent le public, qui finit par ressembler à celui des stars de variété : toujours du neuf, lassitude au bout de quelques années. Il est triste que de magnifiques pianistes, aujourd'hui plus âgés, soient oubliés, sacrifiés sur cet autel. Quid de Jorge Luis Prats qu'on a célèbré il y a 10 ans et dont on n'entend plus parler ? Quid d'Alain Volondat ? Quid de Piotr Anderszewski ? Quid de Jean Efflam Bavouzet ? Quid de Duchable ? Qui de El Bacha ? De tous ces pianistes qui ont brillé et qui continuent de se produire, qui jouent magnifiquement mais dont on n'entend plus parler dans les médias ? N'oublions pas ces pianistes qui avaient certainement plus d'indépendance de jeu que toutes les jeunes générations très formatées aux concours, qui, par leur essence même, n'incitent pas ces jeunes à se créer un répertoire éclectique.
Alors les concours, oui, pourquoi pas mais posons nous la question 1) des critères : sur quoi pretend-on discriminer puisque le niveau technique est la plupart du temps au maximum chez tous les candidats ? Et en quoi les critères musicaux sont-ils pertinents pour classer ces pianistes ? La différence musicale implique t elle une hiérarchie ? 2) de l'utilité du surnombre au risque de tomber dans le consumérisme.
Si quelqu'un souhaite argumenter dans mon sens ou à l'inverse, il est le bienvenu.
Re: Les concours de piano ont-ils encore un sens ?
Je ne sais pas s'il y en a plus qu'avant mais c'est certainement plus facile à suivre en direct que ça n'était le cas il y a 10 ans. Je ne sais pas trop quoi faire de ton constat, globalement ce qui semble t'embêter c'est que plein de nouveaux pianistes entrent sur la scène chaque année, tu préconiserais quoi du coup, un moratoire pour ne renouveler la scène que tous les 20 ans ? Sur la standardisation je ne sais pas trop non plus, je trouve au contraire qu'on voit pas mal de jeunes pianistes qui picorent dans tous les styles, je ferais plutôt le constat inverse si je devais en faire un
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Re: Les concours de piano ont-ils encore un sens ?
Ah, ça, oui c'est plus facile à suivre qu'avant, c'est comme Netflix, on a accès à des milliers de films alors qu'avant on devait aller au cinéma. Est-ce une bonne chose en soi ? C'est agréable, mais cela participe de la surconsommation que je dénonce. Quant au moratoire...Ca serait rigolo, en effet. Mais c'est une question de point de vue. C'est comme Netflix, c'est comme les hypermarchés, c'est comme les fruits hors saison : que fait-on ? Est-ce qu'on se satisfait de cette surconsommation et d'être dans ce système où les pianistes deviennent des starlettes à la petite semaine ? Comme 95% des films qui sont regardés pendant 1 semaine sur les plateformes et ensuite jetés à la poubelle ? Est-ce le modèle que l'on voudrait pour l'art ? Alors peut-être que c'est un système impossible à contrer, mais peut-être aussi qu'on a le droit d'en avoir conscience et de ne pas s'en satisfaire, comme le fait d'avoir des hypermarchés qui jettent des centaines de kilos de marchandises chaque jour, afin de satisfaire une clientèle qui d'ailleurs n'a rien demandé ?
En ce qui concerne le répertoire des jeunes, je n'ai jamais autant vu d'enregistrement des sonates de Beethoven des Etudes de Chopin, des concertos de Mozart, des Variations Goldberg...Je n'ai pas l'impression qu'ils aillent beaucoup hors des sentiers battus, parce que le système leur explique qu'ils ont davantage de chance de se faire remarquer avec ça qu'avec les nocturnes de John Field ! Heureusement, certains ont une curiosité naturelle, qui les pousse à aller voir du côté du repertoire méconnu. Il serait intéressant de faire une analyse statistique pour savoir en effet si le grand répertoire se vend vraiment mieux que les pièces moins connues mais moins enregistrées.
En ce qui concerne le répertoire des jeunes, je n'ai jamais autant vu d'enregistrement des sonates de Beethoven des Etudes de Chopin, des concertos de Mozart, des Variations Goldberg...Je n'ai pas l'impression qu'ils aillent beaucoup hors des sentiers battus, parce que le système leur explique qu'ils ont davantage de chance de se faire remarquer avec ça qu'avec les nocturnes de John Field ! Heureusement, certains ont une curiosité naturelle, qui les pousse à aller voir du côté du repertoire méconnu. Il serait intéressant de faire une analyse statistique pour savoir en effet si le grand répertoire se vend vraiment mieux que les pièces moins connues mais moins enregistrées.
