Ce message pour vous présenter mon livre de chevet du moment, dont j'ai déjà lu la plus grosse partie des 271 pages. Je sais d'ailleurs déjà qu'une fois fini, je vais le relire.
NB : Hélas pour les non anglophones, l'ouvrage n'existe qu'en anglais).
"Lorsque nous entendons de la musique, nous expérimentons souvent comment le physique flirte avec le spirituel de manière profonde et émouvante. Mais ce que nous ne réalisons pas, c'est que cette confluence est possible non seulement dans la musique, mais dans la vie, et c'est plus facile que vous ne le pensez."
Truffé d’idées profondes et d’anecdotes assez édifiantes issues de ses quarante années d'études, d'interprétation et d'enseignement de la musique, Becoming the instrument fait suite au précédent livre historique de Kenny Werner, Effortless Mastery: Liberating the Master Musician Within.
Avec Becoming the instrument - sorte aussi de guide pour accéder au spirituel dans notre existence quotidienne et l'appliquer aux activités que nous aimons - il propose de nous montrer comment des musiciens, des artistes ou même non artistes peuvent permettre à leur «maître créateur intérieur" d'élever les possibilités à leur plus haut niveau, nous expliquant comment être spontané, intrépide, joyeux et discipliné dans notre travail et dans notre vie.
Quoi que vous essayiez de maîtriser, l’auteur dit que la clé pour cela est d'apprendre à se glisser dans l'Espace (The Space), l'endroit situé au-delà de l'esprit conscient, qui nous permet d'incarner sans effort tout ce que nous faisons. Entrer dans ce type d'état, ce flux, peut sembler ésotérique et difficile à réaliser, mais Kenny Werner propose ici des exercices faciles pour y accéder et atteindre la maîtrise. Comme il le souligne : «La maîtrise n'est pas la perfection ni même la virtuosité. C'est se donner de l'amour, pardonner ses erreurs et ne pas laisser les preuves terrestres diminuer la perception de soi comme une goutte dans l'océan de la perfection ».
Rappelons que Kenny Werner est un pianiste de jazz américain de renommée internationale, compositeur, éducateur, nommé aux Grammy et auteur. Directeur artistique du Berklee Mastery Institute, il se produit et enseigne dans le monde entier depuis plus de quarante ans. En 1996, il a écrit le livre de référence Effortless Mastery : Liberating the Master Musician Within (La Maîtrise sans effort : Libérez le maître musicien qui est en vous), qui s'est vendu à plus de 155 000 exemplaires. Celui-ci, traduit en plusieurs langues est considéré comme une lecture essentielle pour les artistes de tous genres et fait partie des livres les plus lus sur la musique et l'improvisation (livre que je conseille absolument, qui m'a toujours inspiré dans mon travail). Mais revenons au présent livre :
Devenir l'instrument
Leçons sur la maîtrise de soi
De la Musique à la Vie
Par Kenny Werner
Je vous traduis ci-dessous la préface et le sommaire
Préface
Lorsque j'ai écrit mon premier livre Effortless Mastery, c'était poser sur le papier une sorte de connaissances particulières que je semblais posséder depuis ma plus tendre enfance. On pourrait même appeler cela une sorte de sagesse, une compréhension de quelque chose de si clair pour moi que je pensais que tout le monde comprenait la même chose. C'est un peu comme l’oreille absolue. C'est mon second professeur qui a remarqué que je ne pratiquais pas les morceaux qu'il me donnait à travailler, mais que je « me souvenais juste d'eux ». Un jour, il m'a demandé de lui tourner le dos et de nommer les notes qu'il jouait. Ce que j'ai fait avec une grande facilité. Il m'a alors fait face, m'a regardé dans les yeux et m'a dit "Tu te rends compte que tu as l'oreille absolue" ? J'ai dit "Oreille absolue", qu'est-ce que c'est ? Il m’a répondu : "c’est la capacité de reconnaître la ou les notes jouées sans voir ce qu'elles sont".
J'ai répondu : "vous voulez dire que vous n’êtes pas capable de faire cela ? J'étais très étonné de découvrir alors que tout le monde ne puisse dire de façon directe les notes que l’on entendait. Pour moi, c'était aussi évident que de nommer les couleurs. La connaissance que j'avais était si claire et naturelle : je n'avais pas réalisé que c'était quelque chose de si peu partagé.
J'étais un enfant précoce qui n'avait pas la patience d'apprendre quoi que ce soit. Cependant, j'avais toujours tendance à pontifier sur des choses dont je ne savais rien. Je sentais des idées qui n'avaient pas été testées. C'était à la fois un de mes défauts mais aussi un point fort. Beaucoup de ces idées se sont avérées justes.
