Tu étais arrivée dans ma vie un beau jour d'été 2020 quand, traversant ma cour, tu avais accepté sans peur ni hésitations les sachets de nourriture que je t'avais proposés pour t'aider dans ta vie de chatte errante.
Tu étais câline, toujours à venir te frotter sur mes jambes, ou même, quand on se promenait ensemble, sur le moindre brin d'herbe qui dépassait un peu du bord de route.
Tu avais un poil long et soyeux, et quand tu marchais devant moi lors de nos promenades quotidiennes du soir je disais toujours que tu avais comme une grosse culotte bouffante, une culotte de zouave en poil, qui rendait ta démarche si particulière.
Quand tu cheminais ainsi devant moi, j'aimais te dire ton nom : "Mimine", et hop tu relevais la queue, comme si ma voix avait caressé ton dos, et tu restais ainsi quelques secondes, fièrement, belle et libre. Ta queue dressée était ton drapeau, ton étendard, qui me disait "suis-moi".
Parfois je t'appelais ma be-belle, tellement belle, tellement libre, tellement indépendante et pourtant contente d'être avec moi, de se promener ensemble.
Au mois d'août, voyant que jamais je ne te ferais le moindre mal, tu m'as amené tes 3 petits.
Je les ai bien sûr nourri aussi, t'aidant dans ta tâche de mère nourricière.

Deux ont été adoptés par une amie de ma voisine, chez qui tu allais encore souvent boire du lait, et le troisième est resté (celui qui est en train de manger sur la photo). Je l'ai baptisé Monstro, et il est maintenant le plus doux et le plus gentil des chats logés à demeure dans mon foyer.
Tu en faisais des courses et des grimpettes aux arbres avec lui, et vous jouiez à vous bagarrer mais tout en amour et douceur.
Il adorait se cacher et te foncer dessus. Comme si tu ne le voyais pas !
Tu étais douce avec lui, mais tu étais pourtant une redoutable chasseuse, et tu ramenais souris et même rats qui passaient à portée de pattes.
Pour tenter de t'assurer une meilleure vie, sur les conseils glanés ici et ailleurs, je t'avais fait opérer pour que tu n'aies plus à subir les assauts des mâles et un vieillissement prématuré par trop de maternités.
J'aurais voulu te garder près de moi pendant des années, en bonne santé, forte et douce, surtout pour toi, et j'essayais de faire ce qu'il fallait pour ça.
Pour l'hiver, je ne pouvais te rentrer car tu était trop indépendante et tu n'étais pas propre, mais j'avais ouvert une chatière dans la porte de mon étable et y avais mis un radiateur électrique devant un banc de jardin, avec des coussins, et tu as passé tout l'hiver quand tu voulais être au chaud et au calme devant ce radiateur, qui t'a protégée du froid et t'a offert un confort que tu semblais apprécier et qui me semblait acceptable.
Vendredi dernier, tu allais bien.
J'étais revenu 2 fois la semaine dernière de Paris où ma femme est hospitalisé pour te nourrir ainsi que les autres, faisant 600 km à chaque fois en une matinée pour cela, mais ça n'avait pas d'importance quand on aime on ne compte pas même pas les kilomètres.
Aujourd'hui je suis de nouveau rentré pour m'occuper de vous. Ceux de la maison (Pacha, Pépette, Monstro) avaient ce qu'il faut en nourriture et eau il fallait juste que je fasse du nettoyage et que je remette eau et croquettes.
Pour toi je ne m'inquiétais pas, pour quelques jours, connaissant tes qualités de chasseuse.
Mais en arrivant je t'ai vu allongée par terre, presque immobile, amaigrie. Tu n'a pas eu la force de manger, à peine celle de boire quelques gouttes du récipient d'eau que je t'ai proposé.
Monstro voulait jouer avec toi, tu étais trop faible pour même le repousser.
J'ai appelé le véto, et t'y ai emmené. Tu étais tellement faible que tu t'es laissé mettre en caisse sans rien dire.
La vétérinaire t'a mis sous perfusion sous oxygène, tu étais trop faible même pour une prise de sang pour tester ce qu'elle pensait que tu avais : une maladie de reins.
Elle t'a gardée. Je lui ai laissé toutes latitudes pour des soins quels qu'ils soient à quelque coût que ce soit pour essayer de te sauver.
Mais une heure plus tard, à 17h31, elle m'a appelé.
C'était fini pour toi, ma Mimine, ma belle, ma câline, ma douce, ma fière, ma tendre, ma joie de vivre.
Je suis désolé de n'avoir rien pu faire, moi ton ami, pour toi que j'aimais tant. Je n'ai pas été à la hauteur, mais je ne sais pas si j'aurais pu l'être.
Depuis 2 jours j'avais senti que je devais revenir pour voir mes chats, comme un pressentiment, j'étais complètement obnubilé par ça. Je pensais que c'était pour les 3 prisonniers. Mais non, c'était pour toi, ma belle, ma douce. Sans ce confinement de débiles, je serais sûrement venu hier. Est-ce que celà aurait changé quelque chose ?
Je ne verrais plus jamais ta culotte de zouave trotter gaiement devant moi. Je ne sentirais plus tes caresses sur mes jambes. Je ne toucherais plus jamais ton poil si doux, si soyeux. Je n'entendrais plus ton petit miaulement si léger, presque inaudible, quand je te donnais ta nourriture quatre fois par jour. Je ne te verrais plus devant ma porte le midi quand je déjeunais et que je partageais une partie de mon repas avec toi quand ce que je mangeais pouvait te convenir.
Tu as passé tes dernières heures chez moi, comme pour demander de l'aide à ton ami, aide que je n'ai pas été capable de t'apporter, j'ai été incapable de te sauver, de te donner et te faire donner le secours que tu me demandais par ta présence discrète.
Tu as dû souffrir mille morts ma tendre et douce, mais tu ne laissais rien paraître, ou pas grand chose, juste un petit bout de langue qui dépassait, des yeux qui peinaient à rester ouvert, un souffle rapide. Tu étais d'une dignité incroyable, d'un courage extraordinaire.
Les humains se pensent une race supérieure. Mais par rapport à toi, ce n'est pas en joie de vivre, ni en courage ou en dignité. Tout au plus les meilleurs d'entre eux arrivent à t'égaler, toi la sans grade, que tous vont oublier sans même t'avoir connue. Sauf moi.
...Tiens, la pluie s'est mise à tomber, entre mes yeux et l'écran. Une fuite d'eau ?! Pourtant le plafond est intact...
Nous n'avons pas fait un très long chemin ensemble toi et moi, il a été bien trop court même pour une vie de chat, mais tu resteras dans ma mémoire et mon cœur jusqu'à mon dernier souffle.
J'espère que tu seras heureuse au paradis des chats, ma Mimine, ma belle, je l'espère de toutes mes forces. Et s'il est le même que celui des hommes, j'espère que je pourrais t'y retrouver et te dire tout ce que je n'ai pas eu le temps de te dire.
BM