(Je ne sais si il y a déjà eu un fil sur le sujet, en tous cas, je n'ai rien trouvé par le moteur de recherche du forum).
J'ai donc voulu en savoir plus (et pardon à ceux qui dans le forum connaissent déjà tout cela)...

Il faut savoir que lorsque les États-Unis sont entrés dans le conflit en 1941 après l'attaque de Pearl Harbor, les approvisionnements en matières premières ont été détournés vers l’effort de guerre. Et cela comprenait les métaux qui étaient des composants clés dans les pianos, comme le métal, laiton, cuivre et fer (chaque piano en contenait minimum 150 kilos). Les fabricants de pianos devaient donc fabriquer autre chose ou cesser leurs activités. Ainsi l'usine Steinway avait commencé à remplacer sa production new-yorkaise de pianos pour le grand public par la fabrication de cercueils, de pièces pour transports de troupes, des pièce pour les planeurs, tandis que la Baldwin Piano Company se mit à produire des ailes d'avions en bois..
Mais en 1942, l'armée américaine qui commence déjà à préparer le futur débarquement en France, commande 4000 Steinway droits, prévoyant que la présence de musiciens et de pianos sur tout terrain d'opération pourraient soutenir le moral des troupes, dans une guerre prévue pour être longue. C'est alors que Steinway invente son modèle "Victory" Vertical, piano droit de 1,016 mètre de hauteur, qui ne contenait que 12 kg de métal. Pesant 250 kg, ce modèle était conçu pour supporter les conditions proches des champs de bataille du monde entier : assez résistant aux chocs, pouvant encaisser de forts écarts de température. Il était livré en différente couleurs, vert olive, bleu, gris, selon les corps d'armée, avec son caisson d'expédition solide.
Steinway en produira finalement 2436 (en tout 3000 entre 1941 et 1953)
Pour la petite histoire, il faut savoir que quatre des fils de Théodore Steinway (président à l'époque de la firme) débarqueront le 6 juin 1944 sur les plages de Normandie).
Si certains de ces pianos ont été débarqués par bateaux, pas mal d'entre eux ont été livrés aussi par bombardiers et largués par parachute (avec équipement de réglage et instructions) ; d'autres ont été chargés sur des sous-marins encore en construction dans l'espoir que la musique empêcherait les marins de devenir «fous» pendant un long déploiement sous-marin.
Tout au long des années du conflit, les troupes en Europe, en Afrique et dans le Pacifique sud ont donc reçu l'un des paquets les plus inattendus.
"Quiconque étant capable de jouer d'un instrument, qu'il soit bon ou mauvais, jouait ". Les gars ont adoré. C’était une belle camaraderie, et cela a empêché beaucoup d'entre nous de devenir fous", ont pu expliquer des militaires.

Les pianos ont finalement provoqué une forte cohésion, une grande camaraderie, mais aussi ont été de très grands ambassadeurs pour le renom de Steinway. Après la guerre certains de ces pianos sont restés dans les casernes de troupes américaines, d’autres ont été conservés dans les musées tel le mémorial de la Paix à Caen.
Le 6 juin 1944, les GI's qui débarquaient sur les plages de Normandie ne transportaient donc pas que les armes de la libération ils emportaient aussi le Jazz dans leurs bagages* (nb : a aussi été connue alors la musique country, que pas mal de GI's chantaient et jouaient à la guitare).
Déjà, pendant le 1er conflit mondial, le chef d'orchestre Jim Europe avait été chargé, en 1917, de former l'orchestre du 15e régiment d'infanterie de la garde nationale de l'état de New York. A sa tête, il avait rencontré un immense succès dans toute la France. Après l'entrée en guerre des États Unis, en 1941, les Jazzmen vont s'illustrer aux côtés des troupes. En premier lieu, bien sûr, Glenn Miller. En 1942, il s'engage dans l'armée de l'air et donne plus de 800 concerts avec son "Glenn Miller Army Air Force Band". Le 15 décembre 1944, il quitte l'Angleterre pour se produire à Paris, à l'Olympia. L'avion n'arrivera malheureusement jamais.
* Dans son film "Cinq jours en juin", Michel Legrand qui raconte un épisode important de sa vie quand il avait quinze ans, montre d'ailleurs dans une des scènes un GI jouer du blues sur un de ces pianos Victory. C'est la première fois à l'époque qu'il entendait ce genre de musique (j'en avais déjà parlé dans un fil sur le forum, mais impossible de le retrouver). J'ai eu la chance de pouvoir en parler avec lui à une époque. Il m'avait raconté, qu'au départ, il prévoyait qu'il jouerait lui-même à ce moment-là sur la bande son ce qu'on entendrait au piano. Mais quand le piano est arrivé (la scène se passe dans une cour de ferme, et il y a avait là pas mal d'acteurs qui attendaient pour le tournage, et parmi eux, un figurant, noir américain qui, voyant le piano, et que tout le monde attendait (on attend énormément durant un tournage au cinéma) s'est mis à jouer pour distraire tout le monde. Un blues... Et Michel Legrand a trouvé cela tellement super, un son tellement "jazz", qu'il lui a demandé alors d'être le pianiste de cette scène et a gardé le son original et sa musique originale.