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Re: Les concours de piano ont-ils encore un sens ?
Ce sont des interrogations intéressantes pianopoetpoet et je pense que beaucoup d'entre nous y pense de temps en temps, et ce, tout arts confondus.pianopoetpoet a écrit : mer. 15 janv., 2025 18:33 Est-ce qu'on se satisfait de cette surconsommation et d'être dans ce système où les pianistes deviennent des starlettes à la petite semaine ? Comme 95% des films qui sont regardés pendant 1 semaine sur les plateformes et ensuite jetés à la poubelle ? Est-ce le modèle que l'on voudrait pour l'art ? Alors peut-être que c'est un système impossible à contrer, mais peut-être aussi qu'on a le droit d'en avoir conscience et de ne pas s'en satisfaire, comme le fait d'avoir des hypermarchés qui jettent des centaines de kilos de marchandises chaque jour, afin de satisfaire une clientèle qui d'ailleurs n'a rien demandé ?
Leo ferré disait déjà sur son album "il n'y a plus rien" et sur le morceau "préface" que, la musique se vend comme le savon à barbe. Ça doit interpellé chaque génération et pendant ce temps la machine continue inexorablement sa marche en avant, alors que pour d'autres elle continue sa marche vers le futil et le néant.
L'industrie musicale tourne elle pour nous enrichir intellectuellement ou bien pour s'enrichir elle même en produisant à tour de bras de nouvelles starlettes, comme tu le dis, en attirant dans ses filets un jeune public crédule (ou pas) où se trouve le bien ou le mal ? Ou se situe la frontière ?
L'industrie musicale se nourrit d'elle même et quand un artiste n'attire plus et bien il est jeté comme l'est dans une entreprise un employé plus rentable.
Bref je part dans tout les sens. Il y a tant à dire sur le sujet que ce serait plus facile de visu.
Bonne soirée et merci pour ce sujet
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Re: Les concours de piano ont-ils encore un sens ?
Je trouve la comparaison à Netflix un peu limitée. L'intérêt de Netflix c'est de pousser toujours plus de contenu et ça se fait au détriment de la qualité, suffit de produire le moindre projet qui passe. A contrario "produire" un pianiste ça prend du temps, il ne suffit pas de le vouloir donc même si le nombre de candidats a fortement augmenté je ne pense pas qu'on puisse dire que le niveau moyen a baissé. Au final cette explosion de l'offre est surtout délétère pour les pianistes qui se partagent un gâteau qui ne grossit pas, pas pour le public qui dispose de l'embarras du choix
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Re: Les concours de piano ont-ils encore un sens ?
Je ne pense pas qu'il faut se plaindre de l'augmentation de la pratique musicale, en Asie notamment. S'il y a beaucoup plus qu'auparavant de pianistes de niveau professionnel, c'est en soit positif pour le bien commun.
Du point de vue de l'auditeur et du spectateur de salle de concert, il est certain qu'un tri doit s'opérer. il faut reconnaitre que les grands concours jouent ce rôle (et encore, avec des bémols, cf. Bruce Liu que personnellement je trouve décevant). Quant au niveau moyen de tout ces jeunes qui arrivent par vague chaque année, il est probablement supérieur sur le plan technique à celui des générations antérieures. Mais l'amateur de musique ne s'intéresse pas au niveau moyen, mais au sommet de la distribution, et là je crois que les interprètes d'exception demeurent une infime minorité comme cela a toujours été le cas.
Du point de vue de l'auditeur et du spectateur de salle de concert, il est certain qu'un tri doit s'opérer. il faut reconnaitre que les grands concours jouent ce rôle (et encore, avec des bémols, cf. Bruce Liu que personnellement je trouve décevant). Quant au niveau moyen de tout ces jeunes qui arrivent par vague chaque année, il est probablement supérieur sur le plan technique à celui des générations antérieures. Mais l'amateur de musique ne s'intéresse pas au niveau moyen, mais au sommet de la distribution, et là je crois que les interprètes d'exception demeurent une infime minorité comme cela a toujours été le cas.
Re: Les concours de piano ont-ils encore un sens ?
Je me permets de partager cette interprétation du deuxième nocturne de Chopin donnée il y a quelques jours, comme quoi même dans le carcan des concours certains sortent des sentiers battus
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Re: Les concours de piano ont-ils encore un sens ?
