Vos Grands moments

[baldr]

Un grand moment de la musique de piano, niveau intermédiaire, c'est la reprise du thème à la mesure 28 de la Romance sans paroles de Mendelssohn n°32, opus 67 n°2, en fa dièse mineur. Guy Sacre qualifie cette pièce de musique de variétés ; mais moi, elle me fait fondre, fait bouillir mon corps de passion, m'instille de rêver à la vie que je pourrais avoir si les choses étaient au rendez-vous. Les trois notes ré do si, en croches pointées, seules : un grand moment aussi.



Et vous, quels sont les moments précis de quelle partition vous ont jeté dessus, avec le contexte ?

[rzn]

Merci baldr, excellente idée ce fil sur les mesures précises qui nous font frissonner.
Ado, j'écoutais 2 morceaux en boucle : la 3ème ballade et le 3ème mouvement de l'Appassionnata. Pour la 3ème ballade, je me souviens que dès les 1ères notes du morceau j'attendais la mes 63, avec la modulation en fa mineur et le mi bécarre, qui nous emmène aux mesures 65-66 et la sublime page qui suit, immense frisson ! Ca commence à 2'20 ici : https://www.youtube.com/watch?v=BkPLDoZXlHQ
Emotion intacte aujourd'hui.
Pour l'Appassionnata, j'attendais les mesures 34 à 39, avec les accords mg, ce bref moment de douceur réconfortante dans ce que j'ai toujours perçu comme une course folle pour sauver sa peau : 38 secondes ici https://www.youtube.com/watch?v=LqIKv-42v1E . Pareil, toujours les mêmes frissons quand j'écoute aujourd'hui.

[pianiste des Alpes]

Avec les cassettes de l'époque, quelle galère de réécouter en boucle les moments d'extase... ou pire trouver sur le tourne-disque sur quel sillon poser le diamant... Pour une fois, c'était pas mieux avant !

Pour moi, c'est le Miserere d'Allegri, même si ce n'est pas du piano. par exemple dans cet extrait pris au hasard sur YouTube (qui a l'avantage d'écrire les paroles et la traduction) :
à 0:40, 1:57 et d'autres passages encore similaires.
https://www.youtube.com/watch?v=84yB92svs0A&t=122s

De Claudio Monterverdi, le chant "il mio martir" au tout début quand on chante "tengo celato..." à la 2ème et 3ème mesure. Je pense que j'adore les sonorités de cette époque qui me font vibrer comme de belles basses d'un piano.
https://www.free-scores.com/partitions_ ... ition=2877

Et puis plus récent, la BO du film "la double vie de Véronique" du compositeur Zbigniew Preisner. En particulier son morceau "concerto en mi mineur", lorsque les deux voies commencent à chanter ensembles... à 0:25, et surtout à 1:27, 2:08 et la suite
https://www.youtube.com/watch?v=xg8Zf6hxMiA
Pour ceux qui ne savent pas, Van den Budenmayer n'a jamais existé, c'est Preisner qui a bien écrit ce morceau.
Toute cette BO est fantastique. D'ailleurs je n'ai pas encore regardé si spianissimo en a mis des extraits en ligne.
Elle m'a portée de mes 12 ans quand le film est sorti jusqu'à aujourd'hui.


Ben tiens, je réalise qu'en fait c'est plus en chant qu'en piano que je vibre, spontanément c'est plus dans ce registre que je trouve des morceaux qui me font vibrer... du baroque, du Bach, la Wally, la reine de la nuit, etc...

En piano c'est plutôt des passages de sonates de Beethoven, en particulier l'appassionata 3ème mouvement, mais pas que, des passages de concerto de Mozart, des passages de Chopin, et j'en oublie... mais rien qui m'a transportée autant que le Miserere d'Allegri la première fois que je l'ai écouté, allongée sur le canapé dans un de ces moments douloureux de l'adolescence, qui m'a transpercée au point que j'en ai pleuré. Je ne peux pas écouter ce morceau en voiture ou en faisant autre chose, je ne l'écoute qu'en étant entièrement concentrée à son écoute. Et pourtant, je ne suis pas croyante.

[Nick Borderline]

J'ai écouté vos Grands Moments avec plaisir. C'est amusant comme quoi les émotions musicales varient d'une personne à l'autre. Tant mieux d'ailleurs.

[nox]

Guy Sacre qualifie cette pièce de musique de variétés

L'ouvrage de Guy Sacre a beaucoup de mérite. Mais pas celui de l'objectivité ou du recul dans le jugement. Il tombe parfois dans l'expéditif voire dans la médiocrité, et c'est bien dommage.
Personnellement j'aime beaucoup cette romance (et tout cet opus d'ailleurs).

Et vous, quels sont les moments précis de quelle partition vous ont jeté dessus, avec le contexte ?

