Merci beaucoup Ninoff pour ton attention à tous, tes mots toujours si encourageants pour moi. Aujourd'hui, j'ai lu une phrase, qui me fait complètement penser à toi : "Habiter poétiquement le monde ou habiter humainement le monde, au fond, c'est la même chose".Ninoff a écrit : lun. 02 août, 2021 17:00 Christof : Comme dit Quazart, lorsque tu es parti, rien ne t’arrête et puis cette fois tu es le roi de l’éclectisme en partant de Rameau, Hahn, les brésiliens, Biolay , ragtime.
Il est très intéressant de saisir l’essence de chaque composition, l’on se rend compte d’un fil conducteur analogue, l’amour intrinsèque de la musique.
Et il est très rare de voir un musicien de formation au préalable jazz venir se frotter au classique notamment Rameau qui demande une telle discipline, une telle recherche dans l’articulation des doigts (très subtil) que je ne peux que te louer de ton évolution et de cette recherche permanente de tout ce qui a trait avec la musique.
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J'aime essayer de jouer la musique "classique". Pour moi, c'est un monde très nouveau, nécessitant des façons différentes d'envisager les choses (par rapport au jazz), qui ne font pas forcément appel aux même sollicitations dans ce qui se passe alors dans ton cerveau (c'est très difficile à expliquer). Le jazz, c'est une musique que je suis allé chercher ailleurs, par l'oreille. Une musique de "liberté", mais qui doit être très structurée avec un fil conducteur, avoir à l'esprit sans arrêt une structure, ce qui n'est alors pas évident et c'est souvent cela qui peut pêcher. Qui peut pêcher beaucoup aussi parce que l'ambiance se fait un peu "à la carte", sur l'instant, on joue et puis on voit bien.
En classique, je trouve que c'est une autre façon de travailler pour moi, qui aide justement à développer l'ambiance, les ambiances, les climax du morceau et aussi la précision : d'abord s'efforcer de comprendre l'oeuvre, sa structure précise, avoir une très forte rigueur du travail, tel son très précis à tel instant, envisager bien plus le pourquoi de telle partie écrite par rapport à ce qui précède, etc, etc, ce qui m'enseigne vraiment d'envisager le tout par sa structure, son développement précis. L'oreille joue bien sûr, mais pas de la même façon (enfin, on pourrait discuter des heures de cela, parce que bien sûr l'oreille est fondamentale dans chaque domaine). La liberté est ici de donner sa propre interprétation de quelque chose d'écrit. En jazz, la liberté c'est justement que les trois quarts ne sont pas écrits, et qu'il y a une forte part d'improvisation. Et puis, le classique m'aide à chercher une discipline, une discipline tactile de chaque instant, ce que je n'arrivais pas vraiment à faire bien avec le jazz...
Les deux se complètement pour moi, chaque domaine m'enrichissant l'autre.
Un très long chemin pour moi. En ce moment, j'aimerais travailler un thème de Bill Evans, mais la version spécifique qu'il a jouée dans un concert à Paris en 1979 (il ne jouait jamais de la même façon). Le relever ne va pas être de la tarte (en plus cela module tout le temps).
Si j'avais procédé comme avant (je veux dire avant de m'être plongé dans le travail de la musique "classique"), j'aurais écouté, noté les accords à la louche, et fait un peu à ma sauce, en essayant de me rapprocher de ce qu'il joue (juste me rapprocher un peu) et puis cela m'aurait suffit.
Maintenant, cela ne me suffit plus. Donc d'abord tout relever, tout écrire. Puis travailler cela comme le ferait un pianiste "classique". Se pencher vraiment sur chaque note, essayer de comprendre vraiment la structure, le pourquoi dans sa tête de telle partie (si c'est possible), comprendre pourquoi il a eu envie de moduler ici, et là... Comprendre la conduite.
C'est simplement maintenant que j'arrive à comprendre pourquoi il me touche autant. Bill Evans est, je pense, le pianiste maître en la matière, qui maîtrisait au plus haut niveau ces différentes approches que j'essaie d'expliquer plus haut, faisant de lui un musicien "complet", un compositeur aussi. Qui jouait les ballades comme personne.
Un long chemin, passionnant pour moi pour essayer, quel que soit mon niveau pianistique (qui n'est pas énorme) d'approcher encore plus les choses. PM d'ailleurs n'y est pas pour rien, qui m'a aidé à mieux comprendre cela, et m'a fait faire des rencontres formidables.