Oui, les concours sont nécessaires pour faire émerger quelques noms et lancer leur carrière.fritz a écrit : jeu. 16 janv., 2025 18:13 Je me permets de partager cette interprétation du deuxième nocturne de Chopin donnée il y a quelques jours, comme quoi même dans le carcan des concours certains sortent des sentiers battus
YT est une option alternative pour ce faire connaître, mais bien plus aléatoire, car il y a du monde sur les rangs.
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Re: Les concours de piano ont-ils encore un sens ?
Ah oui, belle version pleine d'innocence, de poésie, très intimiste et qui prend des airs d'improvisation, si chère à Chopin. L'impression de revenir aux sources du Nocturne et de l'entendre pour la première fois, ce qui n'a pas de prix.
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Re: Les concours de piano ont-ils encore un sens ?
J'espère que cette musique qu'on joue jusqu'à la nausée, Chopin, Beethoven, Rachmaninov, disparaîtra dans une ou deux générations. De la musique de l'entre-soi, le ressassement d'une caste bourgeoise, qui n'en finit pas de bégayer cette musique du passé.
Re: Les concours de piano ont-ils encore un sens ?
Ça serait très surprenant qu'elle disparaisse, je te souhaite surtout de souhaiter que des choses apparaissent plutôt qu'elles disparaissent, ça doit pas être marrant d'être aigri à ce point 
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Re: Les concours de piano ont-ils encore un sens ?
Alors...ça part un peu dans tous les sens, ce sujet mais ça n'est pas inintéressant
Merci pour l'extrait du nocturne. Oui c'est un audacieux, il y a indubitablement un aspect improvisé avec délicatesse malgré un décalage entre les deux mains qui parfois me dérange car j'ai toujours trouvé cela de mauvais goût. Mais cela passe, dans l'atmosphère improvisée. Reste à savoir si sa témérité sera récompensée. Ces concours ne sont pas réputés pour être ouverts à l'iconoclastie.
Quant au fait que ces concours bénéficieraient davantage au public qu'aux pianistes, je pense en effet que les pianistes étant de plus en plus nombreux doivent se contenter d'un auditoire qui est d'ailleurs peut-être lui-même, en pourcentage de la population, en rétrécissement. Quoiqu'il y ait, dans l'absolu, plus de passionnés et de "pratiquants" qu'avant, le niveau général s'effondre et la musique classique n'est plus réservée qu'à une classe supérieure qui représente probablement un pourcentage toujours plus faible a mesure que la culture de masse gagne du terrain. On peut le regretter et démultiplier les projets en tous sens, la culture classique reste intrinsequement élitiste en ceci qu'elle nécessite un apprentissage très difficile si l'on veut vraiment s'en imprégner. Donc finalement ces jeunes pianistes touchent peut-être plus de monde, mais de façon toujours plus concentrée dans certaines catégories sociales. C'est un peu comme la richesse mondiale qui ne cesse d'augmenter mais au profit d'un nombre de personnes toujours plus petit.
Par ailleurs, certains affirment que le niveau ne fait qu'augmenter depuis des décennies. J'ai peur qu'il ne s'agisse d'une idée reçue, car je ne vois pas bien ce que Josef Hoffmann, Serge Rachmaninoff, ou même Horowitz ou Martha Argerich auraient à envier aux jeunes générations. En revanche, les jeunes générations, elles, auraient peut-être à leur envier leur liberté et leur connaissance approfondie des styles. Rappelons qu'à l'époque, nombre de grands pianistes du XXe siècle ont étudié avec des élèves de Liszt, ou avec des élèves de ses élèves.
Alors une multiplication des pianistes, oui, mais au fond je ne sais pas si ceux qui en 1970 avaient le choix entre Argerich, Pollini, Brendel, Arrau, Kempff, Curzon, Richter et j'en passe étaient vraiment moins bien lotis que nous ! Je continue de penser que les amateurs de piano étaient tout aussi bien servis il y a cinquante ans ! La seule chose qui change, c'est la démultiplication du nombre de concerts et les moyens modernes de diffusion.