On ne sait que choisir...
Je pense qu'un de mes premiers chocs est quasiment devenu une madeleine de Proust. C'est le passage central du premier mouvement de la sonate D960 de Schubert, où le thème principal est repris en mode mineur. L'accord de mi bémol mineur me bouleverse toujours autant. Cette douleur sourde, lointaine, mais si poignante qui est exprimée ici est incroyable.

Cette sonate dans son ensemble est de toute façon pour moi une merveille qui m'accompagnera jusqu'à mon lit de mort.

[wincher01]

L'orgue à 28min16s sur cette vidéo de la 3e symphonie de Saint-Saëns, qui lance un long final en apothéose. Grandiose. Je ne suis pas du tout fan d'orgue, mais ici c'est vraiment spécial. Pour bien l'apprécier, il faut regarder la symphonie en entier

[nox]

L'orgue à 28min16s sur cette vidéo de la 3e symphonie de Saint-Saëns, qui lance un long final en apothéose. Grandiose. Je ne suis pas du tout fan d'orgue, mais ici c'est vraiment spécial. Pour bien l'apprécier, il faut regarder la symphonie en entier

Très beau final, en effet !
Dans le genre "orgue qui en envoie plein les oreilles", je trouve aussi difficilement mieux que le Kyrie de la Messe solennelle pour 2 orgues et choeur de Louis Vierne. La dernière minute (à 4min dans la vidéo ci-dessous) avec la montée chromatique est incroyable, et encore l'enregistrement ne rend pas justice à l'oeuvre.

[Oukee]

Le 2ieme mouvement du 1er concerto de Brahms. Cette musique d’adieu à Schumann me serre le cœur à chaque audition.

[Nick Borderline]

Je voulais dire l'ouverture de la Passion selon Saint-Jean de Bach. Comme Alexandre Tharaud vient de publier sa propre transcription, qu'il jouera le 19 nov à la Philharmonie, je poste sa version du coup. Gageons que vous ne l'aviez pas non plus déjà écoutée

[Nick Borderline]

Dans le genre "orgue qui en envoie plein les oreilles", je trouve aussi difficilement mieux que le Kyrie de la Messe solennelle pour 2 orgues et choeur de Louis Vierne.

Ah oui, ça déménage ta video ! Je ne connaissais pas du tout.

Très beau le Schubert aussi. Vous êtes nombreux à l'adorer cette sonate, dont notre ami PM Quazart.

[Nick Borderline]

Pour bien l'apprécier, il faut regarder la symphonie en entier

En effet un final en grande pompe. Je n'ai pas écouté toute la symphonie, mais je me le note dans un coin...

[cunilinguist]

Super topic Baldr, on en ressort avec plein de choses à découvrir.

Pour moi ce serait soit le final de la reformation de Mendelssohn (symphonie n°5) ou l'ensemble de la symphonie n°9 de Schubert, avec en particulier la grande dissonance qui culmine dans le premier mouvement.

[nox]

Je voulais dire l'ouverture de la Passion selon Saint-Jean de Bach. Comme Alexandre Tharaud vient de publier sa propre transcription, qu'il jouera le 19 nov à la Philharmonie, je poste sa version du coup. Gageons que vous ne l'aviez pas non plus déjà écoutée

Très belle transcription....mais comment pourrait-elle rendre justice à l'original, insurpassable...
Merci pour la découverte !

[baldr]

premier grand moment, moment où je suis devenu mélomane ;
je connaissais les ballets de Tchaïkovsky, la Cinquième symphonie de Beethoven, qui ne m'avait pas encore interpelé ;
une camarade de classe en seconde, au lycéen m'avait prêté une cassette audio de la Cinquième symphonie de Mahler, à cause de l'Adagio ;
mais moi ce qui m'a terrassé c'est l'introduction du premier mouvement à la trompette ; en do dièse mineur
dododo
dododo
dododo mi
dododo mi (comme si je l'avais déjà entendu)
dododo mi
domisoldo, si, la, sol fa mi la sol fa mi fa la do mi (orchestre) fa laaaa
mi la sol fa mi fa mi ré bécarre do ré bécarre (emprunt à ré majeur ?)
et c'est à cet instant précis que j'ai su que la musique pouvait être folle et enlever le sol sur lequel le monde tient
cadence en sol dièse mineur : ré# sol#
Catastrophe harmonique : on passe de ré majeur à sol dièse mineur (quinte diminuée).
On reste sur le choc jusqu'à la fin de la symphonie.


pendant longtemps c'est resté mon grand moment
puis j'ai découvert la musique contemporaine, plus puissante encore, parfois

[Philippe Le French]

Et vous, quels sont les moments précis de quelle partition vous ont jeté dessus, avec le contexte ?