La "connaissance" que je diffusais était généralement liée à la créativité, ou à la façon d'être créatif. Je savais comment faire cela facilement. Être créatif et, en fait divertissant, était dans mes gènes. Quand je n'avais que trois ans, je suis allé à l'école de la danse. Aux fêtes de mes parents, j’adorais monter sur une chaise et chanter, imiter des chanteurs connus. Je faisais aussi impressions sur des personnalités de la télévision de l'époque. Je me souviens d'avoir été très fier après être passé sous les projecteurs, un fait dont j'ai eu honte plus tard dans la vie, alors que j'étais censé être un "artiste". Je ne pense pas avoir vraiment compris ce qu'était un artiste, j'aimais divertir. Je le fais toujours. Que ce soit pour chanter, danser ou raconter des blagues, j’ai toujours apprécié de lire alors le plaisir sur les visages, cet effet sur les gens.
Comme avoir une oreille parfaite, je ne savais pas d'où venaient ces instincts créatifs, ils étaient juste là, me permettant d'être libre, de faire le fou et de ne pas être accablé par l'auto-analyse, du moins en ce qui concerne la musique. Mais plus tard dans la vie, j'ai réalisé que les autres ne savaient pas toujours ces choses. Par exemple, je n'ai jamais pensé que la musique était si importante. Les gens en semblent encore étonnés lorsque je le clame à haute voix. Mais comparée à la nourriture, à l'eau, à un abri, à la respiration, etc., c'était évidemment une considération secondaire. Cette information s'est avérée très utile pour éviter une grande partie du drame associé à la performance. J'ai mes propres drames, bien sûr, mais ils ne m’ont que rarement concernés dans le fait de monter sur scène pour faire ce que je "fais". Je me suis senti tout aussi imperturbable à tous endroits, que ce soit au Carnegie Hall ou au Carnegie Deli de l'autre côté de la rue [[ndlr : Le Carnegie Deli est une petite épicerie fine juive, anciennement une chaîne, basée à New York]. J’ai toujours eu cette sorte de détachement. Cette attitude désinvolte pouvait sembler négative à mes débuts, mais bien plus tard, elle est devenue positive. Après avoir eu quelques professeurs très influents à l'université et ensuite, j'ai commencé à voir cette attitude dans un autre contexte. De plus en plus, je pouvais sortir de mon propre chemin et me regarder jouer. J'espère que le don de cette connaissance aidera le lecteur à s'élever dans n'importe lesquels de ses choix.
En jouant avec d'autres, j'ai parfois remarqué que leurs yeux étaient fermés. Au début, j'ai supposé que c'était parce qu'ils étaient vraiment profondément plongés dans la musique et, parfois, ils l'étaient. Mais souvent, ils étaient simplement en train d'essayer de bien jouer. J'observais cela d'une façon plutôt détachée et j'ai commencé à remarquer que cette grande attention portée à la performance n'aidait pas, mais plutôt inhibait le flux de créativité. Bien sûr, nous nous en soucions tous, mais il était important de s'en soucier car on était sur le point de jouer. J'aimais penser : "Personne n'a jamais joué de piano avant moi". Ce n'était certainement pas très utile si, alors que j'étais sur le point de jouer, les mots "Keith Jarrett" me venaient à l'esprit. Cela me faisait généralement surjouer et manquer d'essence, de pureté.
Tout cela a pris plus de sens plus tard dans ma vie lorsque j'ai commencé à étudier la pensée orientale, le yoga, le zen, le shivaïsme du Cachemire, la sagesse des Upanishad et la philosophie soufie. Par exemple, dans la Bhâgavata Gita (qui contient 18 chapitres et 700 versets qui résident au milieu d'un même grand travail, le Mahabharata), le texte entier est consacré à un point de l'histoire où Arjuna, le héros, est contraint d'entrer en guerre avec une faction concurrente de sa famille royale. Il est sur le point d'entrer dans le combat assailli de doutes et de chagrin et ne veut pas aller jusqu'au bout ; il sait qu'il devra tuer des oncles et des cousins. Soudain, le conducteur de son char se révèle être le seigneur Krishna. Ce qui suit consiste en 700 versets sur le détachement. J'ai trouvé cette référence plusieurs années après l'avoir expérimentée. J'ai alors compris que la sagesse ne venait pas toujours des livres. Elle vient parfois de l'intérieur, comme un grand lac où chacun peut se rafraîchir.