Quant à la remarque du dernier intervenant, pour le moins baroque, je pense que tout ceci n'est pas prêt de disparaître, et surtout, au profit de quoi ? Parce que si c'est pour entendre du Boulez, merci bien, je préfère encore réécouter Ah vous dirais-je maman en boucle. Mais sur le constat que c'est joué ad nauseam, il n'a pas tort. Cela rejoint mon constat de base. Il faut diversifier les programmes de concert ! D'ailleurs, je continue de songer à la création d'un festival de musique jamais jouée. Le risque c'est qu'il n'y ait personne

Merci pour l'extrait du nocturne. Oui c'est un audacieux, il y a indubitablement un aspect improvisé avec délicatesse malgré un décalage entre les deux mains qui parfois me dérange car j'ai toujours trouvé cela de mauvais goût. Mais cela passe, dans l'atmosphère improvisée. Reste à savoir si sa témérité sera récompensée. Ces concours ne sont pas réputés pour être ouverts à l'iconoclastie.
Quant au fait que ces concours bénéficieraient davantage au public qu'aux pianistes, je pense en effet que les pianistes étant de plus en plus nombreux doivent se contenter d'un auditoire qui est d'ailleurs peut-être lui-même, en pourcentage de la population, en rétrécissement. Quoiqu'il y ait, dans l'absolu, plus de passionnés et de "pratiquants" qu'avant, le niveau général s'effondre et la musique classique n'est plus réservée qu'à une classe supérieure qui représente probablement un pourcentage toujours plus faible a mesure que la culture de masse gagne du terrain. On peut le regretter et démultiplier les projets en tous sens, la culture classique reste intrinsequement élitiste en ceci qu'elle nécessite un apprentissage très difficile si l'on veut vraiment s'en imprégner. Donc finalement ces jeunes pianistes touchent peut-être plus de monde, mais de façon toujours plus concentrée dans certaines catégories sociales. C'est un peu comme la richesse mondiale qui ne cesse d'augmenter mais au profit d'un nombre de personnes toujours plus petit.
Par ailleurs, certains affirment que le niveau ne fait qu'augmenter depuis des décennies. J'ai peur qu'il ne s'agisse d'une idée reçue, car je ne vois pas bien ce que Josef Hoffmann, Serge Rachmaninoff, ou même Horowitz ou Martha Argerich auraient à envier aux jeunes générations. En revanche, les jeunes générations, elles, auraient peut-être à leur envier leur liberté et leur connaissance approfondie des styles. Rappelons qu'à l'époque, nombre de grands pianistes du XXe siècle ont étudié avec des élèves de Liszt, ou avec des élèves de ses élèves.
Alors une multiplication des pianistes, oui, mais au fond je ne sais pas si ceux qui en 1970 avaient le choix entre Argerich, Pollini, Brendel, Arrau, Kempff, Curzon, Richter et j'en passe étaient vraiment moins bien lotis que nous ! Je continue de penser que les amateurs de piano étaient tout aussi bien servis il y a cinquante ans ! La seule chose qui change, c'est la démultiplication du nombre de concerts et les moyens modernes de diffusion.
Quant à la remarque du dernier intervenant, pour le moins baroque, je pense que tout ceci n'est pas prêt de disparaître, et surtout, au profit de quoi ? Parce que si c'est pour entendre du Boulez, merci bien, je préfère encore réécouter Ah vous dirais-je maman en boucle. Mais sur le constat que c'est joué ad nauseam, il n'a pas tort. Cela rejoint mon constat de base. Il faut diversifier les programmes de concert ! D'ailleurs, je continue de songer à la création d'un festival de musique jamais jouée. Le risque c'est qu'il n'y ait personne

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Re: Les concours de piano ont-ils encore un sens ?
Moi aussi !!!!pianopoetpoet a écrit : ven. 17 janv., 2025 6:56 Parce que si c'est pour entendre du Boulez, merci bien, je préfère encore réécouter Ah vous dirais-je maman en boucle.
La nausée je l'ai rien qu'aux premières notes de nombreuses musiques contemporaines (je parle de la musique dite "élitiste" dans ce fil de discussion). C'est très souvent inaudible à mes oreilles et devrait être interdit par la Convention de Genève

Pour ma part, tant qu'il y a du public, oui, les concours de piano ont encore un sens. Tout comme le rap a un sens pour ceux qui l'achètent et l'écoutent. La question de la moralité de ce sens est un autre débat... dans le cas des concours de piano tout comme dans le cas du rap...
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Re: Les concours de piano ont-ils encore un sens ?