On peut effectivement qualifier cette musique de "variété", pour moi, il n'y a aucune honte à cela. On peut même si on veut isoler quelques thèmes, les modifier et les inclure dans une composition, les musiciens, paroliers de cette même variété ne se sont pas gênés. Je ne connais pas tout le classique, j'ai aussi souvenir de symphonies de Mendelssohn hautes en melodies et en performances. A mon sens il est plus connu pour ça que pour ses pièces de piano. Ce morceau ne fait pas exception, la mélodie y est présente tout le long du morceau, et ça "respire" bien par moments. de grande envolées, des moments plus calmes. En clair, tout ce qui fait la richesse du classique. Si je ne dis pas de bêtises, et si je me rappelle bien des cours de FM, c'est la "période romantique" ou bien souvent melodies et émotions sont au premier plan.

[nox]

Ah ! Merci baldr et roulroul de relancer ce fil, qui promettait d'être intéressant et qui commençait à sombrer trop vite dans les tréfonds du forum, noyé sous les fils de progression !

On peut effectivement qualifier cette musique de "variété", pour moi, il n'y a aucune honte à cela.

On peut bien sûr essayer de rendre un sens plus noble au mot de "variété", mais il ne fait aucun doute que dans l'esprit de Guy Sacre c'est un terme très péjoratif (et on ne peut pas dire que notre musique de "variété" récente lui donne tort )

Si je ne dis pas de bêtises, et si je me rappelle bien des cours de FM, c'est la "période romantique" ou bien souvent melodies et émotions sont au premier plan.

C'est tout à fait ça, courant qui d'un point de vue musical couvre tout le XIXème siècle et issu du mouvement littéraire allemand "Sturm und Drang" (tempête et passion), avec le "Werther" de Goethe en porte-étendard. "La nature est le miroir de l'âme, l'âme est le miroir de Dieu".
L'émotion longtemps camouflée sous des formes strictes est désormais au premier plan, et la pudeur est remplacée par une expression plus "explosive", sans réserve, qui dynamite les anciennes conventions.

[nox]

premier grand moment, moment où je suis devenu mélomane ;
je connaissais les ballets de Tchaïkovsky, la Cinquième symphonie de Beethoven, qui ne m'avait pas encore interpelé ;
une camarade de classe en seconde, au lycéen m'avait prêté une cassette audio de la Cinquième symphonie de Mahler, à cause de l'Adagio ;
mais moi ce qui m'a terrassé c'est l'introduction du premier mouvement à la trompette ; en do dièse mineur

Intéressant ! Mahler fait partie de ces compositeurs capables de fasciner même des personnes non-mélomanes, mais que je n'arrive pas à "capter".
Je compte sur ce fil et sur ce type de message pour m'y aider, car c'est une vraie lacune (j'en ai quelques unes assez incroyables, des comme ça...)

puis j'ai découvert la musique contemporaine, plus puissante encore, parfois

Des noms ! Des nom !
Dans la musique contemporaine, donc je ne suis pourtant pas le plus ardent défenseur, j'avais été marqué par le requiem de Schnittke.

[wincher01]

Dans la musique contemporaine, donc je ne suis pourtant pas le plus ardent défenseur, j'avais été marqué par le requiem de Schnittke.

Puisque je vois Gorecki dans ta vidéo, même si ce n'est pas lui dont tu parles, je te transmets sa 3e symphonie que j'aime beaucoup

[Yunchan.Lim]

Pour moi c'est un passage hyper connu, il y a bien longtemps la première fois que j'ai entendu le concerto n°2 de Rachmaninov le crescendo avec les timbales et le thème de la marche, quelle émotion ça m'a bouleversé ! J'en ai pleuré et pas qu'une fois mais à chaque fois qu'arrivait ce passage particulièrement, maintenant je l'ai trop entendu, je l'ai aussi travaillé x fois et à force de le connaitre par coeur l'émotion n'est plus la même qu'au début hélas. Un jour j'en ai même fait un rêve très détaillé comme un film de cinéma, j'entendais la musique très clairement dans ce rêve et les scènes visuelles étaient parfaitement synchronisées avec la musique, heureusement je m'étais réveillé juste après et j'avais eu le réflexe de tout noter au stylo pour m'en souvenir (je vous le raconterai plus tard).
J'ai sélectionné cette version sur Youtube car c'est une de mes préférées (avec d'autres) mais celle-ci a une prise de son meilleure que beaucoup d'autres je trouve et ce pianiste aveugle est excellent.
Alors le passage en question va de 7:00 à 8:18
à 7:21 on se dit "hey mais qu'est ce qu'il se passe ?!" cette tension, menace, rage, cette révolte, puis à 7:49 la délivrance, grandiose, toute l'âme russe dans ces notes !

[nox]

J'ai entendu ce très bon pianiste au Théâtre des champs elysées il y a quelques années. Très beau concert !
Et très belle version de ce concerto en effet (je l'ai découvert pour ma part avec Byron Janis). Effectivement je pense que nous sommes nombreux à avoir pris une claque avec ce crescendo.

Si tu as aimé et que tu cherches une émotion qui s'en approche, je te conseille le premier concerto de Bortkiewicz :