J'ai continué à avoir des expériences profondes et de nombreuses personnes ont commencé à me demander d'expliquer ce que je faisais. Cela m'a amené à enseigner, à donner des conférences et finalement à écrire mon premier livre, Effortless Mastery. Je semblais aussi avoir une capacité naturelle à verbaliser ce qui se passait dans ma tête. Lorsque j'ai commencé à enseigner, j'ai remarqué que je pouvais aussi dire ce qui se passait dans la tête des autres. Dans mon livre Effortless Mastery (La Maîtrise sans effort), j'ai détaillé la substance reine des rationalisations, des déceptions, des messages négatifs, des procrastinations et d'autres stratagèmes que l'esprit traverse et qui empêchent de bien s'entraîner et de jouer. Beaucoup de gens m'ont dit en lisant la première partie du livre que c'était comme si j'étais comme une petite souris dans leur appartement. "Comment sait-il que c'est exactement comme cela que ma tête fonctionne?" Encore une fois, cela semblait être un cadeau avec lequel je n'avais pas grand-chose à voir. Mais c'était extrêmement utile pour les gens qui sentaient que je comprenais leurs fragilités. J'avais de la compassion pour les musiciens jeunes et moins jeunes qui, ironiquement, étaient bloqués par les désirs de leur cœur parce que j'avais la même atrophie dans d'autres domaines de la vie. Savoir comment les attachements de l'esprit peuvent limiter les rêves et les possibilités est aussi important que toute autre chose dans l'équation.
Vous trouverez beaucoup d'informations à ce sujet dans cet ouvrage. La maîtrise implique généralement des principes physiques, mentaux et spirituels. La métaphysique se cache dans le monde physique. Il faut la trouver ! C'est là notre grandeur. Et la transformation ne vient pas sans faire des devoirs à la maison.
Depuis 2014, je suis directeur artistique de l'institut Effortless Mastery du Berklee College of Music. Enseigner ce que j'ai toujours su de manière innée et transformer ces connaissances en cours m'a donné beaucoup plus de moyens d'exprimer ma propre liberté. J'ai été surpris de constater que tant de gens d'autres horizons tiraient des leçons de mon premier livre. Des hommes d'affaires et même des militaires m’ont envoyé par e-mail de fantastiques lettres de gratitude.
Ce nouvel ouvrage, « Devenir l'instrument », élargit intentionnellement le champ d'application. J'espère que les idées présentées ici seront facilement transférables à tous les horizons de la vie et à toute passion que l'on a pour l'accomplissement et la maîtrise. Le succès peut dépendre de la capacité à atteindre cette maîtrise. En cela, nous trouvons tous un terrain d'entente.
Il est important de noter que cet ouvrage comprendra des commentaires, doutes, soutiens, moqueries sur moi-même et sera imprégné de spiritualité. Il ne pouvait en être autrement. Comment peut-on commencer à écrire sur le fait de "Devenir l'instrument" et éviter le sujet de "Qui joue ?". Être un instrument, c'est comme être un meuble. Aussi attrayant que cela puisse paraître à certains d'entre nous qui pensons trop, il ne servirait à rien de discuter de la vertu d'un tel état s'il n'y avait pas la croyance qu'une puissance jouerait de l'instrument. Cette croyance seule nous enferme dans la réalité d'"une plus grande puissance". Cela pourrait être Dieu, Jésus, Buddha ou Charlie Parker. Ou cela pourrait être le 11 % de notre cerveau. Qui sait ? Qui s'en soucie ? (Je sais que beaucoup le font !). Se poser cette question de savoir si « cela » existe n'est pas pertinente, car en fin de compte, c'est le pouvoir de votre foi qui pousse les humains à des réalisations surhumaines. Une fois que nous acceptons ces prémisses, nous réalisons qu'il pourrait y avoir un réservoir inexploité et sans fin de créativité, de pouvoir, courage et bonne intelligence à l'ancienne, toujours disponible si nous étions prêts à abandonner notre propre sens de soi et à devenir un canal pour "La Source". Ensuite, toutes les autres implications entrent en jeu. Chaque fois, il serait possible d’user d’un synonyme pour ce que l'on pourrait appeler Dieu (avec D majuscule) comme je pourrais également le faire en écrivant "Jésus" ou "Thelonious Monk", ou même "L" (car après tout, qui est ce "Je" ?).
Si vous vous attendez à un langage respectueux, je ne suis qu'un Juif de Long Island, New Yawk (intentionnellement mal orthographié). J'ai été élevé et scolarisé par la télévision. Mon parcours de toute une vie a été de remplacer "engourdissement" par « lien réel». Mon apprentissage des concepts les plus profonds vient plus des films et de la télévision que de tout ce qui est savant. Vous verrez que tout au long du livre, j'ai finalement accepté cela de moi-même. C'est important pour moi de le révéler car j'aimerais que vous le compreniez : cette connexion est accessible à tous. Le royaume des « cieux » se trouve en VOUS. Je serai parfois drôle, ou du moins je l’espère. Une partie du livre parlera de mon propre voyage personnel. Je trouve que c'est un voyage fascinant d'accepter et d'apprécier de plus en plus qui je suis vraiment, le bon et le mauvais. Si je parle avec ma voix authentique, je peux parler de n'importe quoi et ça me ressemble toujours.
Vous pourriez vous demander quel but je poursuis en écrivant un livre comme celui-ci ? Je me suis posé la même question ce matin. Je n'ai pas les connaissances. Je n'ai pas étudié les éléments croisés de la neurologie, de la physique quantique, pas beaucoup de théologie, de psychologie, etc. Ce n'est certainement pas un travail d'érudition. Mais je possède une chose que beaucoup d'érudits n'ont pas - l'expérience. Ma pratique en jouant du piano met tout cela en mouvement . C'est ma validation. Je le fais... presque à chaque fois que je joue. Beaucoup d'artistes le font, mais j'ai toujours eu la capacité étrange de l'exprimer avec des mots, de le définir, voire d'inventer des exercices pour que d'autres le pratiquent, quoi que "ça" soit. J'écris ce livre dans l'espoir que vous puissiez vivre cette expérience de manière fiable lorsque vous jouez, quelle que soit la nature de cette performance, quel que soit l'instrument que vous utilisez.
Il y aura des phrases qui paraîtront débiles à certaines personnes. Ce n'est que de la musique, ou quelque chose d'aussi insignifiant que jouer d'un instrument de musique. J'espère qu'elles seront vues dans le contexte d'une libération encore plus grande, dans l'esprit de cette libération.
Mon premier livre, Effortless Mastery, comportait des méditations. Il existe aussi un enregistrement qui donne à haute voix ces méditations car comment peut-on lire une méditation qui commence par "Fermez vos yeux". Elles sont là comme un moyen de se renforcer avant d'écouter et de jouer. Une chose que j'ai apprise dans ma propre vie est que nous avons besoin de toute l'aide possible. Les méditations, et ce livre en fait, visent à vous donner des moments où vous pourrez reconnaître votre propre Moi Supérieur, savoir que vous possédez le « Grand Être » - le Vous, qui se trouve à l'intérieur. Ensuite, si vous pouvez laisser cet être jouer, écrire, créer, programmer… - vous pourrez vous abandonner à votre propre grandeur.
Donc, je m'excuse et je ne m'excuse pas pour la spiritualité flagrante de ce livre. Je vous assure que cela vient d'une saine méfiance, sinon du ressentiment envers la religion organisée et du moins d'une vision agnostique ferme dans la définition de « La Source ». Pour moi, le simple fait d'être capable de la décrire à l'aide de son art fait partie de l'importance essentielle de l'art lui-même. C'est un regard hors de propos sur cette révérence. Après tout, vous ne voulez pas simplement adorer Dieu, vous voulez aussi le divertir.
Sommaire :
Préface
Prologue : une histoire
The Space (L’Espace)
Un peu plus d’histoire
L’instrument parfait
Bloks to the Space (que je pourrais traduire par « Ce qui vous rend fragile dans l’Espace »)
16 variations sur le « S’écarter du chemin »
Le discours du roi
Méditation #1
Une pause commerciale
Intégration Cerveau gauche/cerveau droit ? Pourquoi Oui !
Une interprétation plus large : esprit individuel/esprit universel
Les étapes de la maîtrise sans effort
Mémoire comme un muscle (Entraîner les muscles ou l'esprit par la répétition)
Les objectifs de la pratique
La valeur des erreurs
Remarque sur la patience
Méditation #2
L’improvisation
S’allumer
The Maya of music : (Quelles sont certaines des pensées sur la musique qui pourraient être maya, (Maya en sanskrit veut dire « illusion »)
Un résumé sur la peur
Méditation #3
Comparaison de la pensée et de la musique orientales et occidentales
Leçons, de la Musique à la Vie
Le génie intérieur
Je suis un Maître
Vivre avec un but, jouer avec un but
Mesdames et Messieurs, je vous présente... The Spot ( « The Spot » étant une nouvelle façon de rentrer dans ce Kenny Werner appelle l’Espace (The Space) lorsqu’on joue). Signalons qu’un de ses disques a pour titre « The Space »)
Méditation #4
Rencontrer « Dieu »
Épilogue
Appendice 1 : autres technique pour toucher « The Spot » et entrer dans « The Space »
Appendice 2 : Techniques éclairées pour la musicalité spirituelle
Remerciements