C'est un serpent de mer, démenti par les faits : on continue de faire carrière avec le 2ième concerto de Rachmaninov et le 1er de Tchaikovski, et les organisateurs de concert ne se risqueront pas à demander des programmes originaux à un jeune qui débute. Encore faut-il d'ailleurs que le jeune en question ait ce souhait (Lucas Debargue est une exception notable à cet égard).pianopoetpoet a écrit : ven. 17 janv., 2025 6:56 Cela rejoint mon constat de base. Il faut diversifier les programmes de concert ! D'ailleurs, je continue de songer à la création d'un festival de musique jamais jouée. Le risque c'est qu'il n'y ait personne![]()
Je partage ton avis que seule une infime partie du répertoire classique est joué, et cela se retrouve d'ailleurs avec les amateurs comme en témoignent les morceaux entendus sur ce forum.
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Re: Les concours de piano ont-ils encore un sens ?
Mais sur ce forum on découvre aussi des tas de morceaux moins connus !!! D'où son intérêt !
Il y en a même qui postent des créations personnelles.
Il y en a même qui postent des créations personnelles.
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Re: Les concours de piano ont-ils encore un sens ?
Oui, j'avais oublié Spianissimo, bravo à lui !pianiste des Alpes a écrit : ven. 17 janv., 2025 12:44 Mais sur ce forum on découvre aussi des tas de morceaux moins connus !!! D'où son intérêt !
Il y en a même qui postent des créations personnelles.
Sinon, un test facile : 32 sonates de Beerthoven, combien jouées régulièrement en concert ?
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Re: Les concours de piano ont-ils encore un sens ?
@pianiste des Alpes : ce n'est pas tellement une question de moralité, mais même de pertinence d'avoir autant de "choix", expression qui d'ailleurs signifie bien qu'on a basculé dans la consommation de la musique classique. Quel est l'intérêt d'avoir 100 versions de la Pathétique ? Qui se dit : moi, pianiste, je pense que je vais apporter qqch de fondamental à la discographie en enregistrant pour la 100e fois la Pathétique ? Au fond c'est très prétentieux et surtout probablement assez vain, car la probabilité que l'enregistrement devienne une référence est infime. Quand on va à la fnac, ou chez Gibert (pour les parisiens) on se rend compte de la quantité phénoménale de CD enregistrés depuis 40 ans et complètement oubliés. Même, parfois, de grands pianistes.
Il vaut mieux faire comme Marc André Hamelin, qui enregistre régulièrement des pièces rarissimes voire inédites au disque. Ca, c'est intéressant.
Il vaut mieux faire comme Marc André Hamelin, qui enregistre régulièrement des pièces rarissimes voire inédites au disque. Ca, c'est intéressant.
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Re: Les concours de piano ont-ils encore un sens ?
Pourquoi enregistrer une 100ème version de la pathétique ?pianopoetpoet a écrit : ven. 17 janv., 2025 15:32 @pianiste des Alpes : ce n'est pas tellement une question de moralité, mais même de pertinence d'avoir autant de "choix", expression qui d'ailleurs signifie bien qu'on a basculé dans la consommation de la musique classique. Quel est l'intérêt d'avoir 100 versions de la Pathétique ? Qui se dit : moi, pianiste, je pense que je vais apporter qqch de fondamental à la discographie en enregistrant pour la 100e fois la Pathétique ? Au fond c'est très prétentieux et surtout probablement assez vain, car la probabilité que l'enregistrement devienne une référence est infime. Quand on va à la fnac, ou chez Gibert (pour les parisiens) on se rend compte de la quantité phénoménale de CD enregistrés depuis 40 ans et complètement oubliés. Même, parfois, de grands pianistes.
Il vaut mieux faire comme Marc André Hamelin, qui enregistre régulièrement des pièces rarissimes voire inédites au disque. Ca, c'est intéressant.
Peut-être tout simplement parce qu'on aura vu tel ou telle pianiste en concert, et qu'on est content de le réécouter chez soi en se rappelant de l'ambiance particulière du concert...
Ce qui n'empêche pas d'apprécier une pièce peu connue et d'en acheter (ou d'offrir) le CD.
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Re: Les concours de piano ont-ils encore un sens ?
PS : Gibert c'est pas que à Paris...
Re: Les concours de piano ont-ils encore un sens ?
Dixit l'homme qui ne jure que par Mozart, petit compositeur contemporain confidentiel.Bastien a écrit : jeu. 16 janv., 2025 19:34 J'espère que cette musique qu'on joue jusqu'à la nausée, Chopin, Beethoven, Rachmaninov, disparaîtra dans une ou deux générations. De la musique de l'entre-soi, le ressassement d'une caste bourgeoise, qui n'en finit pas de bégayer cette musique du passé.
Rachmaninoff - Chopin. Répéter.