Merci beaucoup MH pour ton message qui soulève des points très importants et qui sont pour moi passionnants
mh_piano a écrit : ↑jeu. 21 avr., 2022 18:03
" à partir de rien" ? Pas vraiment...
(...)
Mais c'est un exercice difficilement accessible pour ceux pour qui le jazz est une langue étrangère... En tous cas pour faire ce que je viens d'entendre.
Je me suis sans doute mal exprimé, avec ce "à partir de rien"...
Bien sûr, derrière, il y a tout une pratique ; je connais une grammaire, mélodique, harmonique, rythmique. Mais ce que je voulais dire avec ce "à partir de rien", c'est qu'il n'y a aucune idée préconçue. Ce n'est pas le résultat qui compte, mais le fait de se lancer dans l'improvisation. Une espèce de "manière d'être" lorsque l'on joue.
Ce que tu entends n'est pas venu comme ça. En fait, j'ai commencé tout petit : dommage que je n'avais pas d'enregistreur à l'époque parce que tu aurais vu à quel point cela ne ressemblait pas à grand chose. Mais ce qui comptait, c'était cette envie de malgré tout, quel que soit le résultat, tenter quelque chose. Et au départ, ce n'était pas du jazz.
J'imagine (peut-être à tort) que nombre de Pmistes aimeraient savoir improviser. Mais si on leur dit : « joue ce qui te vient.. », le pianiste (le plus souvent et sûrement encore plus le pianiste "classique"), va se trouver totalement bloqué. Alors que sans le savoir, il a déjà comme tu le dis une grammaire, des mots, parce ce qu'il a déjà pratiqué pas mal de choses. Sauf que dès qu'il va poser ses doigts, il sera tout de suite dans le jugement, la peur. Et là (ce n'est que mon avis), il se prive de quelque chose de très particulier, qu'on ne peut sentir que lorsqu'on s'y jette, même si le résultat, au départ, peut sembler inaudible, sans intérêt. C'est un peu la même chose (enfin, bon pas tout à fait) que de se mettre dans un état méditatif, où on laisse glisser ses pensées sans s'y fixer, les laisser passer devant soi et les regarder sans aucun affect. Juste profiter de l'instant. Bien sûr, peut sortir alors des phrases sans queue ni tête, quoique...
Mais surtout, sentir alors une autre disposition d'esprit quand on joue, un autre rapport avec le clavier, ce qui convoque d'autres parties dans les hémisphères du cerveau.
Certains parlent d'hémisphère gauche, d'hémisphère droit :
"L'hémisphère gauche serait le lieu de la création du langage, de la parole, de l'écriture, des chiffres, de la logique et de l'analyse. Il produirait plutôt une pensée séquentielle, se déployant dans le temps, reliant un mot, un chiffre, un concept après l'autre, comme on bâtit une phrase mot après mot, un mur pierre à pierre, un raisonnement pas à pas.
L'hémisphère droit, lui, serait le lieu où le cerveau perçoit la notion d'espace, la pensée sans langage, le rêve, l'imagination, les couleurs, l'intuition, la synthèse. Il pourrait associer simultanément plusieurs concepts, et procéderait plutôt par association d'éléments disparates.
Je pense que c'est encore plus subtil que cela. Et que le fait d'improviser, fait appel à des parties subtiles dans chaque hémisphères, les relie beaucoup mieux. Et plus on fait l'exercice, plus on se modifie en le faisant, et plus cela se construit. Autant dans quelque chose qui va tenir de plus en plus "debout", mais aussi de façon de plus en plus intuitive.
A aucun moment, lorsque j'improvise, je me dis : tiens, je vais mettre ici un do mineur, et là, un sib truc muche. Cela se passe dans un autre "espace", c'est tout un autre monde.
Il faut un début à tout. Ne pas commencer par voir le résultat. Simplement vivre l'expérience, y revenir souvent. Sentir petit à petit en quoi elle nous modifie. En quoi aussi notre sensation tactile, nos gestes, changent lorsqu'on vit cette expérience.