Attention, ça calme !
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k ... f354.image
L'auteur fut un proche de Beethoven et son premier biographe,
puis page 346, il n'est guère plus aimable à l'égard du pédagogue :
L’époque actuelle a vu surgir trois grands talents ayant chacun une spécialité. Nous voulons parler de Thalberg, Chopin et Liszt. Si Thalberg avait pu appliquer sa manière de foire chanter le piano aux compositions classiques, il aurait rendu service à l'art. Le talent idéal de Chopin se manifestait surtout dans les airs nationaux polonais et dans ses propres compositions écrites dans un style particulier, rempli de poésie. Mais il ne peut servir de modèle pour l'exécution des classiques. Son talent original laisse d'ailleurs loin de lui ses disciples et imitateurs, qui sont à leur maître ce que sont les lithographies à la peinture à l'huile.
Liszt croyait sortir de l'école de Czerny avec un talent fini. Si l'on peut finir ses études à l'âge de douze ans, cela veut-il dire, qu'à cet âge les idées soient assez solides et le sentiment du beau assez épuré pour ne rien craindre des orages de la vie. La suite a prouvé le contraire, et le talent du jeune Liszt n'a pris une bonne route qu’après de nombreuses transformations.
A dix ans, il devint l'élève de Czerny et annonçait déjà l'étincelle divine qui l'inspirait ; mais ce fut un malheur pour lui d'avoir été confié à un tel maître. Ce jugement est justifié par l'aperçu de ses rivaux de virtuose. Pendant deux ans, Czerny ne fit travailler son jeune élève que pour lui donner une exécution de bravoure. Elle devait lui suffire pour son instruction musicale et pour se produire en public ; c'est ainsi qu'il fit ses premiers pas pour monter au Parnasse. Mais bientôt, les effets de la direction du maître se modifièrent dans la vie parisienne, et son individualité artistique prit un nouvel essor. Sa facilité pour improviser sur des thèmes donnés, qualités rares, mais qui dégénérait souvent en manières excentriques, lui valut de grands succès ; aussi aimait-il à s'y livrer, le professeur n'y voyait aucun danger. La suite montrera à quel degré le grand virtuose porta cette faculté en suivant la direction propre à son génie. On ne peut voir en lui qu'un modèle passable dans l'exécution de la musique classique ; s’il eût suivi cette voie, elle eût rehaussé sa valeur, d’autant plus que sa manière ne reposait sur aucun système elle dépendait le plus souvent de ses préoccupations et de ses succès. Mais, comme Liszt n’était pas exclusif, comme Thalberg et Chopin, il se rendit maître de la musique de Beethoven et forma une partie importante de son répertoire de plusieurs morceaux qui lui convenaient particulièrement. Ce fut un malheur pour cette musique, mais non le plus grand de ceux qu’elle eût à subir de tout temps. Liszt saisissait bien la poétique des œuvres de Beethoven, et quand il ne pouvait pas la rendre avec bonheur et dans l’esprit du maître, son exécution était rehaussée par son propre génie. Il avait quelquefois de ces heures consacrées, à son âme inspirée aurait contenté le grand compositeur lui-même, comme, par exemple, dans l’exécution du grand concerto en mib , à la fête de l’inauguration de la statue de Beethoven, à Bonn, en 184. Depuis dix ans, Liszt a échangé sa carrière de virtuose, contre le béton de chef d’orchestre et de compositeur ; sous ce rapport nous ne nous occuperons plus de lui, et comme il tient à son point de vue dépassé, la musique classique n’aura plus rien à craindre de lui ni de ses élèves. Nous devons en remercier le sort.
Et voilà, c'est dit !
Puis vient le tour de Clara Schumann (à côté et trop rapide) et Mendelssohn (trop rapide)...
et pour terminer, comme nous sommes sur un forum d'amateurs je ne me priverai pas de citer la conclusion du passage :
C'est ainsi que cela se passe à présent. Nos anciens classiques ne pourraient rien comprendre à ce frivole rouage. Dans leur simplicité ils ne reconnaîtraient pas même leurs œuvres. Si les grandes associations musicales n'entretiennent pas les lois de l’équilibre d'une manière inébranlable si le public, fatigué des productions éphémères ne s'adresse pas à ce qu'il y a de mieux notre siècle ne verra bientôt que des ruines dans le domaine de l'art classique. Puisse la conclusion de cette partie être plus satisfaisante sous ce rapport que celle qui a précédé. Pour atteindre ce but, il faut d'abord jeter un coup-d'œil rétrospectif sur la vie du grand compositeur. Sa musique de piano (exceptés les concertos) eut un singulier sort. Ce sont deux dames amateurs, véritables virtuoses, qui pénétrèrent le plus profondément dans l'esprit de ses œuvres. Elles les interprétèrent noblement, avec une piété sincère. Elles s'approchèrent le plus près de la beauté idéale, sans prétendre à les améliorer. En leur qualité de virtuoses amateurs, elles étaient libres des préjugés qui s’attachent à certains virtuoses de profession.
Il s'agit de Dorothéa Ertmann et Sidonie de Brunswick, élèves de Beethoven.
Signe qu'à l'époque les femmes faisaient mieux que les hommes, Lee, c'est pour toi
