Lorsque nous avons décidé ma femme et moi de cherche un nouveau piano pour remplacer notre Bosendorfer 200, la barre était haute car cet instrument est plein de qualités. Nous cherchions un instrument avec une mécanique plus rapide et un son plus clair, ce qui nous a conduit dans un premier temps à essayer des Steinway B211 des années 80,90 et 2000. Malheureusement, presque toutes ces occasions se sont avérées décevantes, avec un son fatigué (lorsque toutes les pièces sont d'origine et que le piano est "dans son jus", cela peut arriver). Le meilleur était un modèle de 2002 révisé par Steinway à Hambourg, mais son prix (115000€) était dissuasif, pour un piano de 20 ans quand même.
Nous nous sommes alors tournés vers d'autres marques : Fazioli F183 F212 , Bechstein 192 et 212, Bosendorfer 185 et 214 (modèles neufs d'exposition ou très récents chaque fois, car tous rares en occasion, contrairement à Steinway).
C'était vraiment intéressant, car le Fazioli 212 fait d'abord une très bonne impression (excellente mécanique, son très rond) et on a le sentiment de vraiment bien jouer

Les Bosendorfer neufs ont une mécanique facile inspirée de Yamaha, mais ils n'ont pas le beau son de notre piano actuel, la différence était vraiment très sensible. Le 214 est brillant, il est d'ailleurs présenté comme adapté pour jouer du jazz.
A ce stade de notre recherche, nous commencions à nous faire à l'idée de conserver notre Bosendorfer. C'est alors que nous avons découvert l'atelier Baudry pianos, spécialisé dans la restauration des pianos fin 19ième, début 20ième, avec une prédilection pour les Steinway. C'est là que nous avons essayé 2 Steinway de Hambourg, l'un de 1906 l'autre de 1912, chacun avec une sonorité superbe et caractéristique : celui de 1912 avec une sonorité avec beaucoup de corps, celui de 1906 avec une sonorité plus claire, détachée, qui a fini par nous convaincre. De plus, l'état de conservation des parties conservées était remarquable, ce qui laisse penser que ce piano avait été stocké dans de bonnes conditions et correctement entretenu. Atout supplémentaire : le meuble est très beau (c'était avant que les efforts de rationalisation n'aboutissent à la forme standardisée actuelle).
J'en ai retenu quelques enseignements, en vrac :
-La restauration de pianos est devenu un marché porteur. Comme partout, il y a de tout dans ce métier, avec des restaurateurs qui vendent du rêve à des tarifs sans concurrence (instruments soi-disant "restaurés" dont il ne reste quasiment rien d'origine). Il vaut donc mieux se renseigner.
-Les vendeurs qui expliquent qu'un piano peu ou presque pas joué est une affaire nous trompent : c'est le contraire, il faut qu'un piano ait été joué, et si possible sur tout le clavier, pour que sa table d'harmonie évolue dans le bon sens.
-Les vendeurs qui expliquent que "tout est possible" avec l'harmonisation exagèrent : si le piano n'est pas équilibré, s'il sonne étouffé, c'est compliqué de rattraper avec une "simple" harmonisation, surtout si le problème vient de cordes à changer.
-Acheter un piano avant restauration est un pari que nous n'avons pas tenté. Après travaux, on peut obtenir des propositions très différentes, et c'est bien normal. A mon avis, cela demande d'avoir établi au préalable une relation de confiance, dans la durée, avec l'artisan.
-L'histoire du piano est passionnante. Je recommande en particulier le livre de Richard Lieberman : "Steinway & Sons" (en anglais, mais en prenant le temps, cela se lit assez bien). On y découvre une histoire incroyable, celle d'une famille et d'une marque en parallèle de l'Histoire (la grande !). On comprend aussi que ces pianos n'ont finalement que peu évolué depuis le début de 20ième siècle, et que les autres marques se sont inscrites dans la même lignée.
-Une belle restauration coûte cher, et Steinway est structurellement plus cher que les autres marques. Mais même chez Steinway il y a de tout. Il faut vraiment s'en remettre à ce que l'on entend et ce que l'on ressent sur le clavier plutôt que de se laisser impressionner par des slogans (c'est évident, mais il faut le rappeler).