Je suis d'accord avec beaucoup de choses qui ont été dites. Encore faut-il s’entendre sur ce que Bach a spécifiquement composé pour le clavecin, on en revient toujours là.Jacques Béziat a écrit : sam. 08 janv., 2022 13:02 (...)
Pour une pièce composée spécifiquement pour un instrument donné, et pour un instrument de l'époque, la question est moins délicate que lorsqu'il s'agit de l'interpréter avec un instrument différent, ou pas d'époque.
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Si on reste dans le domaine du piano, le répertoire baroque prévu pour le clavecin change radicalement de dimension, on passe quasiment à une transcription si on ajoute les nuances, par exemple.
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Il y a donc bien une adaptation à effectuer selon l'instrument, avant même de parler d'interprétation personnelle.
Ça semble évident pour son étrange Fantaisie Chromatique, si peu structurée qu’elle semble fort être une improvisation au clavecin couchée sur le papier, ou encore ses transcriptions des concertos de Vivaldi pour clavecin, bien entendu. Par contre, c’est déjà moins évident pour ses Inventions. Et ce n'est bien sûr plus du tout le cas pour son Art de la Fugue, comme tu l'as mentionné plus haut.
Ses Inventions ont probablement été jouées par les enfants de Bach sur le clavicorde familial, elles devaient être à minima destinées à n’importe quel type de clavier. Il n’est même pas du tout sûr que Bach pensait spécifiquement aux claviers en les composant ou qu’il se soit particulièrement soucié d’un rendu sonore spécifique. Ce que l’on sait juste, c’est qu’il s’en est servi par la suite pour composer un cahier didactique potentiellement destiné aux élèves internes de saint-thomas à Leipzig, qui disposaient alors tous d’un instrument à clavier, ce qui explique la référence à ces instruments dans le préambule du cahier. Il briguait alors un poste de Kapellmeister à l’Eglise Saint-Thomas. Pareil pour certaines pièces du Clavier bien Tempéré, composées concomitamment aux Inventions, elles ont été écrites dans un contexte légèrement différent de celui dans lequel elles ont été assemblées et recopiées au propre. L'usage auquel il les destinait a pu varier légèrement dans le temps.
Je reste persuadé que l’important n’est pas forcément d’en revenir aux instruments tels que Bach les connaissait mais de nous imprégner de leurs caractéristiques. Pour les œuvres destinées au clavier et plus spécifiquement au clavecin, les nuances et la dynamique sont intégrées par la structure même de l’œuvre, ce que l'on doit tenter de faire ressortir au piano.
Je pense que la variété des possibilités offertes par le piano moderne permet tout à fait de garder ce cadre imposé par les paliers dynamiques du clavecin tout en gardant le champ des nuances familier des instruments à corde, des vents ou bien évidemment du chant, que Bach connaissait très bien. La question centrale reste, pour moi, si l’œuvre a été effectivement pensée pour le clavecin, auquel cas il faudra être particulièrement scrupuleux envers les possibilités que nous offre le piano et faire des choix plus drastiques, ou si l’œuvre en question n’a été destinée au clavecin ou au clavier que pour des questions d’opportunités, comme je pense que c'est le cas pour les Inventions ou certaines pièces du WTC, auquel cas nous pouvons très bien les imaginer jouées par des cordes par exemple, ce qui nous autorise de fait à utiliser une palette pianistique moderne